A vrai dire, ce n’est pas tout à fait vrai, car chacun sait que les obédiences et les Loges disposent d’un fonds de secours qui peut permettre de venir en aide aux Sœurs et aux Frères qui ne peuvent pas assumer les frais de l’appartenance maçonnique.
En 2021, pour le GODF, avec un effectif de près de 50 000 membres, cette aide a concerné une trentaine d’exonération de capitation sur un total d’environ 250 dossiers ayant bénéficié d’une aide, pour un total de prêts de 900 000 €.
Cette remarque étant faite, il n’en demeure pas moins que, les exigences financières d’une activité maçonnique pouvant être estimées à près de 500 € par an, les personnes en difficultés ne peuvent pas se permettre de postuler.
Mais d’abord, qu’est-ce que la pauvreté ?
La Banque Mondiale décrit la pauvreté comme suit :
« La pauvreté, c’est avoir faim. La pauvreté, c’est être sans abri. La pauvreté, c’est être malade et ne pas pouvoir voir un médecin. La pauvreté, c’est ne pas pouvoir aller à l’école et ne pas savoir lire. La pauvreté, c’est ne pas avoir de travail, s’inquiéter de l’avenir et vivre au jour le jour. »
« La pauvreté a de nombreux visages. Elle change de lieu en lieu et avec le temps. Elle a été décrite de maintes manières. Le plus souvent, la pauvreté est une situation à laquelle les gens veulent échapper. La pauvreté est donc un appel à l’action – pour les pauvres comme pour les riches – un appel à l’action pour changer le monde pour que beaucoup plus de gens aient assez à manger, un logement décent, accès à l’instruction, à des soins de santé et à la protection contre la violence, ainsi qu’un mot à dire par rapport à ce qui se passe dans leur collectivité. »
On définit le seuil de pauvreté à partir du chiffre correspondant à 60% du niveau de vie médian.
En 2019, en France métropolitaine, le niveau de vie médian de la population s’élève à 22 040 euros annuels. Il correspond à un revenu disponible de 1 837 euros par mois pour une personne seule et de 3 857 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.
Le seuil de pauvreté officiel de l’INSEE avec un seuil à 60%* : 1102 € (+ 39 € vs 2021) correspondant à plus de 9,3 millions de pauvres en France.
Le seuil international de pauvreté est fixé à 1,90 dollar par personne et par jour, (soit près de 52€/mois) sur la base des taux de conversion 2011 en parité de pouvoir d’achat (PPA). En 2015, et selon les dernières données disponibles, la part de la population mondiale vivant dans la pauvreté a baissé pour s’établir à 10 %, ce qui représente environ 736 millions de personnes. (Source Banque Mondiale).
Concrètement la pauvreté c’est la privation d’un certain nombre d’activités
On considère qu’une personne est pauvre lorsqu’elle ne peut pas se permettre de …
- payer un loyer ou des factures de services publics,
- garder la maison suffisamment au chaud,
- faire face à des dépenses imprévues,
- manger de la viande, du poisson ou un équivalent protéique tous les deux jours,
- s’offrir une semaine de vacances loin de la maison,
- avoir accès à une voiture/fourgonnette pour usage personnel,
- remplacer les meubles usés;
- remplacer les vêtements usés par de nouveaux vêtements;
- avoir deux paires de chaussures correctement ajustées;
- dépenser une petite somme d’argent chaque semaine pour lui-même («argent de poche»);
- avoir des activités de loisirs régulières;
- se réunir avec des amis/la famille pour un verre/repas au moins une fois par mois;
- disposer d’une connexion Internet.
Selon les sources, on quantifie parfois en précisant qu’il s’agit d’au moins un nombre de privations (7 par exemple) sur 13.
