De notre confrère catholique france-catholique.fr – par Jacques Trémolet de Villers
Cette semaine, le magazine catholique retrace le parcours d’un roi qui a laissé son nom dans l’histoire comme le bourreau des Templiers.
Petit-fils de Saint Louis, Philippe IV le Bel entretint des rapports conflictuels avec le Saint-Siège. Mais il maintint toujours dans le giron romain l’Église en France.
Antoine Blondin observait que la série de nos rois « le Pieux, le Gros, le Sage, le Fol, le Hardi, le Victorieux, le Saint, le Bel » faisait comme un florilège des qualités et des défauts du caractère français, comme si chacun avait voulu illustrer une facette de ce caractère.
Le Bel est le petit-fils de Louis IX le saint, qui était lui-même le petit-fils de Philippe Auguste, le victorieux de Bouvines. Il n’a pas la bonne renommée de son grand-père et il est plutôt mal vu : la malédiction des Templiers, l’inconduite de ses filles ou de ses brus, les trois dévaluations de la monnaie, l’attentat d’Anagni contre le pape Boniface VIII, lui ont valu une mauvaise réputation. Ajoutons à cela qu’il est le premier à n’avoir pas laissé l’intégralité de son corps dans l’abbaye de Saint-Denis et que les chroniqueurs de cette abbaye – qui sont une des sources de l’histoire de France – lui ont fait payer cette infidélité. Pourtant, il a voulu inscrire son règne dans la suite de celui de son grand-père, étant tout à la fois christianissimus, « très chrétien », et très peu clérical.
L’attentat d’Anagni
Jules Michelet, dans son Histoire de France, observe que la laïcité de l’État en Europe, liée à l’autonomie du pouvoir temporel, est née avec Louis IX et il conclut, avec ironie, qu’il fallait un saint pour imposer cette liberté, ce que fit Saint Louis.
Philippe le Bel fut amené à pousser jusqu’au bout cet exemple – et même de façon exagérée – , se prenant, contre le pape, pour le vrai défenseur de l’Église et comme tel autorisé à lever des impôts sur les évêques et les religieux, et même à faire condamner par une de ses juridictions un évêque, Bernard Saisset, évêque de Pamiers, qui avait refusé d’obéir aux injonctions royales. Le pape Boniface VIII, d’un tempérament irascible, fut excédé par cette conduite et, après avoir repris le roi dans une bulle Ausculta fili, « Écoute, mon fils », il l’excommunia par la bulle Unam sanctam comme portant atteinte à l’unité de l’Église puisque prétendant s’émanciper de l’autorité romaine.
Le roi, poussé par ses légistes, voulut répliquer par la convocation d’un concile qui déposerait Boniface VIII pour simonie – trafic de biens ecclésiastiques – hérésies et autres abus. Une entrevue entre Guillaume de Nogaret, légiste envoyé par Philippe le Bel et le pape à Anagni, tourna à l’affrontement. Nogaret aurait giflé le pape mais aurait renoncé à l’arrêter. Boniface VIII mourut un mois après et il fut dit que c’était une suite de cette entrevue. Le pape suivant, Clément V, pape d’Avignon, français, leva tous les interdits prononcés contre le roi mais l’affrontement avait provoqué un véritable délire chez les légistes qui entouraient le roi et le poussaient à se déclarer « chef suprême de la chrétienté ». Le souvenir de Saint Louis et l’ascendance glorieuse de Philippe le Bel n’étaient pas pour rien dans cette manifestation d’orgueil. Fort heureusement, Philippe le Bel, qui était de tradition capétienne, avait pour devise, comme ses pères, « Savoir raison garder » et il ne céda pas à la démesure de ses légistes, se refusant à fonder une Église nationale dont il serait le chef, ce qui arriva en Angleterre et dans de nombreuses principautés d’Allemagne. Même s’il fut épisodiquement en bataille avec Rome, il tenait à rester catholique.