sam 23 novembre 2024 - 17:11

France INTER pose la question « Comment expliquer le goût pour les para-sciences et l’occultisme ? »

De notre confrère France-Inter

Désinformation, astrologie, paranormal, voyance, sorcellerie… Pourquoi le paranormal et le surnaturel intéressent de plus en plus le grand public ? Qu’est-ce que raconte ce goût de l’occultisme sur nos sociétés ?

Avec

  • Jérémie Peltier directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès
  • Abdu Gnaba anthropologue
  • Arnaud Esquerre Sociologue, directeur de recherche CNRS et directeur de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris) de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)
  • Pola Von Grüt Artiste et astrologue

Comment expliquer le goût de nombreux Français pour les para-sciences et l’occultisme, en particulier chez les jeunes ? Qu’il s’agisse de voyance, de spiritisme, d’astrologie ou de sorcellerie.

Pourquoi une part importante de la jeunesse croit au caractère scientifique de l’astrologie ?  Des jeunes qui croient également à l’explication des caractères par les signes astrologiques, aux prédictions des voyants, à la numérologie, à la cartomancie ou à la divination par les lignes de la main.

Coup de projecteur sur les publics qui consultent les cabinets d’astrologues ? Que recherchent-t-ils ? Quelles sont leurs motivations ?

▶︎ Une émission en collaboration avec la Fondation Jean-Jaurès.

Une nouvelle génération qui se désespère des sciences conventionnelles ?

Selon une enquête de la Fondation Jean-Jaurès, 58 % des Français déclaraient croire à au moins une discipline des para-sciences : lignes de la main, cartomancie, voyance, numérologie, astrologie… Selon cette même étude, 56 % des Français croient à la bonne étoile, 44 % à l’explication des caractères par les signes religieux, 33 % au mauvais oeil, 32 % aux envoûtements, à la sorcellerie et 32 % aux prédictions des voyants.

Des pseudo-sciences qui attirent plus significativement les jeunes puisque ce sont 50 % des jeunes interrogés qui croient à l’explication des caractères par les signes astrologiques, 38 % croient aux prédictions des voyant.e.s, 36 % aux envoûtements et à la sorcellerie, 34 % à la numérologie et 27 % à la cartomancie. C’est nettement plus que chez les seniors.

Une tendance qui augmente fortement depuis le début des années 2000 et qui vient se coupler au fait que, potentiellement, les jeunes croiraient de moins en moins aux vérités scientifiques et chercheraient une autre voie salutaire. La croyance dans le fait que la science apporterait plus de bien que de mal, est relativisée aujourd’hui par la jeune génération qui entretiendrait une plus grande défiance vis-à-vis d’elle. En 2022, ce ne sont que 33 % des jeunes qui pensent que la science apporte plus de bien que de mal, contre 55 % en 1972. L’adhésion aux pseudo-sciences révélerait ainsi un effritement du sentiment de confiance envers la science, alimenté par un monde plus incertain, troublé, anxiogène du fait des crises successives.

Certains voient ainsi dans les pseudosciences des vertus anxiolytiques, apaisantes et consolatrices. Comme l’explique Jérémie Peltier “le retour de ces croyances traduit une époque dans laquelle une partie de la jeune génération ne fait plus autant conscience aux progrès des sciences, aux progrès techniques et technologiques dont ils conçoivent les répercussions plus néfastes à moyen ou long terme. C’est ce qui les conduit à se tourner vers d’autres types d’espérances. Un phénomène qui s’est accéléré avec la crise sanitaire et qui vient aussi répondre à la fatigue informationnelle qui touche 1 Français sur 2. Entre 60 et 70 % des Français préfèrent accéder à d’autres croyances pour retrouver du sens“.

Une façon de mieux accepter notre condition humaine dans une époque anxiogène

Croire à ces para-sciences permet, selon l’anthropologue Abdu Gnaba, de répondre à une grande problématique existentielle de l’être humain, la crainte du non-sens et la peur de l’insaisissable, de l’imprévu, de notre propre finitude sur le long terme. Et de nombreuses personnes perçoivent ces sciences alternatives comme un moyen de reprendre leur vie en main, de mieux la contrôler dans une époque qui leur échappe : “Il est extrêmement difficile d’accepter tout simplement la condition humaine telle qu’elle est en tant qu’un objet perdu sur un petit caillou au fin fond d’une galaxie qui est elle-même perdue au fin fond d’un espace qu’on n’arrive plus à mesurer. Le problème, c’est que par le désir humain, on a envie de continuer à avancer, mais sans savoir où on va. Et ces arts divinatoires nous permettent de nous sentir appartenir à quelque chose de plus grand que soi-même. L’idée, c’est de se sentir partie prenante d’un univers complet, ce que la raison seule ne peut pas nous donner. Elles nous permettent de nous évader et surtout de nous plonger dans un monde qu’on ne connaît pas, mais dont on connaît les limites de ce qu’on ne connaît pas. On va accepter d’en faire l’expérience pour essayer de trouver du sens aux trois sens du terme, la signification, la direction et la sensation“.

Avec

Jérémie Peltier est directeur des études de la Fondation Jean Jaurès de 2017 à 2022, date à laquelle il est nommé co-directeur général. Il est aussi directeur de la collection “Suspension” aux Éditions de l’Aube et l’auteur de La fête est finie ? (Éditions de l’Observatoire, 2021). En janvier 2023, la Fondation Jean Jaurès a publié une enquête, en partenariat avec l’IFOP et la Fondation Reboot, sur la « Mésinformation des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux ».

Pola Von Grüt est artiste et astrologue. En parallèle de ses consultations, elle anime des cours d’initiation à l’interprétation de son thème astral et des séances de lecture du ciel. Elle a récemment publié S’initier à l’astrologie (Larousse, 2022).

Abdu Gnaba est docteur en anthropologie sociale et directeur de l’agence Sociolab. Philosophe de formation, il a étudié l’anthropologie pour révéler les moteurs des actions humaines. Auteur de plusieurs ouvrages, dont La mémoire réinventée (L’Harmattan, 2008), Bricole-moi un mouton (L’Harmattan, 2016) et L’Explorateur et le Stratège (20141).

Arnaud Esquerre est sociologue, et directeur de recherche au CNRS. Ses travaux se déploient en suivant plusieurs axes de recherche. Il s’est notamment intéressé aux « croyances » et leurs différentes formes d’énoncés (prédictions de fin du monde, les prédictions astrologiques, les récits rapportant des événements extraterrestres…). Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Sociologie des sectes en France (Fayard, 2009) et Qu’est-ce-que l’actualité politique ?, co-écrit avec Luc Boltanski (Gallimard, 2022).

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