A la lecture du petit livre des Contes des sages mathématiciens et astucieux, de Jean-Yves Vincent, Édition Seuil, il parait que l’affaire du cercle et du centre reste toujours d’actualité chez les mathématiciens comme chez les philosophes….
« Il était une fois deux sages mathématiciens qui voulaient savoir quel était celui des deux qui avait l’esprit le plus vif et le raisonnement le plus affûté. Pour trancher leur différend, ils avaient choisi comme témoins les plus émérites savants, venus de lointains pays, et ils s’étaient retrouvés, le lendemain à l’aube, pour un duel sur la verte prairie d’un tableau d’écolier.
Le premier mathématicien, mû par une subite inspiration, avait tracé de la pointe de la craie sur le tableau un cercle parfait, sur un chef-d’œuvre de circonvolution, réalisé d’une envolée de bras, un rond, “rond” ! Rond comme une lune pleine, comme un regard étonné, rond comme le monde ! Un mouvement circulaire parfait au caractère d’infini que les philosophes grecs n’auraient pas renié !
Les savants s’étaient aussitôt approchés pour observer la quintessence, lorsque l’autre mathématicien, les écartant de taille et d’estoc, avait piqué brusquement l’exact centre du cercle ! Comme cela, sans réfléchir, sans calculer, il avait désigné ainsi le point unique situé à égale distance de tous les autres points ! Le centre du monde, Dieu peut-être, brusquement marqué d’une touche de craie blanche. Les savants s’interrogeaient. L’affaire était délicate, depuis toujours le cercle avait intrigué !
- Le cercle est le père de toutes les formes qu’il entoure de sa rondeur, dit l’un.
- Pas de cercle sans centre, mais à quoi bon un centre s’il ne s’accomplit pas en tant que cercle, ajouta un troisième.
Les savants hésitaient : des deux mathématiciens lequel avait le plus de mérite ? Le premier qui avait tracé la noble figure, avec pour seule aide l’inspiration de la main, ou le second qui avait su désigner le “point” parmi les milliards d’autres ?
- Le premier est bien plus fort, conclut la moitié des savants, car pour tracer le cercle, il faut rester toujours à la même distance du milieu jusqu’à ce que la fin touche à son commencement ! Il faut donc avoir en tête, et le milieu et le rond dans son ensemble ! Le second n’a désigné qu’un seul point alors que l’autre en a trouvé une infinité !
- Oui, mais quel point ! – avait à son tour conclu l’autre moitié des savants. Celui qui trace le rond n’a, après tout, qu’à se laisser guider pas son geste. En revanche, celui qui cherche le centre doit à la fois prêter attention à ce qui l’entoure et choisir le point parmi la multitude. »
Alors du cercle ou du centre ? Que conclure ? Existe-t-il une suprématie de l’un sur l’autre ?
Au sein des nombreux congrès de mathématiciens, devant une pinte de bière bien fraiche, après les débats du jour, et de bonne humeur autour d’une table ronde, la question fait retour et rien n’est encore conclu !
Tout comme dans les cercles où « la mathématique c’est la philosophie », cette irritante problématique s’évoque régulièrement pour éviter sans doute le vide de la pensée et bien la prendre en tenaille ? De fait, déjà au moins vingt-quatre philosophes dans leur Livre mystérieux et du même nom « Le Livre des XXIV » ont dévoilé : « Dieu est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part », et c’est d’une telle puissance que notre imagination peut s’y perdre ! D’autres, fins observateurs de la vie des choses humaines, s’interrogent de manière nouvelle et se demandent si la société n’aurait pas remplacé Dieu par l’homme qui fait graviter l’humanité autour de soi…
Assurément, cercle et centre s’en vont ensemble. Immuablement, ils provoquent toujours autant de tirades « maboulesques » !
Point accordé à la sage et érudite Solange Sudarskis !
Il n’y a pas de cercle sans un centre à partir duquel la force de Pi maintient ses points sur la courbe parfaite. le tracé à main, aussi parfait soit-il, mentalise forcément ce centre. à partir de ce même centre, il y a une infinité de cercles possible à tracer. Victoire du point pour moi !