ven 22 novembre 2024 - 06:11

Mon curé chez les musulmans : un voyage vers la fraternité interreligieuse

À l’occasion du voyage du pape François en Indonésie, le symbole est puissant. Le 5 septembre, le chef de l’Église catholique et le grand imam de Djakarta ont emprunté ensemble, avant son ouverture au public, le tunnel Silaturahmi, ou « tunnel de l’amitié », un passage souterrain qui relie deux lieux de culte emblématiques : l’immense mosquée Istiqlal et la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption. Ce tunnel de trente mètres, encore fermé aux fidèles, symbolise un pont entre deux univers religieux, un geste d’ouverture vers la paix et la compréhension mutuelle.

2014 Pastoral Visit of Pope Francis to Korea..

Dans le silence profond de ce passage, le pape François et l’imam ont entamé un bref pèlerinage, une démarche spirituelle où deux grandes traditions religieuses se sont rejointes pour dialoguer en liberté. Le bois et le marbre qui ornent le tunnel, ainsi que les bas-reliefs en cuivre des sculpteurs indonésiens Sunaryo et Aditya Novali, accentuent la solennité du lieu. Les sculptures, représentant une poignée de mains fraternelle entre deux hommes de confession différente, confèrent à cet espace une dimension mystique rare, invitant à la méditation et à la prière.

Grande mosquée Istiqlal
Cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption

Ce tunnel ne se veut pas uniquement un lieu de passage physique, mais aussi un espace de réflexion. Il incarne la possibilité d’une rencontre réelle entre deux spiritualités qui, malgré leurs différences, partagent un objectif commun : la paix et la fraternité. Ce moment, empreint de respect et d’humilité, reflète l’engagement du pape François à promouvoir le dialogue interreligieux, particulièrement avec le monde musulman. L’image de ces deux leaders spirituels, unis dans un lieu encore vierge de tout visiteur, transcende la simple coexistence pour devenir un symbole d’espérance dans un monde marqué par les divisions religieuses.

Tunnel Silaturahmi – Source Asdep KIP Setwapres.webp

Dans cette ère de tensions et de méfiance, le tunnel Silaturahmi rappelle que, même dans le silence, des gestes simples peuvent porter des messages de réconciliation et d’unité.

Dialogue ouvert avec les musulmans

Le pape François a effectivement marqué son pontificat par une insistance forte sur le dialogue interreligieux, notamment avec les musulmans, comme en témoigne la Déclaration sur la fraternité humaine signée le 4 février 2019 à Abou Dhabi avec le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb.

Cet accord est une pierre angulaire du dialogue islamo-chrétien contemporain, prônant la fraternité entre tous les peuples, l’importance du respect mutuel, et dénonçant l’utilisation des religions pour justifier la violence. Il vise à établir un cadre de collaboration pour la paix et la solidarité, indépendamment des croyances religieuses.

Dialogue ouvert avec les juifs

Dans ce contexte, l’Église catholique a également maintenu un dialogue ouvert avec le judaïsme, en reconnaissance de ses racines partagées avec le christianisme. L’œuvre de rapprochement avec les juifs, qui a été entamée après le Concile Vatican II avec la déclaration Nostra Aetate en 1965, s’est intensifiée sous le pontificat de François. Ce dialogue vise à renforcer la compréhension mutuelle et à condamner l’antisémitisme.

Dialogue ouvert avec les orthodoxes soutenant Vladimir Vladimirovitch Poutine, “ancien” officier du KGB et président de la fédération de Russie

Владимир Путин, 2024

En ce qui concerne les relations avec l’orthodoxie, le pape François a gardé une position diplomatique dans le contexte de la guerre en Ukraine, en évitant une condamnation directe des prêtres orthodoxes qui soutiennent l’effort de guerre russe. Cela s’explique en partie par le fait que le pape tente de maintenir des canaux de communication ouverts avec l’Église orthodoxe russe pour favoriser une réconciliation à long terme. À ce titre, sur France Inter, écoutez « L’église orthodoxe au service de Vladimir Poutine ? »

Dialogue toujours fermé avec les francs-maçons

Cependant, en dépit de ces efforts de dialogue avec les autres traditions religieuses, l’Église catholique continue d’entretenir une relation très différente avec la franc-maçonnerie. Bien que les francs-maçons croient en un Grand Architecte de l’Univers (GADLU), souvent identifié comme une forme de divinité ou de principe supérieur, cette conception diffère de celle de Dieu dans le christianisme. Pour l’Église catholique, la croyance en un Dieu révélé à travers Jésus-Christ et la tradition biblique est incompatible avec la vision déiste ou symbolique souvent adoptée par la franc-maçonnerie.

Pourquoi ?

Parce que certaines branches de la franc-maçonnerie ont historiquement pris des positions anticatholiques, notamment en Europe, ce qui aurait renforcé la méfiance entre les deux institutions.

Parce que l’Église perçoit cette dernière comme adhérant à des principes contraires à ses enseignements fondamentaux. Sans doute, mais pas que !

Le dialogue du pape François avec les francs-maçons reste effectivement extraordinairement fermé, contrairement à son ouverture vers d’autres groupes religieux comme les musulmans, les juifs ou les orthodoxes. Plusieurs facteurs historiques, doctrinaux et personnels peuvent expliquer cette absence de dialogue.

 1. L’enseignement traditionnel de l’Église catholique sur la franc-maçonnerie 

Clément XII

L’opposition de l’Église catholique à la franc-maçonnerie remonte à plusieurs siècles, et cette position reste inchangée à ce jour. En 1738, le pape Clément XII a publié la bulle In Eminenti Apostolatus Specula, qui condamne la franc-maçonnerie, la jugeant incompatible avec la foi catholique. Cette condamnation a été réitérée à de nombreuses reprises par ses successeurs. Le Code de droit canonique de 1983, qui est en vigueur aujourd’hui, affirme que l’adhésion des catholiques à la franc-maçonnerie est interdite, sous peine d’excommunication.

