La société des Cambridge Apostles (« Apôtres de Cambridge »), est une société secrète intellectuelle d’étudiants de l’université de Cambridge, fondée en 1820 par l’étudiant George Tomlinson* (futur évêque de Gibraltar). Dans ce club de discussion se réunissaient de grands noms de la littérature, de la politique, de la philosophie ou des sciences du Royaume-Uni, ainsi que des membres du Bloomsbury Group ou groupe des Cinq espions de Cambridge.
Origine
La société secrète des Cambridge Apostles, rassemble depuis près de deux cents ans une élite intellectuelle au sein de l’université de Cambridge. Elle fut fondée en 1820 par l’étudiant George Tomlinson qui devint par la suite évêque de Gibraltar.
L’origine du surnom Apostles date des fondateurs au nombre de douze. Cette société recrutait traditionnellement ses membres parmi les nouveaux étudiants des collèges St John, King et Trinity.
Le terme d’« Apôtres » vient du fait que les premiers membres étaient au nombre de douze, tels les douze disciples du Christ.
Depuis ses origines jusqu’à nos jours, la plupart des membres de cette organisation sont des étudiants ; rares parmi eux sont les diplômés ou les enseignants. Pendant longtemps, la société a recruté ses membres dans deux des plus célèbres établissements de Cambridge : King’s College et Trinity College. De nos jours, ce n’est plus le cas !
Anges et apôtres
Comme l’indique sa seconde appellation : « Conversazione Society », il s’agit surtout d’un club de discussion.
Les réunions se tiennent une fois par semaine, traditionnellement le samedi soir, et l’un des membres délivre une conférence sur un sujet préparé à l’avance.
Ensuite se déroule un débat général pendant lequel les Apostles se nourrissent de toasts à la sardine surnommés les « steaks de baleine ».
Le déroulement de ces réunions rappelle une tenue maçonnique durant laquelle un maçon présenterait une planche en loge
comme a dit un jour un vieux maître à un jeune apprenti : « les AGAPES font partie intégrante de la tenue » !
Les Apostles tiennent à jour un registre relié de cuir (le « Livre ») dont les volumes successifs remontent à leur fondateur et renferment quantité d’annotations manuscrites sur l’ensemble des sujets abordés par les orateurs. Le « Livre » se trouve dans l’« Arche », où l’on range l’ensemble des documents inhérents à la société.
Une fois leur diplôme universitaire en poche ! les anciens Apostles se nomment les « Anges ».
De temps en temps, tous les deux ou trois ans et dans le plus grand secret, les Apostles invitent la totalité des Anges à dîner dans l’un des collèges de Cambridge. Jadis avait lieu un dîner annuel, le plus souvent à Londres.
Les étudiants dont on envisage l’admission s’appellent les « Embryons » et chacun d’entre eux se voit convié à une soirée où les Apostles décident ou non de l’accepter dans leurs rangs, pendant que lui-même ignore que ses commensaux songent à le recruter. Au final, tout se passe au mieux, le rituel d’initiation l’obligera ensuite à jurer le secret et à écouter la lecture des malédictions encourues en cas de manquement aux règles, texte rédigé aux alentours de 1850 par l’un des membres, le théologien Fenton John Anthony Hort.
Effectivement, on reproche parfois aux Apostles le caractère secret de leur association, ainsi que la quasi-absence de femmes parmi eux, mais aussi, et peut-être avant tout, le nombre impressionnant d’Anges qui ont fait une brillante carrière à Cambridge ou exercé les plus hautes responsabilités dans les médias, le gouvernement et l’Église d’Angleterre, ce qui semble en contradiction avec les idéaux égalitaires prônés par l’université. En tout état de cause, nombreux sont les anciens Apostles qui ont évoqué la profondeur du sentiment de fidélité qui les rattachait à leurs camarades, et cela leur vie durant.
La cohésion du groupe
Les années précédant la Grande Guerre, les Apostles acquirent la célébrité à l’extérieur de Cambridge grâce à l’émergence du cénacle intellectuel du Bloomsbury Group. John Maynard Keynes, Lytton Strachey et son frère James Strachey, G. E. Moore, Desmond MacCarthy, Leonard Woolf et Rupert Brooke, anciens Apostles, comptèrent parmi les fondateurs de Bloomsbury.
Dans le domaine de la philosophie et de l’économie politique, une influence mutuelle s’exerça durablement entre cinq des plus illustres Apostles : l’économiste John Maynard Keynes d’une part, et d’autre part les quatre grands penseurs analytiques anglais du siècle, Ludwig Wittgenstein, Alfred North Whitehead, G. E. Moore et Bertrand Russell. Là encore, des liens annexes avec le groupe de Bloomsbury semblent avoir été très étroits.
Moins glorieux fut le regain de notoriété des Apostles à partir de 1951, lorsque naquirent les soupçons qui devaient mener au scandale des Cinq de Cambridge, autrement dit l’affaire des espions britanniques au service de l’Union soviétique depuis les années 1930 jusqu’à la fin de la guerre froide. Au minimum cinq hommes ayant accès aux secrets militaires du gouvernement britannique transmirent des informations au KGB (initialement NKVD).