La contrainte financière de l’adhésion à la Franc-maçonnerie
Fréquenter une loge entraîne plusieurs types de dépenses :
- La capitation annuelle due à l’obédience : 170 € pour le GODF
- La cotisation annuelle due à la loge : environ 100 €
- Les frais d’agapes : sur la base de 2 réunions par mois sur 10 mois et 10 € par repas cela fait 200 € par an
- Les frais de déplacement : selon le nombre de réunions et les distances parcourues on peut estimer à environ 100 € par an
- Les oboles : sur la base de 20 réunions par an, environ 50 € par an
- Les dépenses diverses (décors, ouvrages, abonnements) : environ 100 € par an
- Soit un total approximatif de 720 € par an.
Cette estimation mérite d’être adaptée à des contextes locaux ; le total obtenu peut être inférieur ou supérieur. Quoiqu’il en soit, il est clair que pour une activité associative, cette dépense ne peut être assumée que par des personnes disposant d’un revenu important.
Par ailleurs, l’activité maçonnique, si elle est pratiquée avec un certain sérieux, est très prenante et chronophage : deux réunions par mois au minimum mais souvent plus si on ajoute les réunions de commissions, les visites, les salons et autres conférences et les activités obédientielles sans parler des réunions amicales. Tout cela suppose du temps libre et un coût supplémentaire !
On comprend que dans ces conditions, pour postuler à l’entrée dans une loge maçonnique le niveau de revenus est un critère d’élimination !
La Franc-Maçonnerie, une activité réservée aux riches ?
Lorsqu’on fréquente une loge, on s’aperçoit bien que tous les membres ne sont pas des richards et qu’il y a aussi sur les colonnes des sœurs et des frères aux revenus modestes qui font des sacrifices pour pouvoir honorer leur engagement !
Ce qui est sûr c’est que la majorité d’entre nous fait partie de la classe moyenne ou supérieure ; dans la grande majorité des loges, on note une quasi absence de membres de la classe ouvrière ou de chômeurs.
Doit-on accepter que la démarche maçonnique soit de facto interdite aux pauvres ?
Intellectuellement, affirmer que la démarche maçonnique doit être réservée à des personnes aisées est révoltant ! Alors que nous prétendons philosopher et être le centre de l’union, nous accepterions sans rien dire de ne pas accueillir des profanes qui pourraient avoir une place parmi nous !
Chacun sait que la richesse n’est pas un critère de moralité, qu’avoir un bon salaire n’est pas forcément corrélé avec la bienveillance ou la spiritualité !
On est capable de dépenser des centaines de milliers d’euros pour un convent de 3 jours, et on refuse d’examiner la candidature d’une personne qui ne peut contribuer à un droit « de passage » ?
Par ailleurs, toutes les études sociologiques montrent que la pauvreté correspond souvent à un passage, une tranche de vie, un moment transitoire et que la personne peut en sortir.
Les pauvres ont d’autant plus leurs places dans les loges que notre conception de la dignité humaine nous enjoint de les respecter en tant que personne humaine !
Il y a aussi le problème des francs-maçons qui deviennent pauvres et qui sont bien souvent contraints de démissionner car par pudeur, ils ne veulent pas que l’on sache leur situation !
Cela peut concerner un ou une franc-maçon-ne mais aussi un couple de francs-maçons.
Quelles solutions ?
Dans le cas de francs-maçons basculant dans la pauvreté, plusieurs mesures pourraient être prises très rapidement :
- Ne pas tenir compte du niveau de revenus dans les enquêtes.
- Prévoir une cotisation selon les revenus avec une option, cotisation nulle en cas de pauvreté avérée !
- Agapes gratuites
- Décors prêtés
- Documentation prêtée.
Dans le cas de profanes en état de pauvreté , il faut changer notre façon de faire :
- Tout d’abord, informer les candidats que la situation financière n’est pas un critère d’admission, l’important étant la motivation et la moralité du candidat ou de la candidate !
- Instituer le montant de la capitation en fonction des revenus en prévoyant qu’au-dessous du seuil de pauvreté toutes les dépenses afférentes à l’activité maçonnique seront prises en charge par la loge et l’obédience !
