Utilisée à dessein, notre expression Compagnonnage vs Franc-maçonnerie met en lumière la comparaison et les différences entre deux traditions distinctes, souvent confondues mais ayant des origines, des objectifs et des structures différentes.
Le site du Musée du Compagnonnage, avec deux textes, nous donnent toutes les clés. Mais revenons tout d’abord sur ce merveilleux Musée pour ne pas dire ce musée du Merveilleux !
Le Musée
Le Musée du Compagnonnage, situé dans l’ancienne abbaye Saint-Julien de Tours, est un établissement municipal classé « Musée de France ». Ce musée présente des collections exceptionnelles qui illustrent l’art et les traditions des Compagnons du tour de France.
Le Musée expose :
– Chefs-d’œuvre collectifs du XIXe siècle : des œuvres réalisées par des groupes de compagnons ;
– Chefs-d’œuvre de patience : des pièces mettant en avant la minutie et la dextérité des artisans ;
– Œuvres de réception : les chefs-d’œuvre exécutés en vue de la réception des compagnons ;
– Attributs des Compagnons : cannes, gourdes, couleurs ;
– Tableaux souvenirs : représentations des moments et des lieux marquants du compagnonnage ;
– Outils et archives : instruments de travail et documents historiques ;
– Traditions et œuvres contemporaines : les coutumes et les créations des compagnons, de leurs origines à nos jours.
Un lieu vivant et dynamique
Le musée propose également :
– Animations périodiques : événements réguliers pour tous les âges ;
– Expositions : présentations temporaires de nouvelles collections ou de thèmes spécifiques ;
– Visites thématiques : parcours guidés autour de thématiques particulières ;
– Activités pour les enfants : ateliers et découvertes ludiques.
Les collections sont fréquemment renouvelées, notamment avec des œuvres contemporaines, offrant ainsi une expérience toujours enrichissante et diverse aux visiteurs.
Le patrimoine culturel immatériel
Le Compagnonnage est reconnu par l’Unesco comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, soulignant ainsi l’importance et la richesse de cette tradition séculaire.
Venez découvrir ce lieu unique qui célèbre le savoir-faire et la culture des Compagnons du tour de France !
Deux articles sur le site du Musée nous interpellent et nous permettent d’en savoir plus sur Compagnonnage vs Franc-maçonnerie
Le premier dans la rubrique « GÉNÉALOGIE – Franc-maçonnerie » qui explore la distinction entre le compagnon du tour de France et le compagnon franc-maçon. Cet article met en lumière les différences historiques et objectives entre ces deux associations. Contrairement à une idée reçue, le compagnonnage n’est pas l’ancêtre de la Franc-maçonnerie. Cette dernière s’est constituée en Angleterre au XVIIIe siècle avant de s’établir en France et en Europe dans les années 1730. Cette lecture vous éclairera sur les origines et les objectifs distincts de ces deux traditions.
Le second article, intitulé « L’ESPRIT – Comparaison », clarifie la nature du compagnonnage en le comparant à d’autres types d’associations. Le compagnonnage n’est pas seulement une association de formation professionnelle, ni une société de secours mutuels ou un syndicat. Il n’est ni une religion, ni une secte, ni une société secrète. Cet article détaille les similitudes et les différences importantes entre le compagnonnage et la Franc-maçonnerie, mettant en lumière l’esprit unique et la mission du compagnonnage.
Lisez-les et enrichissez votre compréhension des Compagnons du Tour de France et de leur riche héritage culturel.
« GÉNÉALOGIE – Franc-maçonnerie »
Une autre confusion est possible entre le compagnon du tour de France et le compagnon franc-maçon. Compagnonnage et Franc-maçonnerie sont des associations distinctes, historiquement et dans leurs buts. Contrairement à une idée reçue, le compagnonnage n’est pas l’ancêtre de la Franc-maçonnerie, laquelle s’est constituée en Angleterre au cours du XVIIe siècle avant de s’établir en France et en Europe dans les années 1730. Association de type initiatique, philosophique, fraternel, la Franc-maçonnerie use de façon symbolique des outils des maçons de métier. A cette époque, certains symboles maçonniques, certains rites, des références légendaires, se retrouvent dans les compagnonnages et dans la Franc-maçonnerie, mais sont relativement peu nombreux. En revanche, au XIXe siècle, d’assez nombreux compagnons se sont affiliés dans des loges et beaucoup de symboles, rites et légendes ont migré de la Franc-maçonnerie vers les compagnonnages. Ainsi en est-il des trois points en triangle, de l’étoile flamboyante à cinq branches associée à la lettre G, de la légende de l’architecte Hiram, etc. En revanche, le compas et l’équerre entrecroisés sont communs aux deux institutions, sans qu’il y ait eu emprunt de ce symbole par l’une à l’autre.
