ven 22 novembre 2024 - 08:11

La Fabrique de l’ignorance : « Les biais cognitifs » – Interview d’Albert Moukheiber

Albert Moukheiber, docteur en neurosciences cognitives et psychologue clinicien. Il étudie les biais cognitifs, des « raccourcis » que fait notre cerveau et qui influent sur notre perception du monde. Interview d’Albert Moukheiber, docteur en neurosciences, qui nous explique comment nos biais cognitifs sont omniprésents dans nos raisonnements. Il explore la question du rôle d’internet dans l’amplification de nos biais et propose quelques solutions pour mieux les gérer au quotidien.

https://youtu.be/B_rStLPDn3c

La suite avec le magazine Psychomédia

30 biais cognitifs qui nuisent à la pensée rationnelle

Ces processus de pensée rapides sont souvent utiles mais sont aussi à la base de jugements erronés typiques.

Le concept de biais cognitif a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2002) et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Depuis, une multitude de biais intervenant dans plusieurs domaines ont été identifiés par la recherche en psychologie cognitive et sociale.

Certains biais s’expliquent par les ressources cognitives limitées (temps, informations, intérêt, capacités cognitives). Lorsque ces dernières sont insuffisantes pour réaliser l’analyse nécessaire à un jugement rationnel, des raccourcis cognitifs (appelés heuristiques) permettent de porter un jugement rapide.

D’autres biais reflètent l’intervention de facteurs motivationnels, émotionnels ou moraux ; par exemple, le désir de maintenir une image de soi positive ou d’éviter une dissonance cognitive (avoir deux croyances incompatibles) déplaisante.

Voici une liste de 30 biais cognitifs fréquents

Raisonnement et jugement

Le biais de confirmation

Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment les croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

Le biais de croyance

Le biais de croyance se produit quand le jugement sur la logique d’un argument est biaisé par la croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion. Ainsi, des erreurs de logique seront ignorées si la conclusion correspond aux croyances.

(Maintenir certaines croyances peut représenter une motivation très forte : lorsque des croyances sont menacées, le recours à des arguments non vérifiables augmente ; la désinformation, par exemple, mise sur la puissance des croyances : Pourquoi la désinformation fonctionne ?)

Le biais de représentativité

Le biais de représentativité est un raccourci mental qui consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.

L’illusion de corrélation

L’illusion de corrélation consiste à percevoir une relation entre deux événements non reliés ou encore à exagérer une relation qui est faible en réalité. Par exemple, l’association d’une caractéristique particulière chez une personne au fait qu’elle appartienne à un groupe particulier alors que la caractéristique n’a rien à voir avec le fait qu’elle appartienne à ce groupe.

L’illusion de savoir

L’illusion de savoir consiste à se fier à des croyances erronées pour appréhender une réalité et à ne pas chercher à recueillir d’autres informations. La situation est jugée à tort comme étant similaire à d’autres situations connues et la personne réagit de la façon habituelle. Ainsi, une personne pourra sous-exploiter les possibilités d’un nouvel appareil.

L’effet de vérité illusoire

L’effet de vérité illusoire (ou effet d’illusion de vérité) est la tendance à croire qu’une information est vraie après une exposition répétée.

Le biais de la disponibilité en mémoire

Le biais de la disponibilité en mémoire consiste à porter un jugement sur une probabilité selon la facilité avec laquelle des exemples viennent à l’esprit. Ce biais peut, par exemple, amener à prendre pour fréquent un événement récent.

Jugements sur soi et sur les autres

L’illusion positive

L’illusion positive est un optimisme irréaliste lié à une évaluation exagérée de ses capacités. Les études ont montré que la majorité des gens ont tendance à se considérer meilleurs que la moyenne sur une diversité de capacités, ce qui est nécessairement erroné. Un exemple d’illusion positive très répandue est l’illusion de supériorité morale.

L’erreur fondamentale d’attribution

L’erreur fondamentale d’attribution est la tendance à surestimer les facteurs personnels (tels que la personnalité) pour expliquer le comportement d’autres personnes et à sous-estimer les facteurs conjoncturels.

L’excès de confiance

L’excès de confiance est la tendance à surestimer ses capacités. Ce biais a été mis en évidence par des expériences en psychologie qui ont montré que, dans divers domaines, beaucoup plus que la moitié des participants estiment avoir de meilleures capacités que la moyenne. Ainsi, plus que la moitié des gens estiment avoir une intelligence supérieure à la moyenne.

L’effet Dunning-­Kruger

L’effet Dunning-Kruger est le résultat de biais cognitifs qui amènent les personnes les moins compétentes à surestimer leurs compétences et les plus compétentes à les sous-estimer. Cet effet a été démontré dans plusieurs domaines.

Le biais d’autocomplaisance

Le biais d’autocomplaisance est la tendance à s’attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables.

L’effet Barnum ou effet Forer

Le biais de l’effet barnum (ou effet Forer) consiste à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à soi-même. Les horoscopes jouent sur ce phénomène.

