De notre confrère pointdevue.fr – Par Pierre Castel
Les Templiers et leurs prétendus mystères ont aiguisé la curiosité de nombreuses générations. Oubliant les vœux des « Pauvres Chevaliers du Christ », des cohortes de chercheurs de l’impossible se sont lancé sur la piste de leur improbable trésor sans jamais le découvrir.
Du palais du roi Salomon aux souterrains de Gisors, les histoires les plus folles gravitent autour du trésor des Templiers. Ce légendaire magot fascine depuis la mort de Jacques de Molay. Plusieurs pistes mèneraient à cette fortune colossale.
Les Templiers formaient un ordre militaro-religieux ayant pour mission de protéger les Lieux saints et les chrétiens désireux de se rendre à Jérusalem. Dépendants du pape Clément V et non du roi de France, ils sont quelque dix mille moines chevaliers pour servir cette cause.
Au fil du temps, l’institution deviendra l’une des plus riches d’Europe, et la première puissance militaire et financière d’Occident. En effet, l’ordre fonctionne comme une gigantesque banque. Les Templiers pratiquent l’usure –bien que l’Ancien Testament l’interdise. Ils inventent la lettre de change et prêtent de l’argent aux croisés, marchands, pèlerins, congrégations monastiques ou encore au clergé. Les chevaliers possèdent vingt mille commanderies dans le seul royaume de France.
Ainsi, l’ordre est opulent, mais les Templiers pauvres car ils ne dépensent presque rien des sommes qu’ils amassent. Philippe IV le Bel convoite cette fortune. Au terme d’un procès inique, il finira par s’emparer de ces commanderies et de leurs vastes domaines agricoles. Mais on prétend qu’une partie au moins de l’incommensurable trésor monétaire des Templiers reste introuvable. Où donc est-il caché?
L’incommensurable trésor des Templiers est-il caché au château de Gisors?
Suivons d’abord la piste du Vatican. Les archives secrètes de l’Église catholique recèlent un document dans lequel le templier Jean de Châlons relate que frère Gérard de Villiers, précepteur de France, aurait été averti de l’imminence de l’arrestation massive. Il se serait alors enfui avec cinquante chevaux et aurait pris la mer sur dix-huit galères.
Le visiteur de France, Hugues de Pairaud, aurait également fait disparaître une somme importante. Les Templiers étant gardiens
d’insignes reliques, on peut penser que des objets religieux ont été emportés puis cachés au moment de leur arrestation. Cette piste reste ouverte, mais le pactole se trouve possiblement au fond de l’eau…
Au début des années 1960, Gérard de Sède, baron de Lieoux, issu de la petite noblesse du Comminges, journaliste et auteur reconverti dans l’agriculture, engage un dénommé Roger Lhomoy comme jardinier. Ce dernier a été guide touristique au château de Gisors, en Normandie. Il prétend avoir découvert une salle secrète de 30 mètres sur 9, et d’une hauteur de 5 mètres, dissimulée dans le donjon.
De Sède, intéressé, s’y rend avec Lhomoy. Les deux hommes affirmeront ensuite –notamment au cours d’une émission de télévision– avoir vu dix-neuf sarcophages de pierre. L’information arrive aux oreilles d’André Malraux, alors ministre de la Culture, qui ordonne des fouilles dans le château. Malgré trois mois d’effort, les soldats du 5e régiment du génie de Rouen ne trouvent rien. Pas plus que les archéologues qui les avaient précédés.
Il n’y a aujourd’hui aucun rapport disponible, mais la mairie de Gisors est formelle: la motte féodale a été retournée à plusieurs reprises, et elle n’a jamais rien révélé. Pourtant, si trésor il devait y avoir, le lieu n’était pas mal choisi!
Au début du XIVe siècle, la forteresse est transformée en prison. Nombre de templiers y séjourneront, dont le propre grand maître, Jacques de Molay, Hugues de Pairaud et plusieurs précepteurs de l’ordre.
Cependant, le château de Gisors étant à l’époque la propriété du roi Philippe le Bel, on peut penser improbable que les Templiers y aient caché quoi que ce soit. Gérard de Sède en tirera toutefois un livre promis à un beau succès: Les Templiers sont parmi nous ou l’énigme de Gisors.
L’abbé Saunière a longtemps semé le doute sur l’origine de sa fortune
Dirigeons-nous vers le Languedoc, dans un petit village qui ne compte aujourd’hui qu’une soixantaine d’habitants, mais qui est pourtant très célèbre: Rennes-le-Château. En 1885, un prêtre du nom de Bérenger Saunière devient curé de la paroisse. L’église du village, qui remonte au VIIIe siècle, est délabrée.
