Martine Bayard – Les Éditions du Panthéon, 2022, 216 pages, 19,90 € – Format Kindle 12,99 €
Mettant à profit le temps de la Toussaint – même si sa célébration est une spécificité catholique apparue en Occident au VIIIe siècle – nous parcourons cet ouvrage comme si nous flânions dans les allées si pittoresques du Père-Lachaise, appelé aussi « cimetière de l’Est »…
Passionnée d’histoire, particulièrement du siècle des Lumières et profondément attachée à la liberté de penser et à l’universalisme, Martine Bayard, titulaire d’une maîtrise de sciences économiques et sociales de l’Université de Panthéon-Sorbonne, nous offre un véritable guide touristique, d’ordre pratique – format 14 x 22,5 cm – autant que culturel et historique.
Si, selon la tradition, les francs-maçons se reconnaissent par des « signes, mots et attouchements », les « signs, words and grips » des anglais, notons que certaines sépultures n’hésitent pas à reproduire cette partie du rituel maçonnique. Avec une première de couverture – reproduisant un détail de la
tombe la famille Laurençot, probablement inspirée de la maçonnerie –, nous découvrons ce symbole d’éternité du serpent qui se mord la queue, l’ouroboros, ainsi que la célèbre et fantasmatique poignée de main – secrète ? – maçonnique… De quoi mettre en appétit le lecteur !
Dans son propos introductif, l’auteure explore ce riche passé de Maçons, nos illustres ancêtres, reposants au Père-Lachaise contribuant ainsi à renforcer la chaîne qui les relie jusqu‘aux Maçons d’aujourd’hui, c’est-à-dire à nous-mêmes. Ils ont œuvré pour nous léguer un monde meilleur – la Franc-Maçonnerie ne travaille-t-elle pas à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité ? À nous de le transmettre tel que nous l’avons reçu, voir si possible de l’améliorer, en l’offrant à nos enfants et petits-enfants.
Si le sujet de l’ouvrage est bien une très belle balade parmi les défunts, Martine Bayard nous la fait découvrir de deux façons différentes : l’une thématique, l’autre chronologique.
Une thématique bien maçonnique puisqu’elle traite du symbolisme, cherchant à comprendre les motivations qui poussent un Maçon « à inscrire sur sa pierre tombale des symboles que l’on réserve en principe au travail en loge ». L’art, l’architecture – « Les maçons se veulent architecte de la connaissance, ce qui signifie la liberté de penser le droit à la recherche sans entrave de la vérité » –, la sculpture, sœur de l’architecture, qui, comme elle, est fille de la géométrie. Elle-même élément du quadrivium, se rapportant au « pouvoir des nombres ».
Pour traiter ensuite de peinture, musique, littérature – la tombe, inspiré par le taureau androcéphale assyrien de l’époque classique, du romancier, dramaturge et poète d’Oscar Wilde (1854-1900) attirant nombre de visiteurs en est un exemple –, sans oublier le cinéma et la photographie, ainsi que le cirque, avec, au columbarium se développant sur quatre faces autour du crématorium, la plaque contenant l’urne funéraire du clown de génie Alfonso Zavatta, dit Achille (1915-1993).
Chronologiquement, l’auteure nous fait partager son savoir sur « la maçonnerie entre Lumières et Révolution » et évoquant le graveur, écrivain et diplomate Vivant Denon (1747-1815), le romancier Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos (1741-1803) ou encore le philosophe François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), reçut au sein de la célèbre loge des Neufs Sœurs un peu moins de deux mois avant sa mort. Avant de s’attacher à la Maçonnerie au service de l’Empire français, appelé a posteriori le Premier Empire – période allant de 1804 à 1815 – avec Cambacérès, Foy, Mortier, par exemple. Non sans étudier les progrès dans la médecine, la chirurgie – avec le médecin et chirurgien Larrey entre autres – et la science. Comment ne pas évoquer les tombes de Maçons célèbres liés à la Commune, et le mur des fédérés où 147 combattants furent fusillés les Versaillais à la fin de la Semaine sanglante, en mai 1871, et jetés à la fosse commune. Depuis lors, il symbolise toujours la lutte pour la liberté, la nation et les idéaux des communards. Sans faire l’impasse sur cette IIIe République, âge d’or de la Franc-Maçonnerie. Martine Bayard s’intéresse aussi à la politique puis à la résistance avec Pierre Brossolette (1903-1944), panthéonisé depuis, et consacre, bien évidemment, un important chapitre aux femmes.
La féministe, militante sociale, républicaine laïque et Franc-Maçonne Marie Béquet de Vienne (1844-1913), créatrice de la société pour l’allaitement maternel et des refuges-ouvroirs destinés aux femmes enceintes en détresse, faisant partie en 1893 des fondatrices de la première obédience maçonnique mixte internationale LE DROIT HUMAIN, est en bonne place.
L’ouvrage, illustré de photographies et d’un plan des sépultures, s’achève avec une liste de Maçons cités et inhumés au Père-Lachaise, avec le lieu de l’implantation des sépultures, mais aussi de ceux cités mais non inhumés. Armé de ce guide, une visite s’impose !
Les Éditions du Panthéon sont une maison d’édition française créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont actuellement un des principaux acteurs de la publication à compte d’auteur en France. Elles proposent, au-delà de 15 % de son catalogue en format numérique, des mémoires et témoignages, des romans, des poèmes, du théâtre, des essais, des contes et des nouvelles.