De notre confrère lejdd.fr Par Catherine Nay
Franc-maçon et conseiller des puissants… Alain Bauer, le Grand Maître de la coulisse. Homme de réseaux et d’influence, il conseille les puissants mais conserve sa part de mystère.
Alain Bauer ? Vous l’avez forcément remarqué dans les débats télévisés avec sa façon unique de se tenir : buste droit, menton relevé, un regard qui toise ou s’absente et cet air de contentement de soi qui ne va pas jusqu’à la prétention. Crâne rond et chauve, petite moustache. On voit un homme à l’aise, qui parle haut et que l’on ne contredit pas. On l’invite parce qu’il impressionne. « Mon métier c’est la sécurité, la défense, le renseignement », dit-il.
Des sujets hautement sensibles en ces temps troublés. Parce qu’il intéresse, on l’attend. Pour chaque question, il a toujours une réponse étayée par une avalanche de faits, de chiffres. Il dissèque, tranche, assène, « convainc ». Son analyse est toujours originale. Un pédagogue et vulgarisateur hors du commun qui ferait croire qu’il est expert en tout et omniscient.
On perçoit derrière chaque intervention une longue accumulation de travail, de lectures, de renseignements puisés à des sources multiples et internationales. « Je ne dîne jamais en ville. Je me couche tôt, vers 22 heures, je dors peu. Réveil à 3 heures, à 3h45 je suis au bureau », dit-il. Puisque c’est son choix !
À 38 ans, il devient Grand Maître de la franc-maçonnerie
Longtemps Alain Bauer a préféré jouer les hommes de l’ombre pour acquérir de l’influence. Laquelle s’est bâtie grâce à des réseaux plus ou moins occultes. Il a été Grand Maître de la franc-maçonnerie, il en a démissionné deux ans plus tard, ce qui a renforcé son mystère. Et éveillé des fantasmes. On l’a dit agent de la CIA. On le craint car il a la dent dure. Sympathique, antipathique. Les avis demeurent partagés pour le raconter. Aujourd’hui, on le voit beaucoup à la télévision, il s’offre des bains de lumière. On le sent réconcilié avec lui-même, peut-être son besoin de reconnaissance est-il enfin étanché.
Je ne dîne jamais en ville. Je me couche tôt, vers 22 heures, je dors peu. Réveil à 3 heures, à 3h45 je suis au bureau
Alain Bauer. Il faudrait tout un roman en plusieurs volumes. Qui commence dès la naissance. La venue au monde de ce fils unique dans une famille juive dont les grands-parents avaient fui les pogroms, un 8 mai ! Ce jour où l’on commémore la victoire sur l’Allemagne nazie. Comment ne pas y voir un symbole de revanche, celui de la vie sur la mort. Chaque 8 mai, au moment de souffler les bougies sur le gâteau, le vent de l’histoire s’invitait à la fête.
L’enfant précoce et doué a compris d’instinct qu’il lui faudrait des relations pour réussir. À 15 ans, adolescent joufflu, il s’inscrit au Parti socialiste alors sis place du Palais-Bourbon. Ça n’est pas Mitterrand qui l’attire, mais Rocard. Trois ans plus tard, il entre au Grand Orient. Un investissement lourd. Il en est le plus jeune membre. À 38 ans, il sera son Grand Maître. Quel parcours.
« J’étais vieux quand j’étais jeune », reconnaît Alain Bauer
« Je l’ai connu en 1980 à la fac de Tolbiac, raconte Manuel Valls. Il tranchait sur tout le monde par sa taille, sa corpulence. Il portait toujours un costume, une cravate, était déjà chauve et moustachu quand tous les camarades étaient en jean et portaient des cheveux longs. » On l’appelait le « gros bobo ».
« J’étais vieux quand j’étais jeune », reconnaît l’intéressé. Il est vrai que lorsqu’on regarde des photos de l’époque, c’est fou ce qu’il a rajeuni depuis qu’il a minci, ce qui implique qu’il a dû faire de sacrés efforts. La gastronomie, héritée d’un père gourmand et gourmet, est son autre passion. Il a été critique du guide Champérard (un concurrent du Gault et Millau) dont il est devenu quelques années plus tard propriétaire.
« Ce qui le distinguait encore plus des autres, poursuit Manuel Valls, c’est qu’il avait une pensée originale, une analyse du monde. Son langage n’a pas varié. C’était aussi un caractère joyeux. » À Tolbiac s’est noué un lien d’amitié indestructible entre Manuel Valls, Stéphane Fouks et lui. Tous les trois rocardiens. Du temps de leur idole à Matignon, on les appelait la « troïka ».
« Chacun savait ce qu’il voudrait faire plus tard, raconte Alain Bauer. Manuel voulait faire de la politique, Stéphane de la communication. Moi, je ne voulais pas être devant la scène. Conseiller, directeur de cabinet de ministre, cela m’aurait bien plu. » (Suite…)