jeu 31 octobre 2024 - 09:10

De l’antisémitisme

J’étais en Loge hier soir et en raison de l’actualité, nous avons évoqué cette difficile question qu’est l’antisémitisme. Nous assistons à une hausse des actes antisémites, hausse catalysée à l’occasion des débordements de violence des gilets jaunes. Tags antisémites par-ci, insultes par là, bref, rien de très glorieux et malheureusement, de bien nouveau depuis 2 000 ans.

Je vois régulièrement des autocollants négationnistes, ou d’autres accusant l’état d’Israël d’exactions dignes des SS envers le peuple palestinien. Les uns sont d’affreux terroristes, les autres sont des victimes en droit de se défendre légitimement, selon le point de vue…

En fait, il y a un processus d’identification dans le monde entier au peuple palestinien, désigné comme oppressé ou terroriste, selon le point de vue et le peuple israëlien, présenté comme tortionnaire ou victime, toujours selon le point de vue. J’ai déjà vu des gens, parfois des Frères se fâcher à propos de ces questions. Ce qui m’amène à la vraie question : quel est l’intérêt dans le monde entier de s’identifier, de s’indigner ou d’en venir aux mains pour un conflit local, dans un pays de dimension comparable à la région Rhône-Alpes ou à la Corse ? J’avoue que cette identification me laisse très perplexe, d’autant plus que des conflits similaires se déroulent dans notre vieille Europe, à une heure de train de Paris. Qui dans le monde s’indigne du conflit larvé entre Wallons et Flamands en Belgique ? Qui s’indigne du fait que des petits francophones sont sanctionnés dans leur école parce qu’ils parlent leur langue naturelle ? Qui s’est indigné en 1967 du Wallen Buiten à Louvain ? Et qui pour s’indigner des bagarres et passages à tabac réguliers ou des actions ségrégatives d’un côté comme de l’autre ?

Pour les plus jeunes, en 1967, les étudiants flamands de Louvain ont bouté violemment les étudiants wallons hors de l’université, étudiants pour lesquels a été créée en urgence l’université de Louvain-la-neuve. Deux peuples qui s’affrontent, éprouvant de la haine l’un pour l’autre pour prendre le contrôle d’un territoire aux dimensions somme toute dérisoire. Ce faisant, personne en France ne s’en indigne ou ne tague des slogans antibelges… Donc, si la guerre civile larvée en Belgique n’intéresse personne alors qu’elle ressemble beaucoup au conflit israelo-palestinien, pourquoi nous indignons-nous de ce qui se passe à 6 000 km, alors que nous ignorons tout de ce qui se passe à nos frontières ?

Un grand principe stoïcien, écrit durant l’Antiquité par un certain Epictète, nous dit de différencier ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous d’une part, et de ne pas nous préoccuper de ce qui ne dépend pas de nous. Ainsi, perdre du temps et de l’énergie à s’indigner ou s’identifier à un conflit qui ne nous concerne en rien relève d’une forme de bêtise profonde. Certes, on peut s’intéresser à la question, et se construire un point de vue critique sur la politique des uns et des autres, mais en dépassionnant le débat. Nous n’en sommes pas à construire un régime avec un état d’urgence au détriment de nos droits, encore que les changement législatifs récents rognent quelques principes fondamentaux, comme la présomption d’innocence, ou la prééminence de l’exécutif sur le judiciaire.

Le politique et le religieux ont toujours été et seront toujours sources de conflits. C’est pour ces raisons que depuis sa fondation, la Franc-maçonnerie s’interdit toute controverse politique ou religieuse. L’idée étant de travailler sur ce qui rassemble et non ce qui sépare. Ou encore « bâtir des ponts plutôt que des murs entre les hommes ». Néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de garder une certaine vigilance : antisémitisme et antimaçonnisme sont deux mécanismes de haine subtilement intriqués, et les mouvements intégristes, quels qu’ils soient dirigent toujours leur haine et le ressentiment de leurs ouailles vers (dans le désordres) : les juifs, les francs-maçons et les homosexuels.

A ce propos, je m’inquiète du tournant politique que prennent les réponses à ces violences. Bien que nous disposions d’un arsenal judiciaire et juridique suffisant (je me base sur une chronique rédigée par l’avocat Emmanuel Pierrat), nos députés risquent de devoir voter une loi réprimant l’antisionisme. Alors que sont le sionisme et l’antisionisme ? Question complexe, qui doit être laissée aux spécialistes. Toutefois, il y a avec le sionisme une question politique et je crains que cette éventuelle nouvelle loi n’établisse une espèce de délit d’opinion. Je crains en effet qu’on ne puisse plus porter un regard critique sur la politique de l’état d’Israël sous peine de sanction. Et là, il y aurait une véritable raison de s’indigner.

J’ai dit.

2 Commentaires

  1. Non, non et non! Le sionisme est un courant politique a tendance colonialiste qui prétend, entre autres, que la terre de Palestine était “une terre sans peuple pour un peuple sans terre”. L’anti-sionisme est la critique de ce mouvement politique et à défaut la critique de la politique de l’état d’Israël qui se situe aujourd’hui à l’extrême droite. Beaucoup de juifs et d’Israéliens sont anti-sionistes. Beaucoup de non-juifs sont sionistes, il n’y a qu’à voir certains mouvements chrétiens étatsuniens par exemple.
    Le fait que Israël soit un état accepté par la majorité des “Etats démocratiques”, ne rend pas sa politique (intérieure ou extérieure) meilleure. N’oublions pas que l’état d’Israël a ignoré toutes les résolutions des Nations unis la concernant, ce qui en dit long sur sa volonté d’intégration et le respect qu’elle voue aux autres nations. D’ailleurs un état digne de ce nom a des frontières qui sont définies – pas Israël qui n’a pas absolument pas défini ses frontières. Il y a une littérature intensive à ce sujet, souvent écrit par des juifs, que je te conseille fraternellement de lire.

    Concernant le sémitisme et donc l’anti-sémitisme. Même si je comprends le défaut de language qui veut que anti-sémitisme soit synonyme de judéo-phobie, les mots ont un sens et respecter ce sens est, à mon avis, primordial. Le mot lui-même date du XVIIIe et était utilisé pour désigner une famille de langues dont le hébreux fait partie, mais aussi l’arabe, l’araméen, l’éthiopien, etc… les ethnies qui parlent ces langues ont été appelés “sémites”. Techniquement ce sont les hébreux qui sont sémites et non les juifs. Tous les juifs chinois seront d’accord…

  2. Je ne comprends pas l’indulgence qui transparaît dans ton article vis à vis de l’antisionisme. L’antisionisme n’a rien à voir avec les critiques que l’on peut faire sur le respect ou non des droits de l’être humain en Israël ! L’antisionisme se caractérise par la non acceptation de la création de l’Etat d’Israël! Or Israël est aujourd’hui un état reconnu par la majorité des états démocratiques. L’antisionisme est condamnable par ce seul fait qu’il constitue un refus d’accepter l’existence d’Israël.
    Par ailleurs, il apparaît clairement que l’antisionisme est une forme déguisée de l’antisémitisme !
    Pour toutes ces raisons l’antisionisme est condamnable et ne peut être toléré par des esprits épris de Paix et de tolérance.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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