jeu 25 avril 2024 - 23:04

Liberté, égalité, SE-CU-RI-TE (2)

L’obsession de la sécurité peut amener à des absurdités, et l’excès de précautions se révèle trop souvent contre-productif, surtout quand on n’est pas certain de la loyauté des agents de ladite sécurité.

J’étais en Loge hier soir, et notre président nous a lu et relu les différentes directives de la fédération relatives à la sécurité. On a retrouvé les antiennes de la sécurité sanitaire (test négatif, certificat de vaccination à présenter et tout ce genre de fadaises). Il nous a aussi été rappelé quelques règles de sécurité, dont l’origine remonte à la fondation de la Franc-maçonnerie. Il faut savoir qu’au XVIIIe siècle, les Loges maçonniques de l’Ordre naissant se réunissaient où elles pouvaient, généralement dans des arrières-salles d’auberges, des entrepôts ou dans des caves de demeures louées sous des faux noms. C’est ainsi que des rituels du XVIIIe siècle avaient des instructions telles que « Frère Tuileur, veillez à la garde extérieure du Temple, vous en répondrez ». Aucun symbolisme dans cette injonction, mais un ordre véritable correspondant à une réalité : l’obligation d’être prudent face à un ennemi potentiel. Pour cette même raison, le Frère Couvreur est armé d’une épée pour prévenir toute intrusion, et veille à la sécurité de l’extérieur. Et un autre officier veille à la garde intérieure du Temple, le Frère Expert, qui porte une épée lui aussi. Le Frère Expert doit tuiler les visiteurs, en leur demandant les mots de semestre et signes de reconnaissance du grade afin de vérifier l’identité desdits visiteurs. Grande responsabilité, donc. Mais que de moins en moins de Frères ou Soeurs veulent appliquer, par ignorance, peur ou paresse, je ne sais pas. En attendant, l’air du temps est de se préoccuper de sécurité, et de sous-traiter cette sécurité à des sociétés spécialisées, autrement dit des mercenaires. Cette dérive existe aussi dans le monde profane. Essayez d’aller visiter un musée ou de vous rendre au théâtre, vous m’en direz des nouvelles. Et vas-y que je te fouille le sac, que je te scanne au détecteur de métaux et que je te fais une fouille au corps. Pareil à l’entrée de certains temples : on est accueilli comme un criminel potentiel.

Si les professionnels de la culture et du divertissement sont si contents de nous retrouver à en juger par les slogans que je lis à droite et à gauche, est-ce pertinent d’organiser l’accueil dans les musées et les théâtres avec des gorilles, cerbères, bouledogues et autres kapos incapables de s’exprimer autrement qu’en aboyant ou beuglant ?

En tout cas, bravo la fraternité, un vrai plaisir que d’être reçu en Loge comme à l’entrée des Baumettes ou de Fleury-Mérogis. A croire que l’Autre, le Frère est forcément un ennemi. Parlez-moi sans rire de concorde ou de fraternité universelle !

Note pour les militant.e.s intersectionnel.le.s, bien pensant.e.s mal comprenant.e.s et autres pleurnicheur.se.s, il s’agit ici de termes d’argot des années 50 servant à exprimer mon mépris de comportements déviants et antisociaux.

Dans le monde profane, quelle que soit la circonstance, c’est particulièrement agaçant que de devoir se soumettre à des contrôles et vérifications par des individus dont on ne sait rien et dont on peut douter de la moralité (sans compter l’inutilité des contrôles : des objets épars et anodins correctement assemblés peuvent se révéler être des armes redoutables. D’ailleurs, vous avez toujours votre flacon de gel hydroalcoolique sur vous? Bravo, vous détenez une redoutable et dangereuse arme par destination).