La découverte d’un diplôme, d’objets décorés de symboles, d’attributs tels que des écharpes, peut entraîner des confusions. Signalons aussi que les termes d’apprenti, compagnon et maître sont employés dans la Franc-maçonnerie pour désigner trois grades, mais ils n’ont pas de rapport avec l’organisation interne des compagnonnages, qui ne concerne ni l’apprentissage ni la maîtrise au sens réel ou symbolique de ces mots. Dans le Compagnonnage, il n’y a que des aspirants (ou affiliés), des compagnons et quelquefois, dans certaines associations, des compagnons finis.
Précisons cependant qu’il y eut de nombreux termes pour désigner la progression du futur compagnon et du compagnon lui-même au sein de sa société. Ces mots ont varié selon les époques et les associations : attendant, sociétaire, jeune homme, aspirant, affilié, novice, postulant, initié, remerciant, maître remercié, etc. sans parler de leurs synonymes : lapin, renard, bouquin, loup, chien, singe, agrichon…
« L’ESPRIT – Comparaison »
Le compagnonnage n’est pas qu’une association de formation professionnelle, ni une société de secours mutuels, ni un syndicat. Il n’est ni une religion, ni une secte, ni une société secrète. Il présente des similitudes avec la Franc-maçonnerie mais également des différences importantes.
Le Compagnonnage se définit aussi par son contraire. Il ne peut pas se résumer à une association de formation professionnelle ni à une société de secours mutuels ou encore à un syndicat ouvrier, bien qu’il ait englobé autrefois ces trois fonctions. Ce n’est pas une religion, car ses membres ne vénèrent pas un dieu spécifique et ne pratiquent pas de culte, si ce n’est celui du travail bien fait et une morale de vie en société qui a pu, autrefois, être inspirée de la religion chrétienne. C’est encore moins une secte, car le but du Compagnonnage est d’insérer les jeunes dans leur métier et la société toute entière, sans détournements financiers ni gourous. Ce n’est pas non plus une société secrète, car les associations de compagnons ont toujours été connues de tous et sont aujourd’hui déclarées, voire reconnues d’utilité publique.
Le Compagnonnage n’est pas une société secrète, ses membres ne se cachent pas d’être compagnons mais n’affichent pas non plus leur qualité, surtout s’ils sont établis, afin de ne pas utiliser leur titre à des fins commerciales, sachant qu’en matière professionnelle la modestie doit rester de rigueur. On peut cependant qualifier le Compagnonnage de « société à secrets », puisqu’il en est ainsi de certains rites qui constituent la partie privée et vécue des compagnons.
Par leurs buts, leur forme, leurs symboles, les associations compagnonniques sont parfois confondues avec d’autres mouvements. En premier lieu, avec la franc-maçonnerie, en raison du symbole commun du compas et de l’équerre entrecroisés.
Mais au-delà de certains symboles et de références légendaires (à la construction du temple de Salomon, notamment) et du fait qu’il s’agit dans les deux cas d’associations de type initiatique, ces mouvements ont une origine géographique distinctes (l’Angleterre pour la Franc-maçonnerie, la France pour le Compagnonnage) et une histoire différente (la Franc-maçonnerie émerge au cours du XVIIe siècle alors que le Compagnonnage est attesté au XVe). Enfin, la principale différence repose sur l’exercice symbolique du métier de maçon dans la Franc-maçonnerie, alors que le Compagnonnage suppose la pratique effective d’un métier, qui n’est d’ailleurs pas que celui de maçon et de tailleur de pierre. Il y eut cependant au XIXe siècle d’assez nombreux emprunts par les compagnonnages de symboles et de rites maçonniques, sans pour autant que cela aboutisse à des liens entre les deux institutions, qui sont toujours restées indépendantes.
D’autres mouvements présentent des similitudes avec les compagnonnages. Les Bons Cousins charbonniers et les Bons Compagnons fendeurs, attestés dès le XVIIe siècle, étaient des sociétés initiatiques de forestiers, très proches de celles des compagnons. Elles évoluèrent au XVIIIe et XIXe siècle en acceptant des membres étrangers à leur métier, devinrent des groupements d’assistance fraternelle, connurent des dérivés maçonniques ou politiques (les Carbonari italiens et la Charbonnerie française) avant de s’éteindre dans les régions où elles étaient implantées (Bourgogne, Franche-Comté).
Il existe aussi des compagnonnages en pays germaniques et scandinaves, dans les métiers du bâtiment (charpentiers, couvreurs, menuisiers, tailleurs de pierre, maçons). Comme les compagnons français, ils voyagent et pratiquent une réception. Ils portent une canne torse et des cravates de couleur différente selon les sociétés (cravates noires, rouges, bleues) et certains sont sans cravate.
