Il est de ces Frères dont le parcours semble dessiné à la règle et au compas, entre rigueur de l’historien et ferveur de l’initié. Depuis le 1er juillet 2025, le musée de la franc-maçonnerie, musée de France depuis 2003, niché au cœur de l’Hôtel du Grand Orient de France, au 16 rue Cadet, à Paris dans le 9e arrondissement, accueille son nouveau conservateur : Laurent Segalini, qui succède avec humilité et enthousiasme à l’illustre Pierre Mollier.


Sa légitimité repose avant tout sur un parcours singulier, mêlant rigueur savante et engagement initiatique.
Âgé de 47 ans, Laurent Segalini est membre depuis près de vingt ans du Grand Orient de France, plus ancienne et plus importante Obédience maçonnique d’Europe continentale. Son itinéraire intellectuel et spirituel s’inscrit dans la durée, comme une patiente gravure dans la pierre vive. Docteur en anthropologie historique, il a soutenu en 2008 une thèse consacrée à l’univers inca à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne. Historien des marges et des symboles, passionné par les rites opératifs, il explore aussi bien la préhistoire que les seuils du monde moderne, du XVIe au XVIIIe siècle. S’il poursuit sa formation pour acquérir le statut de conservateur du patrimoine, nous lui souhaitons bonne chance ! Ce qui, dans son cas, en raison de la richesse de son parcours, ne nous paraît nullement nécessaire…

Avant de veiller sur les colonnes du musée, il fut historien privé, traducteur de l’espagnol et du portugais brésilien, mais surtout employé chez DETRAD, en qualité de libraire depuis 2018. Il y œuvrait déjà au service de la diffusion d’une culture maçonnique exigeante et éclairée.
DETRAD, maison emblématique fondée en 1980, est bien plus qu’un simple éditeur ou fabricant de décors : c’est un atelier du Verbe et de la Forme, un creuset où s’élaborent livres, bijoux, tabliers et symboles destinés à accompagner les Frères et les Sœurs sur le chemin de l’initiation. C’est là que Laurent Segalini a poursuivi son compagnonnage intellectuel, dans la poussière des pages et la clarté des pensées.

Son engagement dans l’univers des idées se manifeste également dans son rôle de co-secrétaire de rédaction, aux côtés de Didier Ozil, Grand Maître Général de l’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal (OITAR) de 2013 à 2015, de la revue Le maillon de la Chaîne maçonnique, publication interobédientielle fondée en 1983. Cette revue, nominée au Prix littéraire de l’Institut Maçonnique de France (IMF) en 2019 dans la catégorie « revue », incarne une Loge d’encre et de papier, intemporelle et universelle, où la parole circule librement entre anonymes et figures reconnues, entre apprentis et maîtres. À travers elle, Laurent Segalini contribue à faire résonner les multiples voix de notre paysage maçonnique contemporain.

Son itinéraire intérieur, quant à lui, s’ancre dans une jeunesse marquée par la lecture de Fulcanelli, à l’âge de 17 ans. Depuis, la quête alchimique et l’hermétisme nourrissent sa démarche, à la manière d’un feu secret qui éclaire le tracé de son existence. Il entre en Franc-Maçonnerie après une longue maturation, guidé par des rencontres lumineuses avec des Frères du Grand Orient de France. Sous le nom de plume « Jean Viride », pseudonyme qu’il dévoile lui-même, il publie des travaux érudits sur les traditions opératives et la symbolique hermétique, où la lettre devient chair, et le symbole, chemin de transmutation.

Chercheur associé au CNRS, dans l’unité « Archéologie des Amériques », il a rejoint le musée en qualité de chargé des collections, collaborant étroitement avec Pierre Mollier autour d’un tableau alchimique du XVIIIe siècle. C’est dans cette lignée, à la fois savante et sensible, qu’il entend inscrire son action.

Le musée de la franc-maçonnerie n’est pas seulement un espace d’exposition ; il est un Temple ouvert aux profanes, une clef tendue vers l’intelligence Des rites, un lieu de pédagogie, de transmission et de rencontre. Laurent Segalini souhaite en faire un véritable outil éducatif au service du public, un espace de formation pour les Frères, et un centre de recherche vivifiant, à travers colloques, publications, partenariats scientifiques.

Son intérêt anthropologique pour les sources rituelles vivantes l’a déjà conduit à concevoir l’exposition Initiations forestières, exploration poétique et symbolique des rituels liés à la nature. C’est dans cette veine féconde qu’il entend poursuivre son œuvre, fidèle à l’esprit d’ouverture de son prédécesseur, et habité par une même exigence de vérité.
En lui, l’historien, l’hermétiste et le Maçon ne font qu’un. Il est un passeur, un veilleur du seuil, un serviteur discret mais éclairé d’un héritage qu’il convient de faire vivre, non de sanctuariser.
À travers son engagement, c’est tout un pan de la mémoire maçonnique qui continue de vibrer, entre archives et avenir, entre symbole et savoir.
