ven 22 novembre 2024 - 11:11

L’empereur Napoléon Ier était-il franc-maçon ? Gaston Leroux-Lenci y répond

De notre confrère corse corsematin.com – par Ghjilormu Padovani

La question qui demeure sans réponse historique est régulièrement posée par Gaston Leroux-Lenci, administrateur du Souvenir napoléonien, au cours de ses conférences. La dernière, vendredi 24 février soir, lui a permis de livrer son intime conviction. 

Gaston Leroux-Lenci est administrateur du Souvenir napoléonien, délégué pour la Corse. Il a travaillé sur les rapports de Napoléon Ier avec la franc-maçonnerie et a animé une conférence sur le thème : “Quels étaient les liens de Napoléon Ier avec la franc-maçonnerie et était-il un frère ?” Il lève le voile sur une question qui n’est toujours pas tranchée par les historiens, malgré les indices indiscutables.

Pourquoi avoir travaillé sur ce thème de Napoléon et de la franc-maçonnerie ?

Nous vivons encore sous des institutions qui ont été créées par Napoléon. Le fait qu’il ait été ou non franc-maçon, à une époque où leur nombre est faramineux, éclaire sur les décisions qu’il a eues à prendre. Il me paraissait essentiel de savoir si un tel homme était ou non un frère. Cette thématique est peu abordée par les historiens et j’aime proposer des conférences avec des thématiques particulières. J’ai suivi les cours du professeur Tullard, à la Sorbonne et il a eu cette phrase : “Nous, historiens, nous sommes les prophètes du passé.” Nous avons peu de chances de nous tromper. Or, il y a des thèmes sur lesquels l’historien est pris en défaut. Lee Harvey Oswald était-il le seul assassin de Kennedy ? Je pense qu’il est important de réfléchir sur cette thématique franc-maçonne. Je dis réfléchir car je n’apporte pas de réponse tranchée.

On a beaucoup parlé du rôle des francs-maçons durant la Révolution, dont Napoléon était un enfant. Est-ce son premier lien avec la franc-maçonnerie ?

Non. Napoléon est issu d’une famille où tous ses membres sont francs-maçons. Son père, Charles, ainsi que tous ses frères et tous les maris de ses sœurs étaient francs-maçons. Même Joséphine était grande maîtresse d’une loge d’adoption et était mariée avec de Beauharnais qui l’était également. Il a baigné dès son plus jeune âge dans la maçonnerie. À son arrivée à Toulon, après sa fuite de Corse, son frère Joseph a été initié à Marseille à la loge La parfaite sincérité, le 8 octobre 1793 et il était en compagnie, c’est très important, du conventionnel Antoine-Christophe Saliceti. Il a joué un très grand rôle auprès de Bonaparte puisqu’il lui a sauvé sa carrière à deux reprises en le dissuadant de prendre la tête de l’armée de Vendée, qui a commis les massacres que l’on connaît, et celle du corps expéditionnaire pour libérer l’Irlande, qui a été un échec.

Si son père, tous ses frères, ses sœurs, et même sa femme, ont tous été francs-maçons, comment ne l’a-t-il pas été ?

Lui qui était curieux de tout, fougueux, meneur, allait rester à la maison tandis que tout son entourage était actif dans des loges ? Cela paraît inimaginable. Mais contrairement à chaque membre de sa famille, il n’existe aucune trace d’initiation de Napoléon, nulle part. Rien ne le prouve historiquement.

Pourquoi n’avons-nous aucun document ?

Parce que tous ses proches ont occupé des postes importants au sein de la franc-maçonnerie. Pourquoi pas Napoléon ? Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Le jeune Bonaparte ne sait pas, à 24 ans, s’il va devenir empereur des Français. Il a de l’ambition mais il ne voit pas si loin. Ouvert à tout, je pense qu’il entre en maçonnerie mais lorsqu’il devient empereur, comment peut-il continuer à avoir une autorité s’il continue à être tutoyé, dans cet esprit maçonnique. Le maréchal Lannes, franc-maçon, était le seul à continuer à le tutoyer et cela mettait Napoléon dans une colère noire. Tant et si bien qu’il a muté son ami au Portugal et qu’à son retour, il avait cessé cette familiarité avec l’empereur.

Comment explique-t-on l’expansion du nombre de loges, de 300 à 1 200, à son arrivée au pouvoir, après son coup d’État ?

En 1789, il y avait 320 loges. On passe à zéro en 1793, elles ont été décimées par la Terreur. En 1804, on en compte 300 et 1 219 à la chute de l’Empire en 1814. Là, on entre dans le volet politique de Napoléon. Il était certes noble mais ne pouvait pas avoir la prétention de détenir le pouvoir divin. Il s’est rapproché du pape mais ne souhaitait pas se mettre sous la domination du pouvoir catholique. Il a donc créé un contre-pouvoir à travers la franc-maçonnerie. Il existait alors deux tendances franc-maçonnes, une écossaise, reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre – la Grande Loge Nationale Française (GLNF) actuelle – et le Grand Orient (GO). Ce dernier estimait, comme aujourd’hui, que la maçonnerie devait donner libre choix et ne pas imposer un dogme, quel qu’il soit. Y compris la croyance en ce Grand architecte de l’univers défendu par les loges écossaises. Si on part du postulat que Bonaparte a été initié, il faisait partie de la même tendance maçonnique écossaise que sa famille. Mais puisque cette tendance est catholique et qu’il ne souhaitait pas se soumettre à ce pouvoir, il a favorisé le GO. Avant son couronnement en 1804, il a réuni les deux maîtres de la GLNF et du GO et leur a imposé de fusionner dans une seule loge dirigée par le GO. Imaginez le tollé des Écossais ! Ils contestent mais finissent par se soumettre. Napoléon obtient son contre-pouvoir au pape. Il ira jusqu’à nommer Portalis ministre du culte, alors même qu’il est franc-maçon.

