Quand la GLMU fait de la laïcité un bien commun vivant
Le 6 décembre 2025, au 8, rue Voltaire à Montreuil, la Grande Loge Mixte Universelle transforme son siège en véritable place publique : une Agora laïque et républicaine, ouverte à toutes et à tous, pour célébrer les 120 ans de la loi de 1905 en la mettant à l’épreuve des réalités d’aujourd’hui.

La date n’a rien d’anodin
Cent vingt ans après la loi de séparation des Églises et de l’État, la laïcité n’est plus seulement un texte fondateur, elle est devenue un terrain de tensions, de malentendus, parfois de récupération. La Grande Loge Mixte Universelle, obédience née en 1973 d’une scission d’avec le Droit Humain et qui a très tôt placé la laïcité au cœur de son identité, assume ici une fidélité de long terme : défendre une République émancipatrice, sociale et universaliste.

Dès 2002, la GLMU proposait déjà de faire du 9 décembre une journée nationale de la laïcité ; en 2021, elle réaffirmait publiquement son attachement à la loi de 1905, refusant toute remise en cause de son équilibre subtil et proposant même d’ajouter « Laïcité » à la devise républicaine.
L’Agora du 6 décembre s’inscrit pleinement dans cette cohérence
Le flyer de l’événement, diffusé par l’obédience, donne le ton : « Venez tester vos connaissances sur le principe de laïcité ». L’invitation n’est pas scolaire, elle est citoyenne. Toute la journée, de 9h à 17h, le siège montreuillois de la GLMU devient un laboratoire d’idées : accueil dès 9h, présentation par Clément Stora et salut républicain du maire de Montreuil, Patrice Bessac, qui ancre d’emblée la rencontre dans la vie de la cité.

La matinée est consacrée aux fondamentaux
Michel Larive ouvre le bal en replaçant la loi de 1905 dans la longue durée : « La loi de séparation des Églises et de l’État : 1905-2025, 120 ans de liberté ». Derrière le slogan, il s’agit de montrer comment ce texte, souvent invoqué, parfois mal compris, a organisé dans le temps long une véritable architecture de la liberté de conscience, en protégeant à la fois l’État de toute emprise cléricale et les convictions de chaque citoyen.

La parole revient ensuite au maire de Montreuil, Patrice Bessac, autour d’un thème brûlant : « Neutralité des services publics et liberté d’expression des élus. » Dans un contexte où chaque prise de parole d’un responsable politique est scrutée à l’aune de la laïcité, la question est simple et vertigineuse : comment rester fidèle au principe de neutralité sans confondre neutralité et silence, ni renoncer à dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux ? La laïcité, ici, n’est plus un mot abstrait : elle structure la manière de gérer une ville, d’accueillir les habitants, d’organiser les services publics.
À 10h45, l’Agora se rapproche encore du quotidien avec l’intervention de Michel Roux, membre du Conseil collégial de l’Amicale laïque d’Île-de-France : « Le principe de laïcité au quotidien ? Parlons-en ! ». Le point d’interrogation dit bien l’enjeu : sortir des postures doctrinales pour écouter ce que vivent les enseignants, les éducateurs, les agents publics, les associations, face aux demandes de dérogation, aux crispations identitaires, aux confusions entre espace privé et espace commun.
La pause de 12h30 ne suspend pas le débat, elle le prolonge dans les couloirs et autour des tables où se croisent francs-maçons, militants associatifs, élus, simples citoyens.

L’après-midi déplace le regard vers un champ que l’on oublie trop souvent lorsqu’il est question de laïcité : le sport.
À 14h, une table ronde explore ce thème au titre presque militant : « Sport, laïcité, même combat ? ». Derrière cette formule, une intuition forte : dans un vestiaire, sur un terrain, dans une association de quartier, se jouent aussi les questions de mixité, de signes d’appartenance, de respect des règles communes. Comment garantir que le sport reste un espace de fraternité réelle, à égale distance du prosélytisme et de l’exclusion ?

À 15h, les intervenants répondent aux questions du public : l’Agora devient alors ce qu’elle promet d’être, non un colloque descendu d’en haut, mais une place où la parole circule, se confronte, s’ajuste. La journée s’achève à 16h par une synthèse générale, puis par la conclusion du Grand Maître de la GLMU, Bernard Dekoker-Suarez, qui inscrit cette démarche dans le projet global de son obédience : une Franc-maçonnerie mixte, républicaine, progressiste, qui se définit volontiers comme une « école de citoyennes et de citoyens ».
Car la laïcité, pour la Grande Loge Mixte Universelle, n’est pas un simple « thème » de communication
C’est un axe structurant. L’obédience a été fondée en 1973 par Éliane Brault et Raymond Jalu, figures d’une maçonnerie engagée dans la défense des libertés publiques.

Ses convents successifs ont réaffirmé une ligne claire : mixité, démocratie interne, égalité stricte entre tous les membres, indépendance vis-à-vis des structures de hauts grades, et surtout laïcité entendue comme refus de tout dogmatisme, qu’il soit religieux, politique ou philosophique. De cette culture naissent à la fois des communiqués fermes – sur la Journée de la laïcité, sur les droits des femmes, sur les luttes contre les intégrismes – et des initiatives d’extériorisation comme cette Agora.

La symbolique du lieu et de la forme mérite d’être soulignée. L’adresse de la GLMU, 8, rue Voltaire à Montreuil, n’est pas qu’un repère postal ; elle dit quelque chose de l’héritage revendiqué : celui des Lumières, de la liberté de conscience et de la République sociale. Transformer, le temps d’une journée, ce siège en Agora laïque et républicaine, c’est ouvrir grand les portes du Temple pour faire respirer ensemble l’espace initiatique et l’espace civique. La chaîne d’union se prolonge ici dans la salle publique, les colonnes deviennent tribunes, et les outils de la loge – la mesure, l’écoute, la capacité de doute – se transposent dans le débat citoyen.
À l’heure où la laïcité est trop souvent réduite à un mot-paravent, revendiqué par des camps adverses, l’initiative de la GLMU a le mérite de revenir à une pédagogie exigeante : rappeler l’histoire, examiner les pratiques, laisser parler la société civile, et surtout accepter la confrontation des points de vue, dans le respect du cadre républicain.
Le 6 décembre prochain à Montreuil, la laïcité n’aura pas seulement 120 ans : elle aura, pour une journée au moins, le visage d’une multitude de femmes et d’hommes réunis dans une même Agora. C’est là, sans doute, l’une des plus belles manières de célébrer une loi : la faire vivre, la questionner, la partager.
Source : GLMU