- Mobiliser le frère ou la sœur élémosinaire pour qu’un soutien particulier soit apporté au frère ou à la sœur pauvre admis sur les colonnes.
Prendre en compte la pauvreté et faire en sorte que cela n’empêche pas le parcours maçonnique serait une belle preuve que nous sommes capables de mettre en œuvre les valeurs qui sont les nôtres : Liberté, Egalité, Fraternité !
Pour aller plus loin
- « LES PAUVRES : INTERDITS DE SPIRITUALITÉ ? » par Gwennola RIMBAUT paru en 2009 , classé dans : Essais
- “Heureux les pauvres en esprit”. Qu’est-ce que Jésus a voulu dire ? https://www.epupl.org/spiritualite/la-parole/predications-du-pasteur-andreas-lof/heureux-les-pauvres-en-esprit-qu2019est-ce-que-jesus-a-voulu-dire
- La pauvreté comme violation des droits humains : vers un droit à la non-pauvreté par Ernest-Marie Mbonda https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2004-2-page-309.htm
- – La pauvreté est-elle un objet philosophique par Eric Lecerf, collège international de philosophie https://www.persee.fr/doc/geoas_1266-4618_1994_num_14_1_1866
• Les personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail sont celles âgées de 0 à 64 ans vivant dans des ménages où les adultes (âgés de 18 à 64 ans) travaillent 20 % ou moins de leur potentiel de travail total au cours de l’année écoulée.
Un frère initié, reste un frère à tout jamais, pourquoi pas pour les frères qui ne peuvent plus assurer financièrement les capitations demandées, pourquoi ne faisons pas 2 tenues par ans pour ses frères qui sont toujours des francs maçon .
C’est pas l’argent qui fait le maçon
La Franc-maçonnerie a participé en son temps à l’instauration de l’enseignement public et gratuit en France!
Ne serait-il pas judicieux que soit remis ( gracieusement) à chaque postulant (e) un manuel, type Que Sais-je ? présentant cette institution et sa riche histoire, longtemps liée à celle de notre pays ? Il est tout de même paradoxal, au XXIème siècle, que les Obédiences d’une “société de pensée” prétendant vouloir améliorer l’Homme et son milieu exigent que toute candidature à en rejoindre les rangs déclenche des enquêtes et soit accompagnée des justificatifs d’usage… sans vraiment se présenter elle-même! Le secret à ses limites, la confiance est une vertu à double sens et l’instruction commence avec l’information.
Gilbert Garibal
Merci mon TCF Alain pour cet article édifiant.
À cette pauvreté matérielle, il nous faut, hélas, trois fois hélas, y ajouter la pauvreté morale qui pourrait se caractériser par un manque de bon sens de certains individus…
Pire encore, et pas seulement chez les « tabliers sans maçons », mais plus particulièrement dans cette catégorie, il s’agit bel et bien de pauvreté intellectuelle dont il faudrait nous entretenir. J’entends par là, non pas celle due à l’analphabétisme, mais celle qui caractérise le Maçon – il suffit de lui demander quel est le dernier livre qu’il a ouvert – se mettant en scène sur les réseaux sociaux, dans toutes les Tenues/tenues, comme l’a si bien exprimé – reconnaisance sociale, amour, adimiration de soi… par soi et les autres – le philosophe Frédéric Lenoir dans son dernier ouvrage « Le désir, une philosophie », à retrouver, si tel est votre désir https://450.fm/2022/12/24/le-desir-une-philosophie/
Bien sûr, la fraternité m’oblige à taire les noms…
Si je comprends bien mon cher Yonnel, tu souhaiterais interdire l’entrée en loge aux sœurs et frères atteints de pauvreté morale et intellectuelle ! C’est naturellement une boutade mais elle exprime bien l’enjeu d’un travail personnel qui n’est peut-être pas assez explicité par les officiers des loges et en particulier les surveillants ! Lire, comprendre, rechercher sont des exigences qui s’imposent à nous ! Par procrastination bien souvent, nous négligeons ce devoir indispensable à notre travail maçonnique !