Savoir mourir comme Moïse devant la Terre promise, en sachant que l’important n’est pas tant d’y entrer que d’avoir marché vers elle avec un peuple à qui elle est destinée.
Voyager : «aller vers», c’est s’orienter dans un mouvement, c’est faire prévaloir le sens – celui de la direction ou celui des significations.
La promesse faite pour cette Terre, c’est le sens d’un monde-à-l’autre dédié. C’est une destination éthique pour que l’homme puisse s’y accomplir. Temple idéal ou terre promise ne découvrent leur lieu qu’en marchant sur les traces de cette poussière prise sur toute le terre, et dont fut constitué le corps de l’homme originel.
Les noms des voyages sont les noms propres des visages qui nous font face. Leurs présences nous obligent au mouvement de l’être vers l’être-pour-autrui ; de l’ontologique vers l’éthique. Le départ est sans retour, spirale et non cercle pour dire oui à l’existence de l’autre qui, toujours, est devant et non derrière (comme le croyait l’amour d’Orphée pour Eurydice).
Voyager, c’est se déplacer du même vers l’autre pour répondre à l’appel d’une terre aux sonorités sans limites, dans l’urgence d’œuvrer pour l’équité, dans le oui au lointain et au proche.
Lekh lekha[1] dit D. à Avram, ce qui signifie : va vers toi. Entre le départ et l’arrivée, entre l’initiation et l’accomplissement, le désert, l’océan, le chemin, des solitudes, des épreuves et le voyageur se transforme en pèlerin et l’errance devient traversée du monde orientée de soi vers l’autre, traversée de miroirs, qui menée à bien ouvre à l’itinérant l’accès de toutes les portes basses. Par le passage par cet entre-deux, il peut alors se faire connaître comme le fils de la veuve, de la putréfaction, de D. , de l’Univers ; fils de …, comme un esprit sorti de la confusion.
«Dire le Graal est vain», écrit Wagner, «vers lui ne s’ouvre aucun sentier et nul ne peut trouver la route qu’il n’ait lui-même dirigé son chemin. Tu vois mon fils, ici, le temps devient espace[2].»
NB. Le tableau est de Ratna : ratna.fr/esprit-de-famille/oeuvre/la-traversee-du-miroir
[1] C’est un datif éthique. ( ךָ לְ – ךְ לֶ), Gen., 12,1.
[2] Gurnemanz, chevalier du Graal, acte 1, Parcifal