De la même manière, avec le passeport sanitaire que nous nous laissons imposer, nous allons exposer des données médicales, donc réellement secrètes à des individus qui n’ont en aucun cas la qualification pour lire ces données. J’y inclus nos Frères Tuileurs, Couvreurs et Experts, qui agissent certainement en toute bonne foi. Et visiblement, ça ne choque personne que d’être forcé à dévoiler ses informations médicales ou le contenu de ses affaires personnelles…

Après, je ne demande pas non plus le tapis rouge, les vahinés et les colliers de fleurs. Juste à aller à mon bureau, faire mes démarches en mairie, magasiner ou aller au théâtre ou au concert sans que des nervis antipathiques se permettent de fouiller mes poches ou ma sacoche professionnelle. Combien de salles prestigieuses ont ainsi perdu leur cachet et ont désormais l’air de discothèques espagnoles louches ? Personnellement, je préférerais que les théâtres et musées paient leurs ouvreuses ou guides plutôt que des sbires patibulaires et antipathiques (et pas toujours efficaces).

J’en arrive maintenant au fait particulièrement gênant : à l’entrée de certaines obédiences, les vigiles sont des profanes (la question se pose depuis des années, mais n’a pas été résolue à ma connaissance). Autrement dit, nous sommes forcés de donner nos mots de passe et informations maçonniques (incluant les plans d’accès et d’intervention) à des profanes, dont nous ne nous sommes sûrs ni de la loyauté, ni de l’intégrité. Comme leur loyauté ira au plus offrant, peut-on être sûr que les employés d’hier ne seront pas les ennemis de demain ? Car ces gens ne sont au final que des mercenaires, ou la déclinaison moderne des spadassins de la Renaissance. A quel condottiere monnaieront-ils ce qu’ils savent sur nous ?

Les plus optimistes me rétorqueront qu’il existe des règles de déontologie voire d’éthique professionnelle. Et là, je rirai jaune. La pléthore de sociétés de sécurité née après le passage dans le droit commun de lois d’exception (ce qui est un lamentable aveu d’échec et d’incompétence) est impossible à contrôler. Plus grave, un rapport parlementaire s’inquiète de voir d’anciens délinquants ou petites frappes devenus des professionnels de la sécurité. Exagération ? Non. Et les exemples ne manquent malheureusement pas.

Par exemple, en mai 2018, un individu au passé et aux fréquentations louches, contractuel de la fonction publique à un poste lié à la sécurité s’est fait passer pour un policier et a passé à tabac des personnes à Paris. La suite est connue.

Autre exemple : un chantier connaissait d’importantes dégradations chaque soir, jusqu’au jour où des individus se sont présentés comme professionnels de la sécurité. Ils promettaient que s’ils étaient embauchés, les problèmes cesseraient. Et c’est ce qui se passa : les dégradations cessèrent du jour au lendemain. Racket ou efficacité ? Mystère…

Ceux qui se souviennent du film 11.6 avec François Cluzet se rappelleront de l’affaire Musulin, qui vit un convoyeur de fonds (employé d’une société privée) détourner plusieurs millions d’Euros.

Dans le même ordre idée, il y a quelques années, un EPIC lié à l’État aurait été victime d’un détournement de fonds perpétré par sa société de gardiennage. La communication de cet EPIC et de son administration étant verrouillées, impossible d’en savoir plus pour le moment. En attendant, ce sont les agents de cet EPIC qui subissent des fouilles et brimades diverses, bien que l’enquête les ait blanchis.

Et le meilleur pour la fin, l’affaire de la Loge l’Athanor, dont un des membres, professionnel de la sécurité avait monté une officine de tueurs à gage.

D’où une question qui me taraude : peut-on être en sécurité avec des professionnels de la sécurité ?

En ce qui me concerne, si un professionnel de la sécurité frappe à la porte de ma Loge, j’espère que les enquêtes seront bien menées. Pour ce faire, je me permets de vous recommander l’ouvrage de Franck Fouqueray, Enquêtes maçonniques, comment les réussir. Le milieu est tellement louche que la prudence et la sécurité doivent être de mise avec ce genre de candidats.

Je vous embrasse.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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