Je viens d’apprendre le passage à l’Orient éternel de Notre Très Cher Frère José Barthomeuf, ce 20 mai, à l’âge de 86 ans. Je l’ai connu il y a bien longtemps : voici quelque trente ans, au moins.
J’étais encore un jeune maître et il était déjà chevronné, c’est-à-dire qu’il avait atteint ou était en voie d’atteindre ce degré ultime du Rite Écossais Ancien et Accepté où l’on vous déclare ne plus rien avoir à vous enseigner, vous laissant apprendre par vous-même (ce que vous avez toujours fait), mais désormais seul, le sens de la Voie.
J’avais atterri, à l’instigation de Jacques Carletto, membre depuis quelques années du comité du Journal de la Grande Loge de France, à une conférence de Rédaction que José animait, chaque mois, avec un zèle débonnaire et trompeur. En effet, si ce personnage jovial vous embrassait comme du bon pain, il savait aussi comme personne veiller au grain, aménageant de savants équilibres qui ne compromettaient jamais la sacro-sainte indépendance du Journal.
Il la défendait d’autant plus vaillamment que, pour mieux la garantir, il avait rédigé et fait adopter par les instances de l’Obédience une charte éditoriale, qui s’appliquait aussi à la revue Points de Vue Initiatiques où il œuvrait en parallèle. Quiconque manifestait la moindre velléité à la remettre en cause en était pour ses frais. Outre l’humeur farouche et indomptable qu’il devait essuyer, l’importun était écarté sans ménagement, tant était considérable, dans la Maison, l’entregent du directeur du Journal. De ce côté-là, ce dernier ne manquait pas de métier, conduisant une carrière de direction dans la Presse parisienne, même si, dans la vie professionnelle, il ne pouvait sans doute pas afficher la même rigueur. C’était une autre époque – quoique… – et les règles étaient, en toutes hypothèses, différentes.
Si l’hommage que je lui rends ici est, sur ce plan, un peu long, c’est que je lui dois beaucoup car, non seulement, par un mystère qui, jusqu’à présent, m’est resté inconnu, c’est lui qui m’a proposé à sa succession, alors que je n’étais pas un de ses proches ni ne m’étais particulièrement distingué par mes contributions, mais c’est encore à son puissant souvenir que je dois d’avoir si librement conduit les destinées du Journal pendant une quinzaine d’années au cours des vingt années suivantes, sans m’être heurté à la moindre difficulté d’exercice, alors que j’étais loin de disposer des mêmes relais. N’allez pas croire que, durant toute cette période, les fâcheux et les sots aient tous disparu des horizons mais un climat s’était installé, que rien n’est venu troubler jusqu’à la cessation de la parution papier… qui vit également mon départ. On entrait dans une ère nouvelle, celle de la communication, où le journalisme n’a plus bonne presse. Comprenne qui voudra !
De lui qui connaissait aussi d’assez près les traditions compagnonniques, je voudrais seulement dire, en point d’orgue, qu’il avait accueilli à son foyer des enfants en mal de famille. Son épouse et lui avaient ainsi choisi d’accomplir, en toutes constance et discrétion, leur mission d’êtres humains. Qu’on me pardonne d’avoir évoqué ce pan d’intimité, mais je crois que ce qui parle le mieux des hommes, ce sont encore leurs vertus domestiques les plus hautes. En un dernier salut, reprenant une de ses formules favorites avec son accent syncopé, je lui lancerai, par-dessus l’épaule du Grand Architecte : « Ô mon José, je t’étreins à la mode chez nous. »
La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 30 mai 2023 à Sartrouville, suivie de la crémation.
La rédaction reste à votre disposition afin de vous communiquer plus de renseignements quant à la cérémonie.
Registre du souvenir. Ni fleurs ni couronnes. Dons aux associations humanitaires.
“Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne” : José Barthomeuf, vaillant frère et titulaire discret des degrés du REAA à la GLDF et au SCDF, avait fait des célèbres mots de Colette sa devise. C’est avec cet amour de la langue française – et son art du mot juste et simple – qu’il a exercé aussi bien ses fonctions de direction au sein d’un grand journal parisien qu’à la tête de Points de Vue Initiatique, la revue de la précitée obédience. Sa générosité vigilante a ainsi permis à toute une variété de plumes humanistes de s’exprimer et de faire ainsi rayonner un esprit spécifique qui perdure aujourd’hui dans ce support. Je suis particulièrement heureux, qu’il ait pu préfacer quelque temps avant son départ, un ouvrage illustré en couverture par un vitrail maçonnique de ce lieu qui était son autre maison : j’ai vu alors briller dans son regard souriant cette flamme de l’initié heureux devant nos symboles constructifs. Je comprends aujourd’hui qu’il nous revient de la transmettre. Pour continuer l’oeuvre de ce frère dont l’élégance d’âme n’avait d’égale que sa bonté . Gilbert GARIBAL
« Gémissons, Gémissons mais Espérons.
Espérons, Espérons en confiance, Espérons en confiance et en sérénité ! »
Puisse Dieu, l’Être Éternel, le Très Haut, Grand Architecte de l’Univers, accueillir ce digne Fils de la Lumière en Sa demeure céleste où, désormais, il résidera en paix.