jeu 31 octobre 2024 - 09:10

Enseignants (Francs-maçons) dans la Résistance

De notre confrère jhm.fr Par Lionel Fontaine

Hussards de la République, ils ont été, pour leurs élèves, plus que des pédagogues : des exemples de patriotisme sous l’Occupation. Les instituteurs, souvent officiers de réserve, et les institutrices ont été au premier rang parmi ceux qui ont répondu à l’appel de la Résistance. Il n’était donc pas rare de les voir s’investir corps et âme dans les différents mouvements de la clandestinité, ou de rejoindre les maquis à leur constitution.

Robert Pillon, dont le nom sera donné à une école de Chaumont, a été par exemple l’une des chevilles ouvrières de l’organisation du maquis de Lamarche, certes implanté dans les Vosges, mais ayant accueilli à partir de mars 1943 nombre de réfractaires haut-marnais du Service du travail obligatoire (STO). Natif de la Nièvre, cet homme marié et père de famille résidait à Graffigny-Chemin après avoir enseigné à Bourmont. Aspirant de réserve, il a été arrêté le 14 août 1943, un mois après le démantèlement du maquis. Emprisonné à Chaumont, à Epinal, il a été condamné le 3 décembre 1943 par la justice militaire allemande. A la différence du militaire guinéen Addi Bâ et de l’artisan Marcel Arburger, il échappera à l’exécution, mais pas à la déportation. Il a en effet été interné à Preungesheim, puis à Dachau, d’où il est rentré.

Blessé dans sa fuite

Son collègue Gabriel Piot a connu également la forteresse de Preungesheim. Natif de Pouilly-en-Bassigny, lieutenant de réserve, celui qui répondait au nom de guerre de Gaston avait été chargé, en mars 1943, d’organiser la Résistance dans le secteur de Bourbonne-les-Bains et de Varennes-sur-Amance, au titre d’un mouvement animé par deux enseignants également, deux professeurs d’université de Nancy dont un était natif de Magneux (Emile Pierret).

Homologation de terrains de parachutages, camouflage de réfractaires : l’activité de Gabriel Piot a été importante. Voilà pourquoi la police allemande a cherché à l’arrêter le 23 septembre 1943 : l’instituteur est d’abord parvenu à fuir, mais blessé à l’œil droit, il a été capturé. Et a subi le même sort que Robert Pillon : la prison à Chaumont et à Epinal, la condamnation, la forteresse de Preungesheim, la libération.

Franc-maçon

Lui aussi originaire de la Nièvre, Marcel Fournier était un jeune instituteur, en poste à Froncles. Jeune marié, il s’est refusé à aller travailler en Allemagne au titre du STO. Alors, à la fin de l’été 1943, il a rejoint une organisation de la Résistance : le Front national de lutte pour l’indépendance, proche du Parti communiste. De Chaumont, il a gagné la Haute-Saône. Fournier y a fait preuve d’une intense activité, jusqu’à son arrestation le 21 décembre 1943 à Lure. Il sera fusillé le 19 février 1944 à Frottey-lès-Vesoul.

Comme Fernand Coquard (Montribourg), comme Yvette Gaudillot (Orbigny-au-Val), jeune institutrice originaire de Saône-et-Loire, Jean Vinot connaîtra la déportation. Cet enfant d’Arc-en-Barrois avait vu sa longue carrière d’enseignant, conduite à travers tout le département, stoppée par les lois de Vichy : révoqué parce que franc-maçon le 7 octobre 1941, ce directeur d’école (Foch) a dû se reconvertir en agent d’assurances. Profondément patriote, il s’est mis au service du Bureau des opérations aériennes. Arrêté le 21 janvier 1944, il ne devait pas revenir de Buchenwald.

Dans les maquis

Drapeau de la 2e compagnie du 1er bataillon des FFI du Finistère.

Au moment des combats de la Libération, on retrouvera ensuite les enseignants à des postes clés : Marc Mourey (Saint-Dizier), comme chef des Forces françaises de l’intérieur pour l’arrondissement Nord, René Henry (Orbigny-au-Mont), comme chef de secteur et créateur du maquis de Varennes, Marcel Vitry (Larivière-sur-Apance), comme chef du maquis de La Bondice, Henri Voirpy (Sarrey), comme chef de section au maquis de Pincourt, etc. Un instituteur devait trouver la mort au combat : c’est André Collé, de Ceffonds, qui s’était enrôlé dans la Compagnie du Der. Il est mort les armes à la main, sur la route entre Saint-Dizier et Montier-en-Der, trois jours avant la Libération.

Anonyme-Musée franco-américain du château de Blérancourt

Eux n’étaient pas – encore – instituteurs, mais ils ont payé leur patriotisme par une lourde sanction : ce sont les élèves enseignants du lycée de Chaumont – car l’Ecole normale avait été supprimée – qui envisageaient de gagner un maquis. Identifiés par la police (française), Roland Blatter, Jean Bouguet, Henri Bruyand, Lucien Habert, Robert Léger, Marcel Luberne, Charles Marchoisne et Roger Pioux ont été déchus le 8 avril 1944 de leur bourse nationale et de leur qualité d’élève-instituteur. Mais pour eux, l’histoire se terminera bien : ils rejoindront effectivement un maquis et seront rétablis dans leurs droits à la Libération. Henri Bruyand, de Morancourt, s’est même permis, en juin 1944, de quitter les bois où il s’est caché pour passer son bac, l’obtenir… et reprendre sa place au maquis.

Écoliers et patriotes

Les établissements scolaires de Montier-en-Der étaient animés par de grands patriotes, comme Raoul Silvy, directeur, futur commandant adjoint de la Compagnie du Der. Leurs élèves étaient donc à bonne école. C’est ainsi qu’à la rentrée de 1940 ou encore les 11 novembre, les écoliers dervois sont allés avec leurs enseignants fleurir le monument aux morts de la cité.

HISTOIRE. L’école et la Résistance. Tel est le thème du Concours national de la Résistance et de la Déportation version 2022-2023. Les élèves haut-marnais qui plancheront sur ce sujet pourront ici prendre connaissance d’exemples éloquents d’enseignants ou d’élèves totalement investis dans la lutte contre l’occupant.

Résistants français internés à Lure (Haute-Saône). Parmi eux, Marcel Fournier (huitième à partir de la gauche), fusillé près de Vesoul. (Collection club Mémoires 52).

1 COMMENTAIRE

  1. Hussard noir est le surnom donné aux instituteurs publics sous la IIIe République, période de l’âge d’or (1870-1940) de la franc-maçonnerie, après le vote des lois scolaires dites « lois Jules Ferry » et le vote de la loi de séparation des Églises et de l’État, le 9 décembre 1905. Cette expression a été inventée par Charles Péguy.
    Charles Pierre Péguy (1873-1914)écrivain, poète, essayiste et officier de réserve français, connu aussi sous les noms de plume de Pierre Deloire et Pierre Baudouin. Son œuvre, multiple, comprend des mystères d’inspiration médiévale en vers libres, comme « Le Porche du Mystère de la deuxième vertu » (1912), et des recueils de poèmes en vers réguliers, comme « La Tapisserie de Notre-Dame » (1913), d’inspiration mystique, et évoquant notamment Jeanne d’Arc, un symbole de l’héroïsme des temps sombres, auquel il reste toute sa vie profondément attaché.
    Du fait de son étymologie, « huszar » en hongrois, le terme ‘’hussard’’ fait référence à l’efficacité et au dévouement du corps de cavalerie hongrois créé au XVe siècle.

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