Le tarot est devenu aujourd’hui un sujet universitaire, une source d’inspiration pour les artistes et un produit indispensable des rayons ésotériques des plus grandes librairies. L’un des principaux initiateurs de ce surprenant succès est un jeune Suisse féru de symbolisme : Oswald Wirth. Gwenaël Beuchet, attaché de conservation du Musée, y consacrera une conférence le dimanche 21 janvier.
Un soir de mars 1886, Oswald Wirth (1860-1943) se rend au domicile parisien du poète et bibliophile Stanislas de Guaita (1861-1897). Initié en franc-maçonnerie depuis deux ans, Wirth est déçu par le désintérêt du Grand Orient de France à l’égard du symbolisme. Le renom de Guaita et celui de sa vaste bibliothèque étrange et précieuse, réunissant des textes latins du Moyen-âge, de vieux grimoires chargés de pentacles, des parchemins enluminés de miniatures, des traités d’alchimie, des ouvrages de science contemporaine, des manuscrits et des éditions d’une grande rareté, motivent cette rencontre.
Très vite les deux hommes s’entendent. Comme beaucoup de jeunes gens de leur époque, ils rêvent d’une « science universelle » qui unirait sciences expérimentales et sciences dites traditionnelles (alchimie, astrologie, kabbale bien sûr…). Wirth devient rapidement son collaborateur et son secrétaire. Guaita, qui a remarqué les talents artistiques de son ami, lui propose de dessiner, à partir du traditionnel Tarot de Marseille et des textes d’Eliphas Lévi, un Tarot kabbalistique qui soit plus en rapport avec leurs vues. Il est publié en 1889, à 350 exemplaires, dont un, grâce à la générosité d’un collectionneur, a rejoint récemment le fonds du Musée Français de la Carte à Jouer. Il est également reproduit, la même année, dans Le Tarot des bohémiens, un ouvrage de leur ami commun Gérard Encausse, dit Papus.
Si l’on excepte le tarot d’Etteilla, créé un siècle plus tôt mais plutôt tourné vers une sorte de récréation divinatoire, le Tarot kabbalistique peut être considéré comme le premier Tarot ésotérique, accordant à chaque carte ou « arcane » une profonde signification symbolique qui reste à interpréter. Le mouvement est lancé. Des tarots de plus en plus nombreux paraitront, notamment dans le monde anglosaxon. Quant à Wirth, il suivra sa propre voie et publiera en 1927 un ouvrage qui sera un autre jalon important de cette histoire : Le Tarot des imagiers du Moyen-âge.
Conférence « Une heure une oeuvre », le dimanche 21 janvier à 16h, au Musée Français de la Carte à Jouer. Entrée libre. (Site Web)