Il est minuit, et me voilà sur la terrasse à prendre un dernier verre avec Isabelle !
– Naissance, découverte, amour, peur, bonheur, souffrance, travail, défi, réalisation, joie, fierté, déception, acceptation et mort. Est-ce en ça que se résumerait ma vie ?
C’est l’heure des interrogations métaphysiques et tu te poses des questions ?
– Suis-je aussi dans cette emprise de la culpabilité qui est présentée, ici et là, comme le lot commun des existences des êtres humains ?
Probablement, pour toi cela a commencé par le complexe d’Œdipe, pour moi, ce fut le meurtre de mon père ! Questions existentielles que l’on se pose de temps en temps au gré de notre mélancolie..
– Tout cela me hante mais je récolte plus de questions que de réponses. Tu connais l’injonction d’Apollon, reprise par Socrate : « Connais-toi, toi-même ! » ! Qu’en penses-u ?
J’essaie de me définir de par mes caractéristiques physiques et émotionnelles, mon héritage génétique, mon positionnement géographique, mes orientations spirituelles et actuelles. Pourrais-tu ainsi affirmer ton « être » ?
– Il faut bien l’avouer ; ma prétention naïve de me connaitre me semble illusoire ! Tout ce que j’ai dû lister comme éléments de mon identité, ne représentent qu’une image éphémère à un instant bien déterminé de ce que je suis, ou du moins ce que j’ai cru être.
Le mouvement de l’être ne témoigne que son mal-être ! Ainsi en est-il aussi pour moi ! C’est lorsqu’il s’arrête que la vie renait ! Paradoxe que ne comprendra jamais les activistes de tous poils, les agités du bocal, occupés qu’ils sont à piétiner sur le seuil de la porte !
– Ceci me rappelle la maxime de Nietzsche, empruntée à Pindare : « Deviens ce que tu es !».
J’entends ! Je ne suis que l’ébauche de ce que je deviendrai, que mon devenir est l’accomplissement de mon être, chose que je ne saurai qu’avec le temps et les épreuves.
– La vie est un voyage dans l’inconnu, avec des rencontres, des paysages et la solitude. Décide-t-on vraiment ? Une boussole n’est pas inutile ! Avec le soleil et les étoiles, les odeurs et la vue, je me faufile, toujours à l’affût de l’arrêt sur images !
Tu vois Isabelle, nous sommes comme deux âmes en peine ! Après la belle tenue que nous venons de vivre, heureusement que nous pouvons prendre le temps de nous laisser aller !
– Tu me fais penser à cette citation de Blaise Pascal qui m’a interloqué quand j’étais au lycée : « Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties »! A l’époque cela me paraissait impossible à réaliser , aujourd’hui je réponds “Qu’importe !”
On nous laisse entendre que la compréhension de nos êtres, l’analyse de nos singularités et la problématique de nos améliorations passent par la connaissance et l’écoute de l’autre, et l’acceptation constructive de ses échanges.
– Oui c’est toi, toi qui me lis, toi que j’écoute, toi mon frère qui me crée et me constitue ! Mais, tu sais bien que tu n’es qu’un éclair et que tu ne restes pas à mes côtés ! N’est-ce pas Paul Claudel qui observe : « On dirait que les hommes, plus ils se connaissent moins ils s’aiment. Plus ils se touchent et plus ils se rétractent, plus ils prennent une conscience exclusive d’eux-mêmes, plus ils s’attachent à leur caractère propre et à leurs différences fondamentales » ?
C’est encore la culpabilité qui revient !
– Mais, dis-moi, pourquoi donc ont-ils tué Hiram ? Crois-tu vraiment que c’était pour lui faire cracher son secret ?
Le meurtre existe parce qu’il nous ressemble ! Regarde autour de toi, toutes celles et tous ceux qui ne rêvent que de te voir disparaître ! Alors la mort doit avoir un sens ! Chez nous c’est la justification de la transmission !
– Je connais le discours normatif « Comme chacun de nous est une pierre de l’édifice social, on ne peut aspirer à un auto-accomplissement et un achèvement de soi de façon autonome, cette transcendance passe inéluctablement par un développement de nos qualités intrinsèques à travers le contact avec autrui. Cette communication aiguise une intelligence sociale, et nous pousse à une meilleure introspection pour sortir le meilleur du soi en devenir. »
Bravo ! A ce stade, tu dois savoir que tu es un être avec un ensemble de caractéristiques qui devrait t’amener à la sagesse, avec l’aide de l’autre et un travail permanent sur toi !
– Oui, je sais tout çà, mais en réalité un rien égare ce chemin de croix, la vie est là si belle dans le spectacle qu’elle nous offre !
Je vois que tu as sommeil et puis Franc t’attend ! L’aspect cohérent de ta conclusion me satisfait.
– Le retour positif de mon entourage remarquant ma progression me procure une certaine fierté et m’encourage à fournir plus d’efforts. Mais au fond de moi, leur faire plaisir c’était mon devoir ! « La vérité est dans la subjectivité » a écrit Kierkegaard ! Je n’oublie pas que « Humanisme, tolérance, droiture, respect de l’autre, acceptation, perfectionnement intellectuel et développement du collectif à travers l’unité et le code maçonnique » doivent être mon hygiène de vie.
La perfection est dans l’imperfection et un franc-maçon ne l’est qu’en devenir.
Nous sommes bien “en phase”, Mon Cher Alain! Tu auras compris que mon observation de cette “citationite aigue” ne te vise absolument pas : tes propos pertinents , très personnels, dans chacun de tes articles, servent précisément à valoriser cette véritable “culture maçonnique”, que je souhaiterais comme toi, voir vraiment naître un beau jour! Gilbert Garibal
Merci de la confiance que tu me témoignes ! J’ai beaucoup d’attention sur ton approche très humaniste !
Trises
Nous critiquons le “monde profane” et nous en reproduisons sans vergogne les défauts dans nos écrits ! Tant que les francs-maçons et franc-maçonnes ne se guériront pas de leur “syndrome du Bernard-Lhermitte” ( ce crustacé qui se “loge” et vit ainsi dans la coquille des autres), ou “maladie de la citation” à tout propos, il n’y aura pas de vraie “culture maçonnique” ! Nous avons le droit et même le devoir de penser par nous-même, sans complexes! C’est à ce prix que la franc-maçonnerie sera reconnue comme une science humaine à part entière!
Certes, au fil de nos interminables et passéistes commentaires de rites, il est tentant de citer les penseurs et leurs pensées qui nous ont précédés. Mais, “l’ici et maintenant” nous le demande : nous devons produire et non reproduire. Comme il est difficile de perdre ce tic! J’en ai conscience : Je me soigne moi-même! Gilbert Garibal
Tu as tout à fait raison mtcf Gilbert. C’est exactement l’une de raisons de ce dialogue avec un personnage utilisant les citations et l’autre non ! Il y a de l’ironie sous jacente qui rejoint ton propos ! Merci de l’avoir relevé !