Une loge maçonnique est constituée d’un groupe d’environ 15 à 50 êtres humains (parfois plus). On ne peut comprendre son fonctionnement d’une loge que si on se réfère aux grandes règles de fonctionnement des groupes humains que l’on a coutume de regrouper dans l’expression « la dynamique de groupe » !
Lorsque la franc-maçonnerie s’est créée, il est clair qu’on ne se préoccupait pas des ressorts de cette dynamique ; mais aujourd’hui c’est différent ! Les connaissances dans le domaine de la psychologie collective permettent de mieux se connaître aussi bien à titre personnel qu’au niveau collectif.
Le groupe humain, comment fonctionne-t-il ?
Avant d’évoquer le cas du groupe maçonnique, rappelons les grandes lignes des connaissances sur le fonctionnement du groupe humain.
Elles sont plutôt les fruits des travaux de l’école anglo-saxonne.
Le mot « group dynamic » apparaît pour la première fois dans un article de Kurt Lewin (1890 — 1947) de 1944.
Parmi les cherchants qui ont laissé des travaux importants dans cette discipline citons Raymond Bernard Cattell (1905-1998), Wilfred Bion (1897-1979), Elton Mayo (1880-1950), Roger Mucchielli (1919-1981), Didier Anzieu (1923-1999), Bruce Wayne Tuckman (1938-2016).
Que dire aujourd’hui à propos d’un groupe :
- On définit plusieurs sortes de groupes humains selon le nombre de ses membres et aussi selon la nature des liens entre les membres ;
- Les membres d’un groupe interfèrent entre eux de façon consciente et inconsciente ;
- Un groupe se crée des codes qui lui sont spécifiques ;
- Des sous-groupes peuvent se créer à l’intérieur d’un groupe ;
- Le groupe influence ses membres pouvant entraîner une certaine dépersonnalisation (cf. l’effet de meute).
Les différentes fonctions à l’intérieur d’un groupe :
- Le pouvoir, l’autorité ;
- L’état d’esprit du groupe et ses changements ;
- La prise de décision ;
- La communication de l’information ;
- Les relations interpersonnelles (affinité, dépendance, créativité, résistance au changement).
Les différentes étapes de la vie d’un groupe (selon Bruce Wayne Tuckmann)
- Formation du groupe : rencontre des membres, apprentissage de leurs personnalités, premiers positionnements.
- Tension : confrontations, divergences.
- Normalisation : règlement des conflits, stabilisation, structuration.
- Production : coopération, fixation d’objectifs, réalisation.
- Dissolution : objectifs atteints, séparation.
Le groupe maçonnique : la loge
C’est un groupe de taille moyenne qui se caractérise par plusieurs spécificités :
- Une taille modeste (de 10 à 50 membres environ) ;
- C’est un groupe très structuré avec plusieurs niveaux de responsabilité et une certaine rotation des fonctions ;
- Un mode de fonctionnement plutôt dirigiste voire autoritaire avec une emprise plus ou moins importante d’un rituel directif avec demandes et réponses formalisées sans aucune improvisation des interventions ;
- Une « coloration » obsessionnelle avec une plus ou moins grande obligation de respecter de nombreux codes ;
- Un groupe exigeant vis-à-vis de ses membres : cotisation financière élevée, assiduité importante, soumission à l’autorité ;
- Un groupe teinté par l’âge de ses membres avec une majorité de seniors ;
- Des membres aux niveaux de revenus plutôt élevés ;
- Un groupe avec une hiérarchie interne très pesante entre les membres et peu de démocratie ;
- Une tendance à la fragmentation des groupes suite à des conflits fréquents ;
- Un découragement des membres avec un fort taux de démissions !
Qu’apporte les connaissances de la dynamique de groupes ?
Elle explique pourquoi le groupe maçonnique, groupe très exigeant et instable, est traversé par de nombreux conflits internes qui fragilisent son fonctionnement.
La première explication est à trouver dans l’hyper-dirigisme et le peu de démocratie interne de la loge maçonnique. Ces caractéristiques favorisent la soumission, le refoulement et l’irruption des affects.
C’est aussi pour cela que le groupe maçonnique semble rejeter la participation des jeunes.
Que faire ?
Si les membres d’une loge souhaitent améliorer leur cohésion, déminer les relations conflictuelles ou l’absentéisme, il est possible de :
- Prendre en considération les membres dans leurs dimensions personnelles ;
- Responsabiliser les officiers et donner au collège une dimension collective sans prééminence du ou de la vénérable ;
- Introduire plus de démocratie dans le fonctionnement ce qui suppose des réunions dites de comité pour favoriser l’expression ;
- Ne pas confondre symbolisme et hiérarchie.
Les autres groupes maçonniques
Selon le nombre des participants on pourrait parler :
- du convent ou de la tenue de Grande Loge avec des groupes de plusieurs centaines de membres ;
- des commissions avec un nombre plus réduit de membres.
Selon le type d’activités :
- les conseils de l’ordre ;
- Les réunions en fonction des degrés ;
- Les réunions à thèmes : juridique, caritatif, etc.
Plus le groupe est important plus la dépersonnalisation est forte !
Imaginer qu’une réunion comme le convent ou la Tenue de Grande Loge puisse être un lieu de réflexion et d’échanges est un leurre ; son seul intérêt c’est de conforter la cohésion du groupe (cf effet « grande messe »)
En conclusion
On peut se satisfaire d’un fonctionnement des groupes maçonniques repliés sur eux-mêmes cultivant l’entre-soi et s’auto-gratifiant !
On peut aussi considérer que la devise « Un-e maçon-ne libre dans une loge libre ! » a un sens !
Pour préserver cette liberté, il est clair qu’il faut se méfier de la capacité du groupe à induire une dépersonnalisation telle qu’on la voit dans le fonctionnement sectaire !
L’intérêt de la dynamique de groupes c’est d’offrir une grille de lectures qui permet un diagnostic !
La dynamique de groupes offre aussi des pistes pour améliorer l’harmonie interne, éviter les incompréhensions, craindre la dépersonnalisation et magnifier notre idéal.
Le groupe maçonnique avec son collège des officiers, sa règle de prise de parole, son corpus idéologique a toutes les potentialités pour faire régner la Paix et l’Harmonie au sein de la loge ! Encore faut-il que les biais sont évités !
Aujourd’hui force est de constater que ce n’est pas le cas !
Il serait du devoir des officiers d’accepter de se remettre en cause afin d’introduire les changements nécessaires dans leurs modes de fonctionnement.
Espérons !