Dominique Jardin – Éditions Dervy, Bibliothèque de la Franc-Maçonnerie, Coll. Renaissance Traditionnelle, 2022, 352 pages, 28 €
Présentation de l’éditeur :
L’alchimie fait partie des centres d’intérêt majeurs pour le franc-maçon contemporain : elle sert, dans la représentation qu’il s’en fait, de “porte basse” ou d’entrée dans le monde des Mystères, propres à alimenter sa quête initiatique et à lui permettre l’appropriation de l’histoire et du symbolisme maçonniques. La connaissance des métaphores que l’alchimie déploie est devenue indispensable à la démarche maçonnique dès les trois premiers grades ” bleus “. Il est donc utile de se demander quand, pourquoi et comment une partie du corpus alchimique intéresse et infuse, en partant des hauts grades, la maçonnerie “bleue”. L’auteur s’appuie sur l’histoire des représentations pour éclairer ici la manière si particulière avec laquelle les maçons s’approprient l’alchimie. Ce livre est un outil : il examine comment les maçons, à partir des lectures d’Oswald Wirth, à la fin du XIXe siècle, récupèrent tardivement les motifs alchimiques pour développer certains symboles essentiels des grades bleus comme VITRIOL, les thèmes des épreuves des initiations et de la légende d’Hiram. Ce travail s’appuie sur des textes de référence et une riche iconographie accompagnée de légendes nourries et de commentaires précis. Le franc-maçon ou le lecteur curieux pourra ainsi croiser les deux domaines de la franc-maçonnerie et de l’alchimie et saisir leur mise en regard afin, de l’Art Royal mais aussi ” du Grand Art, comprendre le Mystère “.
Biographie de l’auteur :
Dominique Jardin est agrégé et a obtenu un doctorat « double sceau », en Histoire (Université de Nice) et en Sciences religieuses (EPHE) en soutenant une thèse sur les rituels, les tableaux de loge et la construction de la tradition maçonnique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles dans des revues spécialisées telles que Sources, Les Essais écossais, Kilwinning, La Chaîne d’Union ou encore Les Cahiers Villard de Honnecourt.
Il a aussi transcrit avec Claude Gagne (1932-2021) Aux sources du REAA – Le cahier de loge du Vénérable Tarade – manuscrit témoin de la vie maçonnique de 1761 à 1776 (DERVY, 2017) et a publié, avec le soutien du Musée de la GLNF Aux sources de l’Écossisme, le premier Tuileur illustré (XVIIIe siècle) – 80 Tableaux de loge et bijoux maçonniques (DERVY, 2019). Lors de la World Conférence on Fraternalism, Freemasonry & History (Bibliothèque nationale de France, 2019), Dominique Jardin a été distingué par le Bartholdi Award pour ses années de recherche et ses nombreuses publications sur les tableaux de loge.
Il reste un des rares auteurs à avoir été couronné deux fois aux prix littéraires de l’Institut Maçonnique de France, en 2012 avec un prix spécial du jury pour Voyages dans les tapis de loge et Le temple ésotérique des francs-maçons (Éd. J.-C. Godefroy) et en 2014, en catégorie « Essais », pour La tradition des francs-maçons : Histoire et transmission initiatique (Éd. Dervy).
[NDLR : Quel est le point commun donné par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), créé en 2005 par le CNRS, dans les définitions des termes alchimie et franc-maçonnerie ?
L’alchimie est une « pratique de recherche en vogue notamment au Moyen Âge, ayant pour objet principal la composition d’élixir de longue vie et de la panacée universelle, et la découverte de la pierre philosophale en vue de la transmutation des métaux vils en métaux précieux ».
Quant à la franc-maçonnerie, il s’agit d’une « association ésotérique visant à l’édification d’une société rationnelle, la construction du Temple, qui professe la fraternité entre ses membres organisés en loges et qui se reconnaissent par des signes et des emblèmes symboliques pris aux maçons du Moyen Âge ».
Moyen Âge, cette période de l’histoire de l’Europe couvrant dix siècles environ, s’étendant de la fin de l’Antiquité au début de la Renaissance – fin du Ve à la fin du XVe siècle – est bien le mot repris dans les deux définition ci-dessus.
