Du site officiel de la granloggia.it

Le 21 avril 2025, le monde a appris avec émotion la disparition du pape François, né Jorge Mario Bergoglio, à l’âge de 88 ans, dans sa résidence de Santa Marta au Vatican. Quelques heures après avoir béni les fidèles lors de la messe de Pâques, il a succombé à un ictus, aggravé par une pneumonie bilatérale qui l’avait affaibli ces dernières semaines. La Grande Loge d’Italie des Anciens, Libres et Acceptés Maçons (GLI-ALAM), une des principales obédiences maçonniques italiennes, s’est associée au deuil universel dans un communiqué signé par son Grand Maître, Luciano Romoli, le 22 avril 2025.

Cet hommage, publié sur le site officiel de la GLI-ALAM, célèbre un pasteur qui, par son magistère et sa vie, a incarné des valeurs chères à la franc-maçonnerie : la fraternité, l’humilité et la quête d’un humanisme planétaire. Cet article revient sur cet hommage, explore les convergences entre l’héritage de François et les principes maçonniques, et réfléchit à l’actualité de son message dans un monde en crise.
Jorge Mario Bergoglio : un Pape venu du « bout du monde »

Élu le 13 mars 2013, Jorge Mario Bergoglio est entré dans l’histoire comme le premier pape latino-américain, le premier jésuite et le premier non-européen depuis le VIIIe siècle. Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, dans une famille d’immigrés piémontais et ligures, il a grandi dans le barrio de Flores, marqué par une foi profonde et un engagement social dès son jeune âge. Devenu archevêque de Buenos Aires en 1998, puis cardinal en 2001, il s’est distingué par sa simplicité et sa proximité avec les pauvres, vivant dans un modeste appartement et refusant les fastes de sa charge. « La mia gente è povera e io sono uno di loro », disait-il, expliquant son choix de renoncer aux privilèges pour partager le quotidien des plus démunis.
En choisissant le nom de François, en hommage à saint François d’Assise, il a annoncé dès son élection un pontificat placé sous le signe de l’humilité, de la miséricorde et de la fraternité. « Venu de la fin du monde », comme il l’a déclaré en s’adressant à la foule place Saint-Pierre le soir de son élection, il a su ramener l’enseignement révolutionnaire de saint François à l’actualité, en plaçant les « derniers » – les pauvres, les migrants, les marginalisés – au cœur de son magistère. Comme le souligne Luciano Romoli, « Jorge Mario Bergoglio a su changer l’Église », en renouvelant son message pour répondre aux défis du XXIe siècle.
Une résonance avec les valeurs maçonniques

La GLI-ALAM, dans son communiqué, met en lumière une « profonde résonance » entre l’œuvre de François et les principes fondamentaux de la franc-maçonnerie. Si l’histoire a souvent opposé l’Église catholique et la franc-maçonnerie – notamment sous le pontificat de Léon XIII, qui condamnait la maçonnerie dans l’encyclique Humanum Genus (1884) –, le règne de François a marqué une rupture, en privilégiant le dialogue et la recherche de terrains communs. « La centralité de la personne, le respect de la dignité de chaque individu, la construction d’une communauté solidaire, la recherche du bien commun » : ces valeurs, énoncées par la GLI-ALAM, sont au cœur de l’idéal maçonnique, mais aussi de l’enseignement de François.
L’encyclique Fratelli tutti, publiée en 2020 en pleine pandémie de Covid-19, illustre cette convergence. Elle appelle à une fraternité universelle qui transcende les divisions religieuses, culturelles et idéologiques. « Dépasser les divisions, les idéologies et les pensées uniques pour reconnaître la richesse des différences et construire une humanité unie dans la diversité », écrit Luciano Romoli. Ce message fait écho à la devise maçonnique – Liberté, Égalité, Fraternité – et à la mission des loges : unir les hommes par-delà leurs différences, dans une quête commune de vérité et de justice.
Foi et raison : un dialogue partagé

Un autre point de convergence réside dans l’approche de François face à la foi et à la raison. Comme le note la GLI-ALAM, le pape a renouvelé le principe anselmien du credo ut intelligam (« je crois pour comprendre »), en conjuguant foi et raison comme deux dimensions complémentaires de l’expérience humaine. François a prôné une foi ouverte, capable de se remettre en question, d’accueillir le doute et de dialoguer – une démarche qui trouve un écho dans la méthode initiatique maçonnique. En loge, les maçons s’engagent dans une recherche de la vérité libre de dogmes, fondée sur le questionnement, la réflexion et l’échange. Ce dialogue entre foi et raison, incarné par François, résonne avec le chemin maçonnique, qui invite chaque frère ou sœur à explorer les mystères de l’existence sans préjugés ni certitudes imposées.
Une « douce révolution » au service des plus démunis

