ven 22 novembre 2024 - 04:11

Mot du mois : « Jour »

Bonjour !

Le jour ? Une évidence, tant dans la mesure du temps qui passe que dans le vocabulaire quotidien.

Il y a le jour et sa lumière fluctuante, le jour et la date qu’il marque dans le calendrier. On est di-manche, ou lun-di, mar-di, etc., la syllabe –di- étant issue du sémantisme très ancien *dei-, qui désigne l’idée de briller. Avec risques collatéraux…

La majeure partie des langues indo-européennes en donnent un avatar. *Deva  en sanskrit nomme le démon, qui peut dorer ou brûler.  *Dios en grec se trouve dans Zeus, brandissant la foudre, et Dionysos, assorti de sa folie et de son ivresse…

Le latin exprime la même idée dans le très vaste champ lexical du divin, *deus, *divus, *divinus. Ce qui concerne la divinité ou est inspiré par elle. Chez les Romains, Jupiter, *dius pater, père divin parce que lumineux,est le maître du ciel en pleine lumière. Diane, déesse elle aussi lumineuse, inspire la diane, cette sonnerie qui, à la pointe du jour, réveillera les soldats.

On encense la diva, au point de la déifier, la révérer comme une déesse. Le devin est celui qui devine, au travers de la divination, les intentions cachées des dieux.

Et la richesse, parce qu’elle est accordée par les dieux, se nomme *divitiae, au pluriel.

*Dies, c’est le jour en pleine lumière diurne, à midi, la pause méridienne, en regard de la nuit. C’est l’évolution phonétique du mot diurne qui contribue à la formation du jour. La journée désigne ensuite l’espace de temps dans sa durée, le quotidien, aujourd’hui, puis une durée illimitée, toujours, sans précision. On ajourne à une triade (3), une ennéade (9) ou une décade (10) la rencontre prévue. Diariste, on écrit son journal intime.

Le jour est la référence triviale, pourrait-on dire, profane. Mais on ne saurait l’écarter de sa contingence initiale, qui ressortit au divin. Même dans des sociétés qui se considéreraient débarrassées, à tort, de ce lien.

Dieu ? Vaste programme ! Objet de toutes les préoccupations, de toutes les conjectures polythéistes, monothéistes, païennes, athées, etc. On en prononce le mot à tout propos, en le déformant pour ne pas être sacrilège. Pardi, morbleu, parbleu, sacrebleu, par la mort de Dieu, sacré Dieu. Palsembleu, par le sang de Dieu, le juron animait l’ordinaire langagier des aristocrates et fomentait l’image d’un sang noble qui serait bleu. D’où la stupéfaction de bon nombre de gens du peuple, qui découvrirent, devant leurs têtes coupées sur l’échafaud, que le rouge sanguin se moquait des subtilités hiérarchiques !

Impossible de séparer l’idée du divin de celle de la création, de l’immortalité, de l’éternité. Est immortel celui qui n’a plus à mesurer le temps à partir du jour de sa naissance, éternel celui dont le temps n’a ni commencement ni fin. Et la grande question a toujours été de décider du commencement des choses. Premier jour ou première nuit ? La Genèse pose la première nuit comme prélude au déroulement du temps. Les Physiciens philosophes du monde antique font émerger le monde progressivement organisé de la séparation entre la lumière et l’obscurité. Les Gaulois comptent en nuits et non pas en jours, contrairement aux sociétés plus contemporaines.

Si intrigante, voire inquiétante est l’impalpabilité du temps, dépassé à peine est-il vécu, vers un futur indécidable. Tant qu’à faire, on préfère le vivre en pleine lumière, se bercer de l’illusion fallacieuse qu’au moins on le voit passer. Et on noie dans des flots de lumière artificielle cette ténèbre dangereuse.

Ainsi, la fée électricité fut longtemps interdite dans les monastères, même après sa banalisation, car elle contrevenait à l’alternance régulière du jour et de la nuit, qui réglait les travaux journaliers. Au même titre, d’ailleurs, que le chauffage central qui rompait le rythme des saisons.

Ecoutons donc la sagesse du proverbe sanskrit :

” Hier n’est qu’un rêve et demain une vision. Mais, bien vécu, l’aujourd’hui fait de chaque hier un rêve de bonheur et de chaque demain, une vision d’espoir. Prends donc bien soin d’aujourd’hui.”

Annick DROGOU

Il fait jour. Petit jour, c’est le jour naissant, le jour qui se lève, associé à tous les commencements, à toute la création. Depuis ce premier temps où tu es venu au jour. C’est aussi parfois dans ta vie le grand jour, ce “jour J“ qui te marque et transforme ta vie. Le jour comme révélation de la lumière dans sa pureté originelle. N’est-ce pas cela voir le jour, venir au monde et naître à toute lumière. Comme la vérité percée à jour, de celle qui se fait jour.

Le jour toujours recommencé est le temps où nous pouvons œuvrer. Mais depuis l’apparition de la fée (sorcière ?) électricité tout a changé, la nuit a disparu, le temps de l’ouvrage et du travail s’est allongé. Artificiellement. Tous nos rythmes de vie millénaires en ont été bouleversés. La nuit était le temps du silence comme le jour celui de la parole. Désormais, nous ne sommes que dans le temps permanent du bruit. Silence perdu, parole perdue, quand il nous faudrait savoir nous orienter vers le jour naissant, là où paraît la grande lumière.

Pas d’opposition entre le jour et la nuit, rien de contraire, seulement une succession toujours recommencée, le rythme fondamental, la respiration universelle. Où est le vide, où est le plein ? Le jour comme le vide dans la broderie, la dentelle qui laisse passer la lumière, jour de Calais ou d’ailleurs. Plénitude de lumière.

Oublie le jour comme unité de temps de 24 heures. Ce n’est qu’un artifice, une convention, un calcul certes précis et utile, mais qui ne te fera jamais vibrer dans la réalité de la lumière. Le jour n’est pas le temps qui s’écoule, c’est toujours le temps de la rencontre, de la vie toujours renouvelée. Belle comme le jour. Ne crains rien, sois patient, confiant. Demain, il fera jour et, qui sait, un jour peut-être….

Jean DUMONTEIL

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Annick Drogou
Annick Drogou
- études de Langues Anciennes, agrégation de Grammaire incluse. - professeur, surtout de Grec. - goût immodéré pour les mots. - curiosité inassouvie pour tous les savoirs. - écritures variées, Grammaire, sectes, Croqueurs de pommes, ateliers d’écriture, théâtre, poésie en lien avec la peinture et la sculpture. - beaucoup d’articles et quelques livres publiés. - vingt-trois années de Maçonnerie au Droit Humain. - une inaptitude incurable pour le conformisme.

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