Quelles relations pouvons-nous donc trouver entre alchimie et franc-maçonnerie ? Le cabinet de réflexion avec des coupes contenant du Sel, du Soufre et du Mercure évoque immédiatement le Grand Œuvre dont le but principal est la réalisation de la Pierre philosophale, qui permettrait de changer les métaux vils – comme le plomb – en métaux nobles – or et/ou argent. Le néophyte, homme bon, deviendrait-il, grâce à cette transmutation, avec toutes ces incidences sur son Corps, son Âme et son Esprit, homme meilleur, un Maçon ? Le profane désirant rejoindre la Fraternité est ainsi mis en contact avec l’alchimie…
Dominique Jardin, docteur en Histoire et sciences des religions – cf. sa thèse soutenue en 2008 sous la direction de Pierre-Yves Beaurepaire « Emprunts opératifs, religieux et ésotériques dans les rituels et l’iconographie des tableaux de loge des systèmes français à hauts grades au XVIIIe siècle : contribution à l’étude de la tradition maçonnique » -, est un spécialiste connu et reconnu de l’iconographie maçonnique et de l’étude des tableaux de Loge. Déjà avec son Aux sources de l’Écossisme, le premier Tuileur illustré (XVIIIe siècle) – 80 Tableaux de loge et bijoux maçonniques (DERVY, 2019), il nous offrait un ouvrage rassemblant des connaissances indispensables au Maçon pour répondre aux questions posées en dévoilant et étudiant le plus ancien tuileur maçonnique manuscrit et aquarellé connu. Il en est de même avec son dernier opus.
Il est vrai que dès son entrée dans le Cabinet de la Réflexion, au moment de sa réception, le Franc-Maçon a noté un lien fort entre la symbolique de la science alchimique et, le début de la construction de son propre Temple personnel. Il va se découvrir alchimiste et plonger au fond de lui-même en se transformant intérieurement.
Dans le terme « Al-Kimia », le préfixe « Al » a le sens d’Être suprême ; étymologiquement donc, l’alchimie est la science divine, celle qui conduit l’homme de bonne volonté à éveiller en lui l’étincelle divine. L’alchimie représente donc une voie de mise en œuvre du potentiel spirituel.
Dans son avant-propos l’auteur tisse les liens entre Franc-Maçonnerie et Alchimie, qui n’est pas une société initiatique, mais constituent toujours une toile de fond du discours maçonnique délivré par certains grades du Rite Écossais Ancien et Accepté. Il nous précise, bien évidemment, que l’alchimie préexiste de plusieurs siècles à la Franc-Maçonnerie.
Dominique Jardin s’interroge sur les différentes formes et à quelle époque l’alchimie, dite spirituelle, est présente dans les grades maçonniques. Il décrit les matériaux qui ont servi de base à son étude : textes et iconographies alchimiques et rituels et tableaux de Loge maçonniques.
Ce livre est un véritable outil traitant des trois gardes bleus. L’auteur analyse, pour le grade d’Apprenti, le cabinet de réflexion, le dépouillement des métaux et le mot de passe tout en abordant les épreuves, la lumière re due au candidat ainsi que de la découverte du temple.
Le grade de Compagnon aborde à la fois la pierre brute et cubique, l’étoile et surtout un rituel peu connu celui dit « de Vilmorin » qui illustre parfaitement la manière dont les motifs alchimiques sont venus imprégner la cérémonie de passage au grade de Compagnon.
Quant à celui de Maître, étant donné la complexité des multiples facettes qu’il propose, l’auteur nous conduit à travers trois thèmes que sont la parole perdue, la mort de l’Architecte, sa tombe et la putréfaction ainsi que la sortie du tombeau, motif alchimique illustré par un ensemble de croquis issus du « Margarita Pretiosa Novella », soit « La précieuse nouvelle perle » (vers 1450 – 1480), l’un des six manuscrits complets connus d’un traité alchimique du XIVe siècle.
L’ouvrage, richement illustré, s’achève en proposant une ouverture vers les hauts grades, non sans avoir traité au préalable des rapports entre alchimie et Régime/Rite Écossais Rectifié et autres lectures de la légende d’Hiram…]