Le pontificat de François s’est distingué par sa mise en avant des plus démunis, un engagement qui a marqué les esprits. Dès ses premiers gestes – refuser la limousine papale pour un minibus, laver les pieds de prisonniers ou de réfugiés lors du Jeudi saint –, il a incarné une Église « pauvre pour les pauvres ». Cette priorité accordée aux « derniers » s’est traduite dans ses encycliques, comme Laudato si’ (2015), qui appelle à protéger la « maison commune » qu’est la planète, et dans son initiative « Économie de François », un mouvement lancé en 2020 pour promouvoir un modèle économique centré sur la dignité humaine, la justice sociale et la durabilité.
La GLI-ALAM voit dans cette « douce révolution » une profonde correspondance avec la construction maçonnique du « Temple intérieur ». En franc-maçonnerie, ce temple symbolise l’âme de l’initié, polie par la tolérance, la solidarité et la résistance contre l’ignorance et la haine. François, par son humilité et son dialogue, a montré que ces vertus sont des instruments de force authentique. « L’humilité et le dialogue sont des instruments de force authentique », écrit Luciano Romoli, soulignant combien le pape a su, par sa simplicité, redonner une voix aux exclus et rappeler à l’humanité l’importance de la fraternité.
Une vision partagée : la conscience planétaire

Dans un monde marqué par des crises multiples – climatiques, migratoires, sociales –, François a lancé un appel à une « conscience planétaire », une vision d’une humanité unie comme une « communauté de destin ». Cet appel résonne avec les idéaux maçonniques, qui prônent une fraternité universelle et un engagement pour un avenir juste et solidaire. La GLI-ALAM, dans son communiqué, affirme partager cette vision, en s’engageant pour « une éthique des limites, le respect d’autrui et la construction d’un Temple fondé sur la solidarité, la liberté de pensée et la fraternité universelle ».
Cette convergence n’est pas nouvelle. Déjà sous le pontificat de Jean XXIII (1958-1963), l’Église avait amorcé un dialogue avec les valeurs humanistes, notamment lors du concile Vatican II, qui a ouvert la voie à une meilleure compréhension entre catholiques et maçons. François a poursuivi cette ouverture, en rencontrant des représentants de diverses traditions spirituelles et en plaidant pour une « culture de la rencontre ». En 2016, lors d’un voyage en Arménie, il a déclaré : « Construire des ponts, pas des murs », une phrase qui pourrait être un mot d’ordre maçonnique, tant elle reflète la mission des loges de favoriser l’union et la compréhension mutuelle.
L’héritage de François : un défi pour l’avenir

Le décès de François laisse un vide immense, mais aussi un héritage riche pour l’Église et pour l’humanité. Son pontificat, marqué par des réformes audacieuses – comme la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, la réforme de la Curie romaine, ou encore la défense des droits des migrants –, a redonné espoir à ceux qui voyaient en l’Église une institution figée. En plaçant les pauvres et la planète au centre de son magistère, il a rappelé que la spiritualité ne peut être déconnectée de l’action concrète.
Pour la franc-maçonnerie, et en particulier pour la GLI-ALAM, cet héritage est une source d’inspiration. Luciano Romoli conclut son hommage en affirmant que la GLI-ALAM honorera la mémoire de François en continuant à œuvrer pour un monde plus solidaire. Les maçons, à travers leurs travaux en loge, s’efforcent de construire ce « Temple » symbolique, où la tolérance et la fraternité sont les pierres angulaires. Comme François, ils croient en la puissance de l’humilité et du dialogue pour transformer le monde, un pas à la fois.
La Grande Loge d’Italie : une voix humaniste

Fondée en 1956, la Grande Loge d’Italie des ALAM est une obédience mixte, regroupant hommes et femmes dans une quête commune de lumière et de vérité. Héritière de la tradition maçonnique italienne, marquée par des figures comme Giuseppe Garibaldi, elle se distingue par son engagement humaniste et son ouverture au dialogue interspirituel. Sous la direction de Luciano Romoli, Grand Maître depuis 2020, la GLI-ALAM a multiplié les initiatives pour promouvoir les valeurs maçonniques dans la société italienne, notamment à travers des conférences, des actions caritatives et des prises de position sur des enjeux comme l’écologie et les droits humains.
Cet hommage au pape François illustre la volonté de la GLI-ALAM de transcender les clivages historiques entre la franc-maçonnerie et l’Église catholique. En reconnaissant dans le pontificat de François un reflet de ses propres idéaux, l’obédience montre que les valeurs humanistes – fraternité, justice, dignité – peuvent unir les hommes par-delà leurs différences de croyance.
Un message intemporel pour un monde en crise

En cette période de deuil, l’appel de François à une « conscience planétaire » résonne comme un défi pour l’avenir. Dans un monde marqué par les inégalités, les conflits et la crise climatique, son message invite à repenser nos priorités : placer l’humain avant le profit, la solidarité avant l’égoïsme, la planète avant l’exploitation. Ces idées, portées par François tout au long de son pontificat, trouvent un écho dans les travaux maçonniques, où chaque initié est appelé à contribuer à la construction d’un monde meilleur.
En honorant la mémoire de François, la GLI-ALAM réaffirme son engagement pour un humanisme universel. Comme le pape l’a fait à travers ses gestes et ses paroles, les maçons s’efforcent, à leur manière, de bâtir des ponts entre les hommes, de cultiver la tolérance et de promouvoir la fraternité. En ce sens, François, le « pape des derniers », restera une source d’inspiration pour tous ceux qui croient en la possibilité d’un monde plus juste – qu’ils soient catholiques, maçons, ou simplement humanistes.
Luciano Romoli
Grand Maître de la Grande Loge d’Italie de l’ALAM
Rome, le 22 avril 2025
Il est heureux que la franc-maçonnerie et l’Eglise trouvent des voies communes au plus haut niveau.