Des analogies marquées avec les compagnonnages ont été constatées au XIXe siècle dans diverses associations : celles des charpentiers Renards Joyeux, Libres et Indépendants, des sociétaires boulangers ou « rendurcis », des sociétaires faïenciers-potiers de Tours, des sociétaires de l’Union des Travailleurs du tour de France, etc. Ils partageaient les mêmes buts d’assistance mutuelle, de travail bien fait, certains rites et symboles et la pratique du tour de France. Ils rejetaient le titre de compagnon mais reprenaient bon nombre des usages des Devoirs.
Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, il apparaît que des compagnons et des francs-maçons avaient remarqué des similitudes dans la structure des deux associations. Sociétés initiatiques, les compagnonnages et les mouvements maçonniques pratiquent des cérémonies de réception, des moyens de reconnaissance (signes, attouchements, mots), des échanges de questions et de réponses pour s’identifier entre frères, « pays » ou « coteries ». Mais si la structure était analogue, le contenu était différent. Contrairement à une idée partagée aussi bien par les compagnons que par les francs-maçons d’aujourd’hui, le Compagnonnage n’est pas la forme primitive et opérative (de métier) de la Franc-maçonnerie. Celle-ci ne lui a rien emprunté pour se constituer puisque sa naissance se situe en Angleterre au milieu du XVIIe siècle et qu’elle ne s’établit en France que vers 1725.
En revanche, séduits par ce qui leur apparaissait comme un modèle, une société prestigieuse plus aboutie et plus riche de sens, les compagnons ont largement puisé dans la symbolique et les rites maçonniques pour réformer et étoffer les leurs dès la fin du XVIIIe siècle. A ce jour, la plus ancienne attestation d’un emprunt par le compagnonnage des tailleurs de pierre d’Avignon aux symboles maçonniques remonte à 1782. Mais c’est au cours du XIXe siècle que les compagnons ont multiplié ces emprunts, pour plusieurs raisons. La première a été la volonté de moderniser après la Révolution une institution jugée archaïque et incompréhensible à la jeunesse du « siècle du Progrès ».
La seconde vient de ce qu’au XIXe siècle, le Compagnonnage maintient en son sein des sédentaires, des patrons, dont certains s’affilient à des loges maçonniques, ce qui favorise les passages d’une société à une autre. La troisième raison est l’élévation du niveau d’instruction des compagnons : sachant de plus en plus lire et écrire, ils découvrent la multitude de rituels maçonniques et autres ouvrages imprimés, dont ils vont intégrer des éléments dans leurs propres rituels. Les plus connus sont la légende d’Hiram, l’étoile flamboyante, la lettre G, les trois points en triangle et divers symboles des hauts grades.
Associés ou substitués à des éléments traditionnels du Compagnonnage, ils ont été « compagnonnisés » comme une nouvelle forme de langage auprès des compagnons du XIXe siècle. Une partie de ces emprunts a été abandonnée au cours du XXe siècle.
En attendant, allez visiter la nouvelle et remarquable exposition temporaire « Partir est une fête : La conduite des compagnons » du 5 juin au 22 septembre 2024.
« Partir est une fête : La conduite des compagnons »
Quitter famille et amis pour poursuivre son chemin est une étape marquante dans la vie de nombreux compagnons, mêlant excitation et déchirement. Lorsqu’un compagnon du Tour de France quitte une ville pour en rejoindre une autre ou rentrer au pays, ses compagnons l’escortent jusqu’aux portes de la ville pour de dignes mais festifs adieux, une tradition appelée « la conduite ».
Cette cérémonie chantée et ritualisée transforme l’au revoir en un souvenir indélébile et célèbre le beau voyage à venir. Au XIXe siècle, cet « art de bien partir » a inspiré de nombreux écrits, chansons et images souvenirs, dont certaines font partie des plus beaux dessins de notre collection, restaurés en 2020.
Loin d’être oubliée, cette pratique est toujours vivante aujourd’hui. L’exposition « Partir est une fête » explore cette tradition à travers les âges.
450.fm reviendra tout spécialement pour ses lecteurs sur cette belle exposition temporaire.
Bien que le texte publié sur le site du Musée du Compagnonnage ne soit pas signé – du moins nous semble-t-il -, nous émettons l’idée qu’il pourrait être écrit par Laurent Bastard, figure notable dans l’étude du compagnonnage, ayant écrit plusieurs ouvrages et articles sur le sujet. En complément, nous constatons que l’antimaçonnisme acerbe d’une grande partie des compagnons et surtout de Jean Bernard, fondateur de l’Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF), en 1941 sous le régime collaborationniste de l’État français.
Sources : Musée du Compagnonnage – Photos © Yonnel Ghernaouti YG