Parmi les quatre premiers espions démasqués, on découvrit deux anciens Apostles, jadis étudiants à Trinity College : Guy Burgess, officier du MI6, et Anthony Blunt, officier du MI5, historien de l’art, directeur de l’institut Courtauld et responsable des collections de tableaux de la reine Élisabeth II. Blunt et Burgess étaient connus pour entretenir une liaison homosexuelle depuis de nombreuses années. En revanche, les deux autres agents doubles, Donald Maclean et Kim Philby, n’appartenaient pas à la Cambridge Conversazione Society.
Restait la question du « cinquième homme », c'est-à-dire d'une « taupe » supplémentaire dont les services de renseignement britannique connaissaient l'existence tout en ignorant son identité.
Pour finir : Quelques célèbres apôtres de Cambridge
- Trinity College : statue de Lord Alfred Tennyson, ApostleGeorge Tomlinson, fondateur des Apostles, évêque de Gibraltar (1820)
- Erasmus Alvey Darwin, frère de Charles Darwin (1823)
- Alfred Tennyson, poète, Chambre des lords (1829)
- Arthur Hallam, poète, ami de Tennyson (1829)
- Fenton John Anthony Hort (1851), théologien
- James Clerk Maxwell, physicien (1852)
- Henry Sidgwick, philosophe (1857)
- George Howard, comte de Carlisle (1865)
- G. H. Hardy, mathématicien, médaille Sylvester, médaille Copley
- Alfred North Whitehead, mathématicien, logicien et philosophe, médaille Sylvester (1884)
- Roger Fry, peintre, historien de l’art (1887)
- Bertrand Russell, mathématicien, philosophe, Chambre des lords, prix Nobel de littérature (1892)
- G. E. Moore, philosophe (1894)
- E. M. Forster, écrivain (1901)
- Desmond MacCarthy, critique littéraire
- Lytton Strachey, écrivain (1902)
- James Strachey, traducteur de Freud et frère de Lytton Strachey
- Saxon Sydney-Turner, artiste
- Francis Birrell, libraire et critique littéraire
- Leonard Woolf, éditeur, époux de Virginia Woolf, cofondateur du Bloomsbury Group
- John Maynard Keynes, économiste, Chambre des lords (1903)
- Rupert Brooke, poète (1908)
- Ludwig Wittgenstein, philosophe (1912)
- Anthony Blunt, historien de l’art, espion du KGB (1927)
- Julian Bell, poète, fils de Clive et Vanessa Bell, neveu de Leonard Woolf (1928)
- Guy Burgess, officier du MI6, espion du KGB (1932)
- Hugh Sykes Davies, poète et linguiste (1932)
- Victor Rothschild, biologiste, financier, officier du MI5, Chambre des lords (1933)
- William Grey Walter, scientifique, pionnier de la robotique (1933)
- D. G. Champernowne, statisticien (1934)
- Alan Lloyd Hodgkin, biophysicien, Médaille royale, prix Nobel de physiologie ou médecine (1935)
- Michael Straight, patron de presse américain, espion du KGB (1936)
- Noel Annan, officier de renseignement, doyen d’université, Chambre des lords (1948)
- Robin Gandy, mathématicien et logicien (1952)
- Eric Hobsbawm, historien marxiste
George Tomlinson (12 mars 1794 – 6 février 1863) était un clerc anglais, évêque anglican de Gibraltar de 1842 à 1863.
Sa bio : Tomlinson est né dans le Lancashire, fils de John Tomlinson. Il a été instruit à l’école de grammaire de St Sauveur, Southwark, est entré au Collège de St John, Cambridge en 1818. Il est diplômé BA en 1823, MA en 1826, et DD en 1842. Il est le fondateur des Cambridge Apostles. Ordonné en 1822, Tomlinson devint aumônier de William Howley, évêque de Londres, et fut employé comme tuteur par Sir Robert Peel. En 1825, il est devenu le secrétaire à la Société de l’École Infantile de la Ville de Londres, une alternative de la Haute Église autour de Howley, Peel et Charles James Blomfield à la Société de l’École Infantile de Samuel Wilderspin. De 1831 à 1842, Tomlinson est secrétaire du SPCK. Là, il a écrit pour le Saturday Magazine et a fondé la Liste du clergé et la Gazette ecclésiastique. En 1840, il entreprit une mission œcuménique au Levant et en rédigea un rapport. Le 24 août 1842, Tomlinson est consacré évêque à l’abbaye de Westminster. Il arriva à Gibraltar en 1842 avec Robert Thomas Wilson, le nouveau gouverneur, sur le HMS Warspite. Il y meurt le 9 février 1863, à l’âge de 68 ans.
En savoir plus, avec le livre de W. C. Lubenow The Cambridge Apostles, 1820-1914: Liberalism, Imagination, and Friendship in British Intellectual and Professional Life (Cambridge University Press, 2007).
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