Constant-Martin Chevillon (1880-1944) est né à Annoire (Jura) – une rue porte désormais son nom. Ses heures de loisirs furent toutes entières consacrées aux choses de l’esprit ; travailleur infatigable, penseur profond, c’est en lui-même qu’il puisait ses idées ; pierre par pierre, il avait construit son temple .
Cependant il était toute modestie, il était aussi toute-bonté, il ignorait la haine et pourtant, tragiquement assassiné par la Milice française le 25 mars 1944, il en fut la victime.
Constant Chevillon avait publié de son vivant divers ouvrages d’une grande profondeur : Orient-Occident ? Contribution à l’étude comparée des philosophies et religions de l’Inde et de l’Europe (publié en 1926), Réflexion sur le Temple Social (1936), Le vrai visage de la franc-maçonnerie (1939), Du néant à l’être (1942), Et verbum caro factum est (1944)et La tradition universelle, œuvre posthume en 1946.
Après l’édition originale de 1953, publiée à Lyon chez Paul Derain dans la collection « Bibliothèque des annales initiatiques », désormais épuisée, Méditations initiatiques fait l’objet, tout comme en 2013, d’une intéressante et instructive réédition. Dans son préambule, les éditions du Cosmogone précise qu’il s’agit d’un fac-similé.
Rappelant aussi son parcours maçonnique, nous apprenons que Constant Chevillon fut initié à l’Art Royal vers 1913 et fit la connaissance du médecin et occultiste Gérard Anaclet Vincent Encausse (1865-1916), dit Papus, et de l’ occultiste et franc-maçon Jean (dit Johannès) Bricaud (1881-1934).
À sa mort, il lui succéda dans toutes ses fonctions, à savoir Grand Maître du rite maçonnique de Memphis Misraïm et de l’Ordre martiniste. Recteur de la Rose-Croix kabbalistique et Gnostique, Chevillon fut aussi patriarche de l’Église Gnostique Universelle.
Si nous considérons que la méditation est l’action de penser avec une grande concentration d’esprit pour approfondir sa réflexion et qui plus est, en religion, un exercice spirituel préparant à la contemplation, cet ouvrage offre de quoi satisfaire le désir du lecteur.
Présentés sous forme courte, ces dix-neuf chapitres sont une véritable aide quant à notre quête (étude et recherche) dans le domaine de la spiritualité. S’ouvrant sur Dieu (acte pur- amour- conscience humaine), c’est vers la charité qui, selon l’auteur, est le plus beau mot du langage humain que s’offrent à nous les premières pensées de Chevillon. Citant cette personnalité du christianisme primitif qu’est saint Paul, rappelant que l’amour c’est la vie, l’auteur nous amène aussi à côtoyer l’humilité, sentiment ou état d’esprit d’une personne humaine qui a conscience de ses insuffisances, de ses faiblesses et est portée à rabaisser ses propres mérites. Humilité, un terme connu des Maçons, puisqu’apparaissant dans certains rituels, tel celui du 3e grade rite anglais de style émulation qui, dans l’exhortation, stipule que la Franc-Maçonnerie « … vous apprenait surtout, à vous soumettre, avec humilité et résignation, à la volonté du Grand Architecte de l’Univers… » ou encore dans la cérémonie complète de Maîtres Installés, largement tombée en désuétude bien qu’une partie en soit bien connue de ceux ayant droit de connaître ses secrets. Extrait : « Adoniram, soit qu’il ne comprit pas le geste, soit à cause de l’humilité qui accompagne le vrai génie, hésita à avancer, et le Roi par deux fois encore, lui fit signe d’approcher… »
Constant Chevillon soulignant comment la foule, en réalité le monde profane, conçoit cette idée qui, ainsi définie, ne peut être considérée comme une vertu. L’auteur nous rappelle les paroles du Christ qui confèrent à l’humilité une tout autre portée. Rappelons que le Seigneur s’est écrié un jour « Je suis doux et humble de cœur ». Une vertu qui s’étend partout et dans tous les domaines. Si « l’humilité est en Dieu, la source du Bien, de la Bonté et de la miséricorde, elle est, en l’homme, la matrice ou germe la vie spirituelle ».
Des titres de chapitre qui ne peuvent qu’évoquer, pour l’initié, des moments vécus en Loge, comme « mors et vita », la mort et la vie, « ne judices », ne juge pas ou encore « Moïse enlève ta chaussure… » car ce lieu est sacré – ainsi parlait Iaveh dans le buisson d’Horeb.
Si l’avant dernier chapitre « Évolution de la gnose » débute par « Dieu a donné à l’homme l’intelligence, c’est-à-dire la faculté de comprendre, d’analyser, de synthétiser… », c’est à nous qu’est laissé l’opportunité de mettre en œuvre les fruits de ces Méditations Initiatiques, à condition de s’y prêter de notre pleine et libre volonté. Et d’y consentir. Ainsi, cet enseignement progressif et continu activera, peut-être, cette graine endormie au fond de nous-même et qui s’appelle l’Amour.
Constant Chevillon- Éditions du Cosmogone, 2023, 98 pages, 12,50 €