Cela commence bien. Un ouvrage en 13 parties. Sans doute serait-il prudent de ne pas en commencer la lecture un certain vendredi…
Mais faisons fi des croyances et traditions populaires et plongeons-nous à la poursuite des œuvres dues à Satan au cœur de nos treize régions administratives (métropole et collectivité territoriale unique de Corse).
« Heureux comme le diable en France ! », avec ce titre non dénué d’humour, nous pourrions nous poser la question de savoir si la France n’est pas la fille aînée du diable. Peut-être même son lieu favori de résidence… Une assertion ouvrant le premier chapitre où Marc Lemonier n’hésite pas à rappeler que le pape François, en personne, avait réaffirmé l’existence du Diable.
Rappelons tout simplement l’étymologie du terme. Même si le Diable – adversaire du Dieu de l’humanité – nous pousse vers le mal, diabolos, issu du grec byzantin, signifie « qui désunit ». Diable, Satan, pour les croyants, c’est dans le troisième chapitre du Livre de la Genèse qu’apparaît le démon « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits… ». Ce premier animal – tentateur – du bestiaire biblique, il est à l’origine de la chute de l’homme. Et si l’on croit en Dieu, il nous faut bien croire au Diable.
Cet ouvrage nous amène à la découverte de notre patrimoine, parfois insoupçonné, en nous contant finalement de belles mais mystérieuses histoires de Diable. Elles ne sont plus le fruit de notre imaginaire mais sont un pan entier de notre folklore englobant fables, croyances populaires, contes et légendes de tous les peuples ayant vécus ou vivant en France.
Et des lieux « diabolique » maillant notre territoire, il y en a, l’auteur englobant aussi des faits de sorcellerie à travers des personnages qui pratiquaient la « vieille coutume » des herboristes, guérisseurs, rhabilleurs, tireurs de feu, ou encore tous arts médicaux des druides et druidesses, sourcières, astrologues et devins… Passant de villes en villages, de mares en gouffres, de maisons en châteaux, de chemins en champs, roches, rochers, vals, chaises, pavés, forges, moulins, etc. Le tout à la sauce Diable ! Jusqu’aux cathédrales, comme à Bourges. Attachée au nom de Saint Étienne, dont le nom signifie « couronne », ce dernier étant considéré, a posteriori, comme le premier diacre, mais aussi le premier martyr de la chrétienté, la cathédrale de Bourges – au parti architectural audacieux retenu par le Maître d’œuvre reposant sur un plan sans transept – la cathédrale de la préfecture du Cher n’en offre pas moins quelques images diaboliques des plus célèbres de l’iconographie chrétienne.
Vous avez demandé le Diable ? Ne quittez pas ! Pas un pouce du territoire de notre belle France ne manque pas de se faire l’écho de ces vieilles légendes. Y croient-on encore ? Qui sait ? Citons celle du Pont Valentré, à Cahors en région Occitanie, qui s’est construit au travers d’une légende. Les consuls de la ville décident de construire un pont fortifié sur le Lot pour protéger la ville d’éventuelles invasions, ayant déjà connu celles des Barbares et autres , les Normands, etc.).
Un architecte est choisi, mais le chantier avance lentement… Exaspéré par la lenteur des travaux, le maître d’œuvre signe un pacte avec Satan. Et des exemples comme celui-ci, l’ouvrage nous en restitue aux quatre coins de l’hexagone.
Telle celle du village de Thueyts, en Ardèche, qui s’enorgueillit de son pont du diable, l’un des plus spectaculaires de France. Une perfection architecturale d’une grande beauté.
En France, plus de 150 ponts sont surnommés « Pont du Diable », à l’image de celui de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), surnommé aussi pont du Gour noir, ou de celui de Crouzet-Migette et Saint-Anne (Doubs), tous deux très renommés. Et même près de Paris, Taverny, dans le Val-d’Oise, a aussi Pont du Diable. Situé en forêt de Montmorency, il intrigue toujours autant les promeneurs, faisant encore la part belle aux mystères. Quand et pourquoi a-t-il été édifié ? Pourquoi porte-t-il un tel nom ? Autant de questions qui attisent la curiosité !
À Anzême, en contre bas du bourg, dans les gorges de la Creuse, qui d’autre que le Diable aurait pu construire un pont en équilibre entre deux corniches si escarpées ? Certainement de célèbres maçons creusois au XIVe siècle puis modifié au XVIIIe siècle. Quoiqu’il en soit, la légende veut que ce soit Satan lui-même qui édifia le pont…
Non, Satan, le Malin, n’est pas le nouveau Grand Architecte. En suivant Marc Lemonier dans ce tour de France – 250 lieux, ce n’est pas rien –, où l’on nous ne perdons pas notre âme, vous découvrirez cependant une part de notre histoire qui a laissé, dans la pierre, les traces de la Bête. Pour les siècles des siècles !
Marc Lemonier – Les Éditions de l’Opportun, 2022, 262 pages, 20,90 €
Bel ouvrage ! Merci.