À l’occasion de travaux de rénovation, l’abbé Saunière aurait découvert des parchemins, ainsi qu’un tombeau. Peu après, il se met à creuser dans le cimetière voisin et à fouiller l’église, nuit et jour. Dès lors, lui qui vivait plutôt dans la pauvreté commence à dépenser sans compter. Il restaure le sanctuaire selon ses goûts –un style baroque saint-sulpicien– et choque certains ecclésiastiques par ses extravagances. Il achète ensuite plusieurs terrains.
D’où lui vient sa fortune si rapidement acquise? Un fabuleux trésor expliquerait tout. L’évêque de Carcassonne s’intéresse à son cas et le soupçonne de trafic de messes.
L’historien Jean-Jacques Bedu a étudié les livres de comptes du prêtre. Il en ressort effectivement l’existence de ce coupable négoce, teinté de simonie. L’abbé Saunière aurait ainsi perçu des rémunérations pour cent mille messes en vingt-trois ans, soit vingt fois le nombre d’offices qu’il aurait pu célébrer! Finalement, Rennes-le-Château aboutit à une impasse…
Il serait judicieux de se rendre dans le Larzac pour mettre la main sur le trésor
Ne désespérons pas et rendons-nous maintenant en Champagne, à Payns. C’est dans ce village de l’Aube qu’un certain Bernard
Delacourt a eu la chance formidable de déterrer, en 1998, un lot de 708 pièces d’argent datant de la fin du XIe siècle. L’heureux “inventeur” en est certain: c’est le trésor de la commanderie templière.
Hugues de Payns, fondateur de l’ordre, en a été le premier maître, au début du XIIe siècle. Il était propriétaire du domaine de Payns. Sans correspondre à proprement parler au fantasmagorique trésor des Templiers, ces centaines de pièces rarissimes découvertes si longtemps après leur enfouissement laissent quelque espoir aux passionnés.
Mais pourquoi ne chercherait-on pas le trésor de Salomon? En effet, les Templiers avaient effectué des fouilles –eux aussi!– sous leur établissement à Jérusalem, à la recherche de fragments de textes bibliques. Certains auteurs murmurent qu’ils auraient découvert le fameux trésor du roi d’Israël. Bien sûr, l’histoire n’a jamais été avérée. Le trésor dort donc toujours.
Si l’on devait poursuivre les recherches aujourd’hui, il serait probablement judicieux de se rendre dans le Larzac. Sur ce haut plateau du Massif central, les Templiers se livraient à l’élevage des ovins sur une grande échelle. Leur commanderie de Sainte-Eulalie et ses annexes étaient extrêmement florissantes. Pourtant, au Larzac comme ailleurs, les explorateurs en herbe sont toujours revenus les mains vides!
La fortune des Templiers pourrait-elle se confondre avec le Saint-Graal?
La fortune des Templiers doit cependant se trouver quelque part, si l’on admet que Philippe IV n’a pas tout raflé! Outre les revenus de leurs domaines et commanderies, ils bénéficiaient de nombreuses donations et legs testamentaires. Avant de partir pour l’Orient, les croisés effectuaient également des dépôts auprès des chevaliers. D’aucuns arguent que leur trésor était surtout agraire. Ainsi, il ne serait pas question d’or ou d’argent, mais simplement de récoltes agricoles.
Les plus optimistes espèrent que le magot est encore à découvrir. Il pourrait s’agir du trésor des Wisigoths, ou encore de celui de saint Louis, grand-père de Philippe le Bel… pour peu qu’ils aient vraiment existé! Les amateurs de spiritualité pensent qu’il pourrait se confondre avec le Saint-Graal.
C’est le poète Chrétien de Troyes, initiateur de l’épopée arthurienne, qui le premier, évoque l’objet mythique, vers 1180, dans son roman Perceval. Il ne s’agit alors que d’un simple plat qui contiendrait une hostie conférant l’immortalité. Plus tard, le Graal prend la forme d’une pierre précieuse, puis celle, définitive, d’un calice divin ayant contenu le sang du Christ recueilli au pied de la croix.
Le XIIIe siècle, c’est aussi l’âge d’or des Templiers. On imagine qu’ils se soient emparés du vase sacré. Chargés de défendre le Saint-Sépulcre, n’aurait-il pas été de leur devoir de le protéger, envers et contre tout? Ou peut-être que, comme disait Cocteau, “un dragon veille sur nos trésors”?
Retrouvez aussi les premiers épisodes de notre saga sur les Templiers:
Pourquoi ne pas évoquer la chapelle de Rosslyn en écosse?
Il se dit que le trésor des Templiers pourrait se trouver sous sa dalle…