La principale divergence réside dans les conceptions théologiques et philosophiques de la franc-maçonnerie et de l’Église catholique. La franc-maçonnerie est souvent associée à une vision relativiste des croyances religieuses, prônant l’idée que toutes les religions sont égales et qu’aucune n’a le monopole de la vérité. Ce relativisme moral et religieux entre en conflit avec la doctrine catholique, qui affirme la vérité absolue du message de l’Évangile. Par ailleurs, bien que les francs-maçons reconnaissent l’existence d’un Grand Architecte de l’Univers (GADLU) qui est Dieu, cette notion est perçue par l’Église comme déiste ou symbolique, sans rapport direct avec la révélation chrétienne du Dieu trinitaire.

Basílica San José de Flores

 2. Le passé du pape François en Argentine 

Le passé de François en Argentine peut également éclairer cette question. Avant de devenir pape, Jorge Mario Bergoglio a exercé pendant de nombreuses années comme archevêque de Buenos Aires, une position dans laquelle il a été confronté à divers groupes religieux et politiques, mais aussi à la franc-maçonnerie. En Argentine, la franc-maçonnerie a joué un rôle significatif dans les cercles politiques et sociaux, et a parfois été perçue comme hostile à l’Église catholique. Dans ce contexte, les relations entre l’Église et la franc-maçonnerie en Argentine ont été tendues, ce qui pourrait avoir influencé la position de François.

Signé François

Bien que François soit reconnu pour sa capacité à établir des ponts et à dialoguer avec des groupes divers, il est probable que son expérience en Argentine, où il a été témoin de l’influence de la franc-maçonnerie sur la société et la politique, a renforcé son attachement à la position traditionnelle de l’Église. De plus, dans la culture sud-américaine, la franc-maçonnerie a souvent été perçue comme une force laïque et anticléricale, renforçant ainsi les suspicions mutuelles.

Monogramme Compagnie de Jésus

3. Éducation religieuse et formation jésuite 

L’éducation religieuse du pape François, en tant que membre de la Compagnie de Jésus (les jésuites), joue également un rôle central dans sa vision du monde. Les jésuites sont connus pour leur rigueur intellectuelle et leur engagement envers l’enseignement traditionnel de l’Église. La formation théologique rigoureuse que François a reçue le pousse à défendre les positions doctrinales fondamentales de l’Église, notamment en matière de moralité, de vérité et de foi. Cela explique pourquoi, même s’il est ouvert au dialogue avec d’autres religions, il reste attaché aux principes de l’Église concernant la franc-maçonnerie.

Blason pape François

 4. L’aspect spirituel et pastoral du pontificat de François 

Le pontificat de François est marqué par un accent mis sur la fraternité humaine et la solidarité, notamment à travers le dialogue avec les autres religions monothéistes (l’islam et le judaïsme) et les Églises chrétiennes séparées (orthodoxes, protestantes). Cependant, ce dialogue est toujours centré sur une reconnaissance de Dieu et des vérités morales fondamentales, issues de la révélation divine. Les francs-maçons, avec leur approche plus philosophique ou symbolique de Dieu et leur relativisme moral, sont donc perçus comme étant à l’opposé de cette vision.

En somme, bien que François, locataire de la maison du Vatican, ait brisé de nombreuses barrières en cherchant à promouvoir le dialogue interreligieux, sa réticence à dialoguer avec la franc-maçonnerie s’inscrit dans la continuité de la doctrine catholique. Son éducation religieuse, son expérience en Argentine et sa formation jésuite jouent un rôle important dans sa fidélité à la position historique de l’Église. Pour François, le dialogue doit être fondé sur une reconnaissance commune de la vérité divine, ce qui demeure un obstacle fondamental avec la franc-maçonnerie.

Reconnaissons aussi que, depuis de très nombreuses années et sur toute la surface de la Terre, l’Église catholique apostolique et romaine a d’autres chats à fouetter, notamment avec l’affaire de l’abbé Pierre de Maillard, accusé d’abus sexuels sur plusieurs femmes.

L’Abbé Pierre (1912-2007), Studio Harcourt, Paris

Ce scandale, qui fait écho à un Me Too au sein de l’institution, met en lumière des abus de pouvoir graves. Malgré les efforts du pape François pour réformer l’Église et renforcer la lutte contre les abus, comme le sommet de 2019 sur la protection des mineurs, ces initiatives sont jugées insuffisantes par beaucoup. L’Église fait face à une pression croissante pour être plus transparente et répondre plus efficacement aux victimes, tout en gérant cette crise qui ébranle sa crédibilité.

1 COMMENTAIRE

  1. La Franc Maçonnerie n’est pas une Religion et le GADLU n’est qu’un symbole : en Franc Maçonnerie “TOUT EST SYMBOLOLE et, ma TCS Alice, tu le sais très bien. Dans la mesure où la Franc Maçonnerie n’est pas une religion pourquoi le Pape dialoguerait il avec elle ? Et qui représenterait la FM ? Si la Franc Maçonnerie est une religion, alors là effectivement, il y a un problème car on ne peut pas avoir deux religions à la fois.
    Quand l’abbé Pierre , il a le droit à un VRAI procès fait par la JUSTICE car il est passible d’une VRAIE CONDAMNATION, s’il y a lieu; même le pire des criminels a ce droit d’accès à la justice !!! On se croirait revenu au XVIIème siècle du temps des procès populaires en sorcellerie…

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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