Le philosophe, romancier, nouvelliste et journaliste Albert Camus, âgé de 46 ans, perd la vie dans un accident de voiture, alors qu’il est accompagné de l’éditeur Michel Gallimard, qui survit à l’accident.
Particulièrement admiré des jeunes et des intellectuels, il avait reçu le prix Nobel de littérature en 1957.
Rappelons qu’Albert Camus (1913-1960) est influencé par son oncle, Gustave Acault qui fréquente les Loges maçonniques. Il effectue chez lui de longs séjours. On dit même qu’il l’initiera à la culture et éveilla sa conscience politique. En effet, boucher de métier, Gustave Acaut, anarchiste et aussi voltairien, est un homme cultivé. Il aide son neveu à subvenir à ses besoins et lui fournit une bibliothèque riche et éclectique.
Influencé aussi par ce hussard noir de la République que fut Louis Germain, son instituteur. C’est le 16 juin 1907 qu’il est initié au sein de la Loge « L’Union du Zaccar », à l’Orient de Miliana, en Algérie. Passé Compagnon le 24 juin 1908 puis élevé à la Maîtrise le 8 décembre 1908, Louis Germain est un membre actif de sa Respectable Loge jusqu’au début de la Première Guerre mondiale.
Albert Camus, un auteur qui a marqué l’histoire de la littérature…
Actualité d’Albert Camus
par Christian Roblin
Camus est typiquement un écrivain diachronique et ce à un double titre : au sens où c’est un écrivain qui traverse le temps mais aussi un écrivain qui puise son inspiration à toutes les époques et qui souhaite obstinément s’adresser à l’avenir, en répondant aux urgences de son temps.
C’était sans doute le vœu de Camus de se survivre et de conserver des lecteurs par-delà la mort, comme il en va de tous les grands écrivains sinon ils ne portent pas ce nom-là et, sous cet angle, sa lucidité, son courage, sa hauteur de vue, son sens du tragique et même de l’absurde – qui n’abolit en rien son exigence éthique, seul repère permettant de maintenir une conscience libre et responsable –, eh bien tout ce saisissement d’humanité lui confère une sorte d’actualité perpétuelle, qu’il a payée cher en son temps, notamment contre son frère ennemi en littérature, Jean-Paul Sartre qui le vouait aux gémonies, ce dernier ayant encensé, par exemple, un dictateur épouvantable et narcissique comme Mao-Zedong. Ce ne fut jamais le cas de Camus, cet écrivain laïc et fraternel, dont Yonnel Ghernaouti a opportunément rappelé l’environnement maçonnique, dans sa jeunesse.
Que nous apporte aujourd’hui le regard sur le monde de celui qui reçut à 44 ans, en 1957, le prix Nobel de littérature ?
Je crois, tout d’abord, qu’il nous invite à nous imprégner de notre propre culture, des valeurs que nous avons construites dans la douleur, à travers l’Histoire, de revisiter nos mythes fondateurs pour en faire une grille de lecture de nos réalités les plus signifiantes. C’est le contraire de la « cancel culture » qui interdit de parole les contradicteurs. Il partage avec le « wokisme » le souci d’un antiracisme fondamental et d’une volonté de vérité et de justice ; mais il s’en éloigne radicalement, si j’ose dire, par le fait qu’il s’adresse à tous, sans distinction, qu’il ne rejette personne et qu’il combat de plain-pied, en républicain, en démocrate, pour fabriquer chaque jour ensemble une société qui accueille nos différents visages, dans le respect de l’autre et l’espérance d’un partage.
C’est en cela sans doute que sa parole nous est précieuse aujourd’hui, qu’elle nous éduque à une modestie orgueilleuse, si je puis dire. Je forge cet oxymore pour indiquer que, comme simple citoyen, nous ne devons jamais rien lâcher de notre vigilance car c’est à ce seul prix que nous pourrons nous en sortir collectivement. Et on le voit aujourd’hui plus que jamais, par l’interdépendance de nos économies, par les tensions politiques, religieuses et culturelles qui continuent de s’exacerber à travers le monde, et plus encore face aux enjeux de survie que font peser sur nous les risques écologiques que l’on connaît. C’est pourquoi, je pense, qu’au-delà de l’enrichissement littéraire, philosophique et spirituel dont, par son talent, Albert Camus nous fait profiter, se frotter à son œuvre reste utile et formateur, dans une optique humaniste que, tantôt, le métissage, tantôt, la cohabitation des cultures rendent prioritaire voire primordiale.