ven 19 avril 2024 - 22:04

Tabliers, équerres et compas à Rome : Le Woodstock des francs-maçons avec 2700 Vénérables Maîtres pour le solstice

De notre confrère italien roma.repubblica.it – Par Lorenzo D’Albergo

Le soleil se couche sur le green du club de golf Sheraton. Le public se précipite vers le temple, signalé au trou numéro un par deux fausses colonnes de style Empire et une interminable rangée de sièges de velours rouge, regard vers la scène. Le parchemin, cette fois symbole des maux de la pandémie et de la guerre, brûle dans le trépied sous les yeux du Grand Maître, le comptable Luciano Romoli.

C’est le Solstice des francs-maçons, c’est la fierté de 2700 sœurs et frères du Sud et du Nord. En avion, en train, en bus, en taxi. L’Alam Grand Lodge – la Grande Loge d’Italie des ALAM (Anciens Francs-Maçons Acceptés) est née en Italie en 1910, sous le nom originel de Sérénissime Grande Loge d’Italie – est de retour après deux ans de pandémie. Parco de ‘Medici devient le Woodstock* hautement composé des maçons d’Italie, réunis pour “soutenir le défi du temps, pour être les bâtisseurs de l’avenir”.

Avant de plonger dans une débauche de gembriuli et de compas d’or, il est bon de prendre du recul et de cadrer le sujet. La confrérie des Anciens Maçons Libres Acceptés est née en 1910, deux ans après la scission du Grand Orient d’Italie. Il est ouvert aux femmes et a accueilli au fil des ans l’encre de Chine de Totò et Aldo Fabrizi , Gabriele D’Annunzio et Hugo Pratt .

Un point noir, comme la couleur des vêtements imposés aux francs-maçons par le dress code de la cérémonie, accompagné d’une armée d’hommes sexy en costard. Un festival de fronts dégoulinants, de chemises humides, de mouchoirs trempés de sueur. Médecins et avocats, mères et enfants, jeunes diplômés et chefs d’entreprise, journalistes et entrepreneurs.

Echouées à deux pas du Grande Raccordo Anulare sous le soleil ardent du samedi de ce mois de juin, les dames maçonnes agitaient les éventails. Un mouvement majestueux comparé au tourbillon des éventails de poche des Frères, Apprentis et Maîtres, Vénérables aspirants fuyant les objectifs des téléphones portables et des appareils photos.

Au Sheraton, où la haute direction de McDonald’s s’était réunie quelques heures plus tôt pour renforcer l’esprit d’équipe, la journée a commencé tôt samedi. Câlins, sourires, les trois bisous saluant – œil à Covid – la marque du Lodge. Puis, à 16h, la Grande Assemblée. Mais avec quelques pépins pour l’accréditation. Pas de problème, cependant, lorsqu’il s’agit de déchaîner des chandeliers et des épées. Ou pour nouer les premiers tabliers : “Il fallait être à la plage aujourd’hui, sinon. Je suis pie.”

Le gros de la fête, plutôt chaste dans ses manières au moins jusqu’au dîner, se déroule cependant au bord de la piscine. Entre un spritz et une bière, quelques cacahuètes et deux blagues sur le travail et les promotions à venir. Qui sera le prochain à atteindre le 33e et dernier rang de la hiérarchie Alam. On ne parle de rien d’autre. Il n’y a aucune réalité qui tienne. Les contorsions de notre politique locale et le drame des bombardements sont loin. Nous parlons plutôt de symboles et de leur signification.

Alors il arrive de s’asseoir et d’écouter les fantasmes et les plaintes : « Tu vois, l’obélisque c’est le phallus. Le cercle c’est la femme. La terre c’est la fécondation. Pourquoi ne l’ont-ils pas compris ? L’ésotérisme, l’architecture sombre, les aventures des Templiers. Il y a tellement de choses à apprendre pour vouloir devenir maçon. »

Un autre pas en arrière. Ou plutôt, cette fois-ci au côté et en compagnie d’une sœur nouvellement inscrite et, en échange de l’anonymat, désireuse d’expliquer la philosophie qui anime la soirée et ses participants : « Ils veulent nous comparer à P2, mais ici on fait. Est-ce qu’il réseaute pour avoir des promotions au travail ? Non, c’est un préjugé. Nous faisons beaucoup de charité. Les gens viennent ici pour faire un cheminement personnel. Pour s’éclairer. »

Salutations et sous avec dîner. Le service est accompagné d’un arrangement orchestral de What a wonderful world. Les gants blancs des serveurs se mêlent aux gants blancs des francs-maçons, aussitôt retirés pour éviter taches et éclaboussures. Départ avec tarte au chèvre et salami fondue aux herbes aromatiques. Suivi de demi-manches amatriciana avec bacon frit et dope de pecorino et filet de veau avec crème de sauge et confettis de jambon Bassiano. Caponatina et enfin un lingot de pâte sablée à l’ébène avec ricotta crémée et pépites de chocolat.

Cela ressemble à un gros (immense) mariage italien. C’est le banquet de la « franc-maçonnerie universelle de l’ancien rite écossais et de l’obéissance acceptée de la piazza del Gesù palazzo Vitelleschi ». Un refrain à prononcer d’un seul souffle. En prenant soin, peut-être, d’enlever d’abord le tablier et la ceinture avec les médailles qui alourdissent et serrent un peu sur la taille à la fin du repas.

Le solstice franc-maçon se prolongera dans la nuit. Selon les frères, pour cause : « Nous dialoguons pour la construction de la paix universelle. Au jour du triomphe du soleil, nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer le danger des ténèbres ». C’est vrai.

*(NDLR : Woodstock désigne le plus souvent le Festival de Woodstock qui eut lieu à Bethel dans l’État de New York aux États-Unis en 1969).

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