Le GO a eu la mémoire courte en se rapprochant de Louis XVIII à l’abdication de Napoléon et est finalement revenu vers lui au moment des Cent Jours avant de l’abandonner au moment de la Restauration…

Des historiens disent que Napoléon a favorisé la maçonnerie mais que cette dernière a favorisé le déclin de l’Empire. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Mais le GO a participé aux luttes de pouvoir.

Les éléments qui prouveraient que Napoléon était un frère sont-ils nombreux ?

Oui. Le procureur impérial, numéro un de la justice, le patron de la gendarmerie, tous deux francs-maçons, ont lu des discours en loge disant par exemple leur reconnaissance pour l’empereur Napoléon, “notre illustre frère, à qui nous devons le rétablissement de la maçonnerie”. Le procureur impérial, en 1811, a dit : “Qu’il vive à jamais ce patron que l’univers entier révère. Cet immortel et franc-maçon, ce grand monarque est notre frère.” Comment pouvait-il laisser passer cela s’il ne l’était pas ? Il n’a d’ailleurs jamais démenti qu’il n’en faisait pas partie. Au moment du retour des cendres de l’empereur, une loge écrit en 1840 : “Une fête aura lieu le 20 décembre dans notre atelier, à l’occasion de l’arrivée de la dépouille mortelle de l’empereur Napoléon, membre de notre ordre.” À cet instant, cela fait vingt ans qu’il est mort, les francs-maçons n’avaient aucun intérêt à le mentionner ainsi s’il ne l’était pas. Il y a bien d’autres preuves mais il manque la principale, la mention officielle et historique de son initiation. Cela dit, Louis XVI était également franc-maçon mais nous ne disposons pas non plus de cette mention.

A contrario, les éléments selon lesquels Napoléon n’était pas franc-maçon ?

Dans ses mémoires, le chirurgien irlandais rapporte un échange qu’il a eu avec Napoléon à propos de la franc-maçonnerie, en 1816, à Sainte-Hélène. Il lui dit : “C’est un tas d’imbéciles qui s’assemblent pour faire bonne chère et exécuter quelques folies ridicules. Néanmoins, ils font de temps à autre de bonnes actions, ils ont aidé la Révolution et récemment encore ont diminué la puissance du Pape et l’influence du clergé.” Certains historiens affirment également qu’avec son caractère, Napoléon n’aurait jamais pu se plier aux rites maçonniques, notamment lorsque vous êtes initié.

C’est plutôt faible…

Je pense que Bonaparte a été initié et qu’il a pris ses distances avec la franc-maçonnerie lorsqu’il a pris le pouvoir, tout en l’utilisant. En 1806, un vénérable maître écrit, au moment de l’union des deux obédiences : “Général, il est leur frère, empereur, il est leur ami.” Cela veut tout dire, selon moi.

Mon intime conviction est que Bonaparte a été initié, que l’empereur ne l’était pas. D’après moi, il a été initié en 1793, à Marseille, au sein de la loge la Parfaite sincérité, la même que celle de son frère Joseph et de Saliceti. Mais toutes les hypothèses sont sur la table.

Comment expliquez-vous qu’il y ait si peu de livres sur le sujet ?

Beaucoup considèrent que cela appartenait à son jardin secret. Mais il s’agit d’un empereur tout de même et ses choix, comme celui de la franc-maçonnerie, ont influé sur sa façon de gouverner et façonner le pays. La question est digne d’intérêt pour cela.

1 COMMENTAIRE

  1. Napoléon, empereur des Francs-Maçons ? Sûrement ! Napoléon Franc-Maçon ? Sûrement pas !
    En tout cas, à ce jour, rien ne permet d’étayer le fait que Napoléon ait reçu la lumière…
    Même si certains soutiennent encore, sans preuve réelle à l’appui, la thèse de son initiation en France, sans doute à Toulon, par l’homme politique Christophe Saliceti (1757-1809) – initié à la Loge « La Parfaite Sincérité » à l’Orient de Marseille le 8 septembre 1793 –, voyant même en ce personnage son parrain…
    Les mêmes nous disent que l’initiation de Bonaparte dans la Pyramide de Khephren, tout du moins au ‘’Pieds du Sphinx’’ serait plutôt une seconde initiation aux ‘’Mystères de la Vielle Egypte’’…
    Il est donc temps de siffler la fin de la récréation… Et d‘être sérieux !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES