Le verbe *uti n’a pas d’étymologie connue ni de champ sémantique hors du domaine strictement latin. Il définit tout ce qui relève de l’usage, de l’emploi, de la possession. Ce dont on jouit, par usufruit, qu’on a à sa portée, qui s’avère utile, usuel, peut-être inusable.
Ainsi une société élabore-t-elle un ensemble de comportements qui forment son ciment collectif, ses us et coutumes.
Chacun en usera parfois jusqu’à l’abus, en les détournant de leur usage, en déflorant abusivement leur valeur initiale.
Abus de biens sociaux, langage dont on mésuse. Comment, dès lors, ne pas être désabusé, parce qu’on se voit revenu de toutes les illusions dont on s’était fortifié ? L’idéal est au bord de l’usure, dans la sensation amère d’une usurpation, comme si on s’était fait avoir par les mirages d’un usurier.
*Usitilium, outil, outillage, ustensile.
La Franc-Maçonnerie, qui se veut opérative par héritage des chevaleries et spéculative par son évolution symbolique, use d’un arsenal d’outils matériels et conceptuels, à manier et à commenter, parfois jusqu’à l’abus des images ainsi ressassées. Maillets de pouvoir et d’autorité, ciseau de tailleur de pierre, équerre, compas, levier et règle de bâtisseurs architectes, épées de sauvegarde défensive et flamboyante.
Il reste à s’interroger sur l’utilisation métaphorique de tels outils. Dépassent-ils toujours le consensus un peu naïf, ésotérique, mais si rassurant, d’un jeu rituel qui se nourrit de métaphores revendiquées comme universelles ?
La cathédrale ou le tournoi maçonniques résisteraient-ils à n’importe quel assaut, définitivement inusables ?
Utile, inutile, il ne s’en faut parfois que d’une syllabe… Seule l’utopie résiste à l’usure. Peut-être…
Annick DROGOU