L’effet de halo

L’effet de halo se produit quand la perception d’une personne ou d’un groupe est influencée par l’opinion que l’on a préalablement pour l’une de ses caractéristiques. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. L’effet de notoriété est aussi un effet de halo.

Comportements et jugements sociaux

Le biais de conformisme

Le biais de conformisme est la tendance à penser et agir comme les autres le font.

L’ignorance pluraliste

L’ignorance pluraliste, un concept introduit en 1930 par les psychologues Floyd Allport et Daniel Katz, désigne un phénomène dans lequel une majorité de membres d’un groupe rejettent en privé une norme, mais supposent à tort que la plupart des autres l’acceptent, et donc s’y conforment.

Le biais de faux consensus

Le biais de faux consensus est la tendance à croire que les autres sont d’accord avec nous plus qu’ils ne le sont réellement. Ce biais peut être particulièrement présent dans des groupes fermés dans lesquels les membres rencontrent rarement des gens qui divergent d’opinions et qui ont des préférences et des valeurs différentes. Ainsi, des groupes politiques ou religieux peuvent avoir l’impression d’avoir un plus grand soutien qu’ils ne l’ont en réalité.

Le biais de favoritisme intragroupe

Le biais de favoritisme intragroupe (ou endogroupe) est la tendance à favoriser les gens qui appartiennent à un même groupe que nous comparativement aux personnes qui n’en font pas partie.

La croyance en un monde juste

La croyance en un monde juste est la tendance à croire que le monde est juste et que les gens méritent ce qui leur arrive. Des études ont montré que cette croyance répond souvent à un important besoin de sécurité. Différents processus cognitifs entrent en œuvre pour préserver la croyance que la société est juste et équitable malgré les faits qui montrent le contraire.

L’effet de simple exposition

L’effet de simple exposition est une augmentation de la probabilité d’un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. Ce biais peut intervenir notamment dans la réponse à la publicité.

L’effet boomerang

L’effet boomerang est le phénomène selon lequel les tentatives de persuasion ont l’effet inverse de celui attendu. Les croyances initiales sont renforcées face à des preuves pourtant contradictoires.

Jugements sur des événements passés, présents ou futurs

Le biais rétrospectif

Le biais rétrospectif (« hindsight bias ») est la tendance à surestimer, une fois un événement survenu, comment on le jugeait prévisible ou probable.

Le biais de négativité

Le biais de négativité est la tendance à donner plus de poids aux informations et aux expériences négatives qu’aux positives et à s’en souvenir davantage.

Le biais de normalité

Le biais de normalité est une tendance à croire que les choses fonctionneront à l’avenir comme elles ont fonctionné normalement dans le passé et donc à sous-estimer, par exemple, la probabilité d’un événement exceptionnel tel qu’une catastrophe et ses effets possibles.

Le biais d’optimisme

Le biais d’optimisme est une tendance à accorder plus d’attention aux bonnes nouvelles qu’aux mauvaises. (En situation de stress, l’anxiété aide à éviter les risques du biais cognitif d’optimisme)

Biais intervenant dans les prises de décision

L’aversion de la dépossession

L’aversion de la dépossession (ou effet de dotation) désigne une tendance à attribuer une plus grande valeur à un objet que l’on possède qu’à un même objet que l’on ne possède pas. Ainsi, le propriétaire d’une maison pourrait estimer la valeur de celle-ci comme étant plus élevée que ce qu’il serait disposé à payer pour une maison équivalente.

Le biais de statu quo

Le biais de statu quo est la tendance à préférer laisser les choses telles qu’elles sont, un changement apparaissant comme apportant plus de risques et d’inconvénients que d’avantages possibles. Dans divers domaines, ce biais explique des choix qui ne sont pas les plus rationnels. (Un biais se rapprochant du biais de statu quo est celui de la tendance à la justification du système.)

Le biais d’omission

Le biais d’omission consiste à considérer que causer éventuellement un tort par une action est pire que causer un tort par l’inaction. Ainsi, le biais d’omission pourrait contribuer à expliquer que, dans l’incertitude, certains choisiront de refuser la vaccination pour leurs enfants.

Le biais de cadrage

Le biais de cadrage est la tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté. Par ex. la décision d’aller de l’avant ou pas avec une chirurgie peut être affectée par le fait que cette chirurgie soit décrite en termes de taux de succès ou en terme de taux d’échec, même si les deux chiffres fournissent la même information.

Le biais d’ancrage

Le biais d’ancrage est la tendance à utiliser indument une information comme référence. Il s’agit généralement du premier élément d’information acquis sur le sujet. Ce biais peut intervenir, par exemple, dans les négociations, les soldes des magasins ou les menus de restaurants. (Dans les négociations, faire la première offre est avantageux.)

Un concept qui se rapproche de celui de biais cognitif est celui de distorsion cognitive qui a développé dans le champ de la psychologie clinique. (10 distorsions cognitives qui entretiennent des émotions négatives)

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