Les experts scientifiques et les industriels peuvent être tentés de biaiser les dossiers de certification de nouveaux produits issus de la recherche. Il était urgent de mieux définir l’intégrité éthique attendue des personnes concernées. Des actions concrètes sont en cours en ce sens.
Dans un précédent papier nous analysions l’influence de la soumission sur nos comportements. Au travers des expériences de Milgram, réanalysées, il était montré que l’argument scientifique peut servir à endormir notre vigilance. Ici nous revenons au cœur de la science en marche, j’ai nommé la recherche scientifique.
C’est en effet la recherche qui permet aux industriels, parfois la durée d’un brevet, d’engranger de plantureux bénéfices. Mais qui dit appât du gain dit tentation de tricher.
Plusieurs livres ont promu la thèse que l’industrie possède les moyens parfois énormes nécessaires pour financer la recherche scientifique, alors que les organismes publics non. Cela se passe d’ordinaire dans le petit monde des experts dont les avis sont déterminants lorsqu’il s’agit d’autoriser la commercialisation d’un nouveau produit.
La tentation pour l’industriel est de biaiser les résultats du dossier sur lequel repose la demande d’autorisation. Conséquence : tant pis pour quelques bavures dues à des produits pas parfaitement bien conçus, notamment pour la santé des consommateurs ou riverains. Alternativement, ou en complément, les experts des organismes de surveillance nationaux ou non peuvent être incités à fermer les yeux sur certaines irrégularités des dossiers. (On pense ici aux organismes de la Communauté Européenne).
On retrouve là les auteurs Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, et d’autres, qui donnent un parfum de « tous pourris » aux scientifiques qu’ils prennent sous la loupe dans leurs ouvrages. Ils accusent aussi les pro-sciences, comme Gérald Bronner, d’au moins minimiser le danger. Souvenons-nous des « gardiens de la raison ».
La clé de leurs accusations est toujours le conflit d’intérêt. L’expert a un jour fait une conférence rémunérée pour un des industriels, il est donc à jamais soupçonné de bidouiller ses avis.
Ces journalistes critiques semblent privilégier un tout-Etat, comme s’il n’y avait pas de corruption en URSS ou en Chine maoïste.
Comme lecteurs grand public, nous avons soit un écran journalistique ou idéologique entre nous et la question, ou alors nous devons avoir une culture scientifique dans le domaine concerné. Bref nous avons du mal à nous faire une opinion solide, et ne savons pas qui a raison en final. Probablement, nous en resterons avec nos propres croyances. Ainsi va le monde de la post-vérité.
Nous les maçons savons tout cela. Si le bâtiment n’est pas d’équerre dès les fondations, c’est déjà fichu. Les égyptiens appelaient « Ma’at » la vérité, justice, beauté, harmonie et rectitude morale, symbolisés par la pureté des fondations. Dans notre langage moderne nous parlons de pierre angulaire.
La bonne nouvelle, c’est que nos pouvoirs publics se sont saisis de la question.
Au commencement, il y a eu le HCERES . Les missions du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) sont définies par la loi du 22 juillet 2013. L’indépendance, la transparence et l’équité sont ses valeurs. Sa méthode ? Elle se fonde sur son engagement auprès des entités évaluées. Pour être, à leurs côtés, un partenaire de progrès.
Seconde étape : l’OFIS, qu’il ne faut pas confondre avec l’Ofis-à-papa. L’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) a pour mission nationale de promouvoir et coordonner les politiques en faveur de l’intégrité scientifique. Il accompagne tous les acteurs qui concourent au respect des règles garantissant une activité de recherche honnête, rigoureuse, fiable et crédible. Pour construire et partager une culture commune de l’intégrité scientifique, l’Ofis déploie ses actions selon trois axes : observatoire, ressources, animation et prospective.
Troisième étape : de l’action concrète. Un « serment doctoral d’intégrité scientifique » est par arrêté du 26 août 2022 introduit dans le processus qui mène au doctorat.
Texte du serment
« En présence de mes pairs. Parvenu(e) à l’issue de mon doctorat en [champ disciplinaire], et ayant ainsi pratiqué, dans ma quête du savoir, l’exercice d’une recherche scientifique exigeante, en cultivant la rigueur intellectuelle, la réflexivité éthique et dans le respect des principes de l’intégrité scientifique, je m’engage, pour ce qui dépendra de moi, dans la suite de ma carrière professionnelle quel qu’en soit le secteur ou le domaine d’activité, à maintenir une conduite intègre dans mon rapport au savoir, mes méthodes et mes résultats. »
Le serment revêt une forte vocation symbolique. Sa pratique est ancrée dans un cadre légal et engage moralement la docteure ou le docteur, qui peuvent l’invoquer pour refuser d’effectuer des actions en tension avec les principes de l’intégrité scientifique.
Sa mention dans la charte du doctorat souligne la responsabilité partagée du doctorant ou de la doctorante, des encadrantes et encadrants, et des laboratoires d’accueil. La charte peut également inclure un paragraphe dédié à l’intégrité scientifique qui rappelle notamment l’offre de formation à l’intégrité scientifique de l’établissement.