Solange Sudarskis-Préface de Roger Dachez – Éditions Numérilivre, 2022, 220 pages, 22 €
Non sans humour, un grand site marchand met en avant, dans sa rubrique « Détails sur le produit », la mention suivante « Âge de lecture : Dès 3 ans* » ! Sans doute, s’exprime-t-il en âge maçonnique !
À l’heure où nous écrivons, la question mérite d’être posée. Quel lecteur de 450.fm ne connaît pas encore notre très cher Sœur Solange Sudarkis ? Est-il encore besoin de présenter celle qui est en charge, au sein de notre rédaction, en qualité de chroniqueuse, de la rubrique « Miroir des spiritualités », chaque mardi à 10 heures. Et que nous lisons toujours avec gourmandise ! Cependant, pour encore mieux éclairer notre chemin, l’auteure, après La gestuelle maçonnique (Ubik Éditions, 2021), outil clé dans la pratique rituelle en Franc-maçonnerie, nous livre tous les secrets des Tracés maçonniques. Nous dévoilant même tout L’esprit de la géométrie, sous-titre de l’ouvrage.
Car éclairer notre chemin, c’est bien tout l’objectif de la prose instructive de l’auteure qui, dès 2011, l’avait fait, notamment en matière philosophique – cf. Pour Éclairer le Chemin-Une approche philosophique de la Franc-Maçonnerie (Éd. de la Hutte, 2011, rééd. 2013).
Mais, qu’est-ce qu’un tracé ? Et en langage maçonnique qui plus est. Reconnaissions que l’approche du tracé des figures inscrites, par exemple, dans un cercle – sans parler du cercle magique et de sa barrière protectrice tracée sur le sol – est, pour le Compagnon Franc-Maçon, une méthode visant à l’accès à de multiples connaissances. En effet, « La compréhension des tracés permet d’approfondir ce que les rituels expriment soit de façon allégorique, soit de manière symbolique et d’accomplir, ainsi, une œuvre de perfectionnement intellectuel et moral, en favorisant l’ouverture de la conscience. » déclare Solange Sudarkisdans Éléments de tracés avec règle et compas-La concordance maçonnique (Éd. de la Hutte, Coll. Franc-maçonnerie, 2015).
Le tracé, nous dit le Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie (Larousse, 2011) de Monique Cara, Jean-Marc Cara et Marc de Jode, « est l’action du trait sur un morceau de bois qui permettait au maître maçon opératif de dessiner le plan d’un ouvrage, la partie d’un plan ou une simple pièce ouvragée, destinée à la construction. La franc-maçonnerie moderne a conservé ce terme pour qualifier tous ses travaux de réflexion, retranscrits généralement sur un document écrit. Par extension, les maçons parlent de « planches tracées » ou de « morceaux d’architecture » en se référant à la fonction initiale du tracé. Il est dit aussi qu’un maître accompli doit posséder l’art du trait, c’est-à-dire la faculté de tracer, à main levée, n’importe quelle esquisse sur du bois à l’aide d’une pointe. L’art du trait est évoqué lors de l’initiation au 3e degré, lorsqu’on demande au nouveau maître d’accomplir son « premier travail de Maître ». Celui-ci reçoit un compas avec lequel il doit tracer un cercle sur une planche. Mais on appelle aussi « tracé » le procès-verbal d’une tenue maçonnique qui est rédigé par le Secrétaire de la loge. Le tracé d’une tenue est lu par le Secrétaire à la tenue suivante, et son adoption est mise aux voix des frères et sœurs de la loge. Le terme de « tracé » n’est utilisé que dans les loges travaillant aux trois premiers degrés initiatiques. Au 4e degré, les écrits maçonniques adoptent le nom de « Colonne gravée », et au 30e degré le mot utilisé est « Balustre ».
Avec ses 220 pages, son style et son vocabulaire tant accessible à tous que très pédagogique, Solange Sudarkis, maître de conférences honoraire, après 45 ans de pratique de l’Art Royal, et lauréate, en 2017, catégorie « Essais et Symbolisme », du prix littéraire de l’Institut Maçonnique de France pour son Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique (Dervy, 2017), nous fait entrer dans une nouvelle dimension. Celle de la compréhension des mathématiques qui, avec la géométrie forme, accompagnée de l’astronomie et de la musique, ces « sciences sœurs » selon Platon, forme le quadrivium, un des deux degrés des arts libéraux. C’est d’ailleurs aussi ce que relève le maçonnologue Rocher Dachez le préfacier, confessant volontiers « … j’ai toujours été mauvais en mathématiques et les démonstrations géométriques m’ennuient assez rapidement… »
Et l’auteure de nous convier, à la suite de la préface qui laisse entrevoir, entre compas, équerre et autres instruments de la maçonnerie symbolique, une sorte de meliora praesumo, signifiant « j’entrevois de plus grandes choses », à nous munir desdits outils afin de nous divertir et de commencer à dessiner le plan « de la plus palpitante des constructions faites de matières et de lumière ». Un magnifique programme !
Le lecteur appréciera la finesse, et la justesse, des titres des chapitres. À titre d’exemple, nous avons :
« Allons par quatre chemins », « Comme les cinq doigts de la main », « Six m’était compté », « Le tout neuf (9) », « Tout est dix (10) ».
Solange Sudarkis, à renfort de schémas, diagrammes et illustrations, analyse en profondeur tous les aspects d’un chiffre. Prendre le 3, pour ne citer que lui, et qui, selon l’auteure est le plus présent dans le temple. Passant de la dualité au ternaire, de la perception qu’en ont les kabbalistes, elle ‘’trace’’ la vie du chiffre depuis l’approche pythagoricienne jusqu’à la guénonienne. Sans omettre ses diverses formes comme le triangle ou, comme avec l’apparition de la pensée religieuse, de la Trinité. Et sur un plan maçonnique, nous bénéficions une étude sur les ‘’Trois points .˙.‘’ et le delta lumineux.
Les annexes, au nombre de huit, nous amènent à certaines « Imaginalisations », notamment sur le nombre irrationnel π (pi), appelé parfois constante d’Archimède et sa valeur approchée, qui s’écrit avec un nombre infini de décimales sans suite logique, les premières étant 3,1415926535…
Il en est de même avec le nombre d’or qui a déjà fait l’objet d’un long développement à travers le chapitre « Comment approcher le nombre d’or – son origine, la suite de Fibonacci présente dans de nombreuses disciplines ainsi que dans la nature, le carré long et le tracé du rectangle d’or, etc.
Nous notons l’importance de quelques éclairages quant à la véritable équerre du Vénérable Maître, du tracé régulateur médiéval, de l’explication du fameux théorème de Pythagore.
Par ailleurs, chaque chapitre, tant de l’ouvrage que des annexes, s’achève par un encadré en italique résumant les points clés énoncés dans ce dernier.
Nous aimons, tout particulièrement, les illustrations de presque tous les chapitres à l’aides des dessins tirés de l’ouvrage de Dr Gérard Encausse, dit Papus La science des nombres-Œuvres posthumes (Chacornac Frères, 1934).
L’essence même de la pensée maçonnique ne se trouve-t-elle pas aussi dans l’étude, en Loge, de ce que le Maçon accorde aux chiffres, devenus nombres (valeur symbolique, pouvoir quasi magique, interprétation). Le dernier opus de Solange Sudarkis permet, avec rythme et harmonie, de se réconcilier avec les outils maçonniques que sont, regroupés par deux, maillet et ciseau, compas et équerre, règle et levier, perpendiculaire et niveau…
*https://amzn.to/3PQv2sV, consulté le 18.XII.2022.