mar 03 décembre 2024 - 18:12

Billet d’humour

Sans origine antique clairement reconnue, ce mot se trouve conjointement dans le champ sémantique du grec *hygros et du latin *humere (*hug-s-mere), qui désignent ainsi ce qui est humide.

Les Grecs inventent l’hygrométrie. Le latin humecte.*humor, c’est le liquide en général. La médecine hippocratique repose sur les quatre humeurs, en miroir des quatre éléments, la bile et le feu, le sang et l’air, le phlegme ou pituite et l’eau, la bile noire ou atrabile et la terre. Leur équilibre relatif détermine l’état physique et mental, par leur déséquilibre on tanguera entre mélancolie ou joie expansive, sérénité ou nervosité, etc.

Les Anglais, passés maîtres dans ce domaine, parlent d’« humour », une gaieté d’imagination née de la disposition du sang, donc de l’esprit. Ces excentriques « humours », dès le 17e siècle, développent la lucidité du rire pour dénoncer travers et hypocrisies. Tout en subtilité décapante parce que décalée.

Le français adopte l’humoriste, en le confondant souvent à tort et à excès avec le rire rabelaisien, l’« esprit » voltairien, les jeux de mots ou de situation.

L’humour est à rebours de la normalité, du sérieux plein de componction. Pour exorciser le réel par l’insolite du regard. « Un excès de sérieux », plaisante Tristan Bernard.

Incontournable et nécessaire en Maçonnerie ! Le pas du Compagnon en est l’amorce évidente. Non par dérision gratuite, mais avec le clin d’oeil en coin porté sur un rituel d’autant plus vécu de l’intérieur qu’on en mesure ainsi la force théâtrale et qu’on s’en fait complice.

« Il promenait son humour en laisse tout autour de sa vie », avec Jules Renard ne pourrions-nous promener notre humour rituel tout autour de nos temples ?

Annick DROGOU

“L’humour, c’est le nom laïc de l’humilité“, a écrit un auteur anonyme. L’humour ouvre un espace de liberté qui vient à bout de toutes les affirmations péremptoires et trop souvent vaniteuses. En cela, l’humour est aussi le petit frère du symbole. Comme lui, il nous interdit les mots qui enferment dans des concepts et les définitions qui verrouillent toutes les réponses. Que de sagesse dans un trait d’humour, une saillie drolatique qui déboulonne nos fausses certitudes.

Clin d’œil de l’histoire, le mot même d’humour nous revient d’Albion, comme la Franc-maçonnerie. Dans son aller-et-retour Transmanche, l’humeur est devenue “humour“, voulant traduire et signifier l’humeur joyeuse et la capacité de l’homme à être enjoué.

L’humour est donc d’humeur. Bonne ou mauvaise ? Assurément, pour rester fraternel, il sera nécessairement de bonne humeur. En cela, l’humour ne devrait pas oublier l’humilité. Si dérision il y a, elle ne pourra être qu’auto-dérision. Hélas, rien de tel chez celui qui manie l’ironie qui blesse, qui trouve sa satisfaction dans un mot d’esprit assassin. Même dans la caricature, la liberté d’expression ne peut faire fi de liberté de conscience.

Les mots ont une puissance atomique et on ne peut pas faire n’importe quoi pour un bon mot. Même dans cette rubrique.

Jean DUMONTEIL

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Annick Drogou
Annick Drogou
- études de Langues Anciennes, agrégation de Grammaire incluse. - professeur, surtout de Grec. - goût immodéré pour les mots. - curiosité inassouvie pour tous les savoirs. - écritures variées, Grammaire, sectes, Croqueurs de pommes, ateliers d’écriture, théâtre, poésie en lien avec la peinture et la sculpture. - beaucoup d’articles et quelques livres publiés. - vingt-trois années de Maçonnerie au Droit Humain. - une inaptitude incurable pour le conformisme.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES