jeu 31 octobre 2024 - 09:10

Pourquoi il faut commémorer la Commune

Les forces conservatrices et les forces émancipatrices s’affronteront toujours, que ce soit à l’échelle de la société ou à l’échelle de l’individu (et là, je vous ramène à mon vieil ami Freud : la pulsion de mort toujours en guerre contre la pulsion de vie).

En ces temps incertains, il est difficile de trouver des repères, ou à défaut, des occasions de communier. On parle du bicentenaire de la mort de Napoléon, mais avec le confinement et les restrictions diverses, je crains que les cérémonies ne soient quelque peu ajournées (sauf les grand hommages nationaux). De la même manière, il était question, encore que celle-ci fasse polémique, de commémorer la Commune de Paris, cette célèbre insurrection de 1871 qui suivit la capture de l’empereur Napoléon III par les prussiens et les troubles politiques associés.

En fait, la Commune est assez peu enseignée dans les « petites classes » du collège et du lycée, le programme d’histoire se cantonnant au fameux « roman national », celui qui met notre pays à l’honneur mais qui en omet les aspects les moins glorieux. Ainsi, la Commune est assez peu évoquée dans le programme d’histoire-géographie du secondaire. Il s’agit en effet d’un épisode de quelques mois, mais qui pourtant a un impact fort. D’ailleurs, les Francs-maçons y ont joué un rôle important. Je vous invite à lire à ce sujet l’excellent ouvrage de l’historien André Combes, Commune de Paris-La Franc-maçonnerie déchirée.

Mais cette fameuse Commune, qu’était-elle donc ? Sans rentrer dans les détails, elle était le résultat d’un mouvement populaire ayant chassé le pouvoir en place et le gouvernement provisoire suite à la défaite de Sedan et au siège de Paris par les prussiens. Notons que la Commune n’a d’ailleurs pas eu lieu qu’à Paris. D’autres grandes villes comme Nancy ou Lyon ont vécu leur Commune, avec la sanglante répression qui s’ensuivit… Pour ceux qui connaîtraient mal ce puissant épisode de l’histoire de France, je vous recommande l’excellent film de Raphaël Meyssan, diffusé sur Arte, les Damnés de la Commune. Si le format long-métrage vous rebute, vous pouvez aussi visionner le moyen métrage de Benjamin Brillaud (de la chaîne Nota Bene), La Commune de Paris – 1871. Et bien sûr, n’oublions pas le webinaire de la Grande Loge de France qui s’est tenu le 29 avril dernier pour les 150 ans de la marche des Francs-maçons. J’y reviendrai.

Je pense qu’il y a deux leçons à tirer de la Commune. La première est qu’une société plus juste, qui protège les plus faibles, où les hommes et les femmes sont égaux (même en salaire) et les politiques soumis à un mandat impératif (pour les énarques et autres ignorants : une personne dépositaire d’un mandat impératif doit accomplir le programme pour lequel elle a été élue, sous peine de révocation) est possible. Par les temps qui courent, on comprend que nos chers élus aient peur de cette disposition, qu’on tend à oublier dans l’éducation civique…

La deuxième, c’est que les forces contraires, celles du maintien de l’ordre social en vigueur se ligueront toujours contre la République sociale. Les Versaillais ont gagné en 1871, et leurs descendants, la pseudo-élite financière et leurs valets politiques font tout pour maintenir l’ordre social qu’ils ont toujours connu. Et ce phénomène existe, mais au niveau mondial. Avant de me faire traiter de marxiste pessimiste, je vous rappelle ces mots du milliardaire Warren Buffet en 2005 : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner ». C’est un fait : les forces conservatrices et les forces émancipatrices s’affronteront toujours, que ce soit à l’échelle de la société ou à l’échelle de l’individu (et là, je vous ramène à mon vieil ami Freud : la pulsion de mort toujours en guerre contre la pulsion de vie).

Nos prédécesseurs Francs-maçons ont aussi joué un rôle dans la Commune : les Loges (contre l’avis des Obédiences) organisèrent un événement, le défilé du 29 avril 1871, durant lequel ils arpentèrent Paris, pour enfin planter leurs bannières à Courbevoie. Les Loges marquèrent ainsi leur soutien à la Commune, face aux Versaillais, et ce, contre l’avis des Obédiences de l’époque. Il faut dire que les valeurs de la Commune de Paris sont très proches des valeurs humanistes que nous défendons (ou plus précisément, nous prétendons défendre).

Parallèlement à la commémoration de la Commune s’est tenue en plus grande pompe celle de la mort de Napoléon. Ah, l’épopée napoléonienne, la toute-puissance de l’État centralisé, la codification du droit via le Code Civil, la militarisation de la société, mais aussi les millions de morts, les guerres à répétition, le mépris du peuple et des corps intermédiaires, le rétablissement de l’esclavage (pourtant aboli par les régimes issus de la Révolution) et bien évidemment, son acte fondateur, le 18 Brumaire ! Dans le fond, il s’agit bien du même phénomène de forces conservatrices contre forces émancipatrices… Au fond, Napoléon et la Commune ? Mêmes combats !

En ces temps de désespoir, et de durcissement de nos sociétés, il me paraît important de rêver à la possibilité d’un autre monde, qui corresponde plus à nos volontés d’émancipation et nos désirs de liberté. Alors que le politique commence à décider de ce qu’il est juste de rêver ou pas (cf. la brillante sortie en conseil municipal à Poitiers d’une femme politique élue : « l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui »), alors que des puritains indignés se croient fondés à déterminer une vision politique de l’histoire (souvent fausse, d’ailleurs) au point de vouloir l’annihiler, plus que jamais il est important de se dire qu’un monde proche de nos idéaux humanistes, un monde plus juste a été possible. Et comme l’enseignement de l’histoire peut inciter à rêver, plus que jamais, rêvons de ce monde plus juste, pour en faire un jour une réalité.

Vive la Commune, vive la Sociale !

Je vous embrasse.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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