(Les “éditos” de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
La pandémie a, du moins, eu ce bénéfice de nous aider à actualiser notre pratique de différents systèmes informatiques entre Sœurs et Frères. Les réunions en ligne et autres messageries instantanées nous ont aidés à traverser de longues périodes d’isolement, en conservant un contact actif et en partageant des échanges. Revient, désormais, le temps de se retrouver en loge. D’être physiquement présents en ce lieu si singulier et familier, à la fois, qu’est un temple maçonnique, de sentir circuler la parole et l’énergie, aussi bien lors des tenues elles-mêmes que dans nos agapes fraternelles qui en sont le prolongement obligé.
La loge potentialise notre être au monde. Nous y déployons notre accueil de l’instant présent, en élargissant du mieux possible la conscience de notre petite diversité, de nos irréductibles individualités, du microcosme que nous constituons, à l’unité de l’univers, unité qui traduit l’imbrication de tous les phénomènes entre eux, ce que nous avons coutume d’appeler le macrocosme.
Aujourd’hui où s’annonce le métavers, c’est-à-dire une entrée qui se voudrait intégrale dans un monde virtuel, où, caparaçonnés d’une combinaison totale et muni de lunettes magiques reproduisant les trois dimensions dans lesquelles nous serions immergés, nous aurions la sensation permanente d’agir et d’évoluer dans une « réalité fictive », triomphe collectif d’un oxymore majeur, quelle serait la place de l’initiation ? Aurait-elle besoin de quelqu’un d’autre que d’un Mark Zuckerberg en nouvel haruspice découpant dans un ciel encore plus imaginaire le quadrilatère du temple… Et du Temps ?
J’ignore ce que ressentiront comme vrai les générations qui viendront après celles qui s’agitent déjà sur leurs « smartphones » à la manière des Chinois, autrefois, sur leurs bouliers ; mais, moi, je sens encore trotter dans ma tête le fameux poème de Rudyard Kipling, La loge-mère, quand, les longues tenues terminées, il revivait avec nostalgie le retour de chacun chez soi :
« Comme après tant de paroles
Nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes. »
Bref, aujourd’hui, en l’état où se trouve notre pauvre monde – qui n’est « augmenté » que de nos propres horreurs et incohérences –, je crains qu’il ait bien besoin de nous et que ce soit encore là, pour longtemps, la place de nos principaux défis.
L’initiation est un double engagement : un engagement en soi et un engagement dans le monde. Toute conscience accrue des réalités, telle qu’elle doit résulter de nos exercices spirituels, ne peut que renforcer notre responsabilité d’homme parmi nos Frères humains et, au-delà, au service des équilibres, aussi bien généraux qu’élémentaires et souvent subtils, qui, à tous les degrés, doivent régir la planète. Nous sommes partie prenante des écosystèmes qui la composent et la température de nos sociétés y participe tout également, elle n’est pas indépendante de l’évolution des climats… Prêtons attention à tous les phénomènes : Zoomons sur le monde réel !