Que vous soyez un fidèle de notre rendez-vous hebdomadaire ou un nouveau venu, bienvenue. L’ambition de ce blog est simple, et oserais-je dire, ludique : nous explorons ensemble le Tarot d’Oswald Wirth comme un formidable miroir des symboles, en laissant volontairement l’art divinatoire de côté. Notre jeu est bien plus intime. Il ne s’agit pas de lire le Tarot, il s’agit de le vivre.

Pour cela, je vous invite à vous prêter à l’exercice : vous n’êtes pas le spectateur. Vous incarnez le Tarot. Vous êtes le Héros de ce chemin initiatique, vivant chaque arcane comme une étape de votre propre transformation.
La semaine dernière, ou peut-être à l’instant si vous nous rejoignez, vous avez incarné l’Arcane II, La Papesse. Vous étiez assis, immobile, entre les deux colonnes. Vous étiez le silence, la réceptivité pure, le miroir de la Gnose (cette connaissance intime et directe du divin). Vous avez appris à être. Vous teniez le livre (entr’ouvert !) de la dualité et les clés du visible et de l’invisible.
Bravo. L’épreuve du silence est réussie.
Et maintenant ? Allez-vous rester assis sur ce trône pour l’éternité ?
Certainement pas ! La Gnose n’est pas faite pour être thésaurisée. La Sagesse (Chokmah) n’existe que pour être comprise. La lumière reçue doit être manifestée. C’est le premier pas concret vers l’élévation spirituelle. L’énergie change… radicalement.
Du 2, nous passons au 3. Du binaire, nous passons à la trinité. Du silence, à l’action.

Vous devenez… L’Impératrice.
Ce n’est pas une simple succession, c’est une synthèse créatrice. Vous unissez en vous les principes contemplatifs de La Papesse (II) et l’énergie active du Bateleur (I). Si La Papesse était la Gardienne (le Donateur chez Propp) qui vous a testé, L’Impératrice est ce que vous devenez après avoir réussi le test. C’est l’activation de votre propre puissance créatrice. Vous n’êtes plus le miroir, vous êtes le soleil. Vous n’êtes plus la coupe qui reçoit, vous êtes la source qui déborde.
L’Ange ou la Reine ? L’Énigme de sa Double Nature
Regardez-la. Elle est tout le contraire de La Papesse. Elle n’est pas cachée dans un Temple intérieur, elle est assise au grand jour. Son trône n’est pas austère, c’est un cube (la matière) confortable. Elle ne regarde pas en dedans, elle regarde le monde.
Mais l’élément le plus fascinant, ce sont ses ailes. Discrètes mais puissantes, elles se déploient derrière elle, symbolisant la légèreté et l’élévation. La Papesse était ancrée au sol ; l’Impératrice, elle, est une « femme terrestre et ange céleste« . Elle est une médiatrice, son pouvoir est à la fois spirituel et terrestre.
Elle tient le sceptre de la domination (surmonté d’un globe et d’une croix) et un bouclier. Et sur ce bouclier ? Un Aigle. Pas un aigle héraldique et guerrier, mais l’Aigle alchimique, symbole solaire d’élévation spirituelle.
Elle est Vénus-Uranie. La Mère universelle. Elle est l’Intelligence qui donne forme à l’idée.
De la Graine à la Fleur : Pistes d’Analyse (inspirées)
Vous avez reçu la Gnose de La Papesse. En devenant L’Impératrice, vous allez la comprendre et l’enfanter. Le Tarot miroir des symboles nous guide sur ce chemin de l’incarnation.
Du « dedans » au « dehors » : La Lettre Ghimel (ג)
Vous étiez Beth (ב), la Maison, l’immobilité. Vous devenez Ghimel (ג), le Chameau. Le chameau est l’animal qui traverse le désert. C’est le mouvement, le pont, le véhicule. La Papesse était le Temple ; L’Impératrice est le chemin qui en sort pour aller vers le monde. C’est l’arcane qui relie, qui communique, qui transporte la Sagesse hors de son sanctuaire. La synthèse de la dualité.
L’Intelligence qui organise : Le lien Kabbalistique
C’est ici que le passage du 2 au 3 prend tout son sens. Si La Papesse était Chokmah (חכמה), la Sagesse, c’est-à-dire l’idée pure, le « germe« , vous devenez Binah (בינה), l’Intelligence, la Compréhension. Binah est la troisième Séphirah. C’est la Grande Mère Cosmique. C’est le « palais » ou « l’utérus » qui reçoit le germe de Chokmah et lui donne une structure, une forme, une organisation.
La Papesse savait. L’Impératrice comprend. Et en comprenant, elle crée l’Univers.
Elle est l’intelligence qui organise la nature, les cycles, la vie.

Le Couronnement (Les 12 Étoiles)
Sur sa tête, Wirth dessine une couronne de 12 étoiles (9 visibles, 3 cachées). C’est le Zodiaque. L’Impératrice ne règne pas malgré le temps, elle règne avec le temps. Elle maîtrise les cycles, les saisons. Elle est la souveraine de la nature manifestée.
L’Envers du Miroir (L’Arcane XX)
Dans le grand jeu des correspondances transversales, qui fait face à L’Impératrice (III) ? C’est Le Jugement (XX). L’une, l’Impératrice, représente la fécondité, la créativité matérielle. L’autre, Le Jugement, évoque l’illumination spirituelle et la révélation. C’est la Création active qui fait face à la Révélation divine. La naissance dans le monde physique répond à la renaissance dans le monde spirituel.
Aparté : Oswald Wirth, le restaurateur de l’essence du Tarot
Mais qui est donc cet Oswald Wirth (1860-1943) que nous citons si souvent ?
Si le Tarot est arrivé en France par les cours italiennes (les Tarocchi), s’il fut « révélé » comme un livre égyptien par Court de Gébelin, puis magnifiquement « kabbalisé » par Éliphas Lévi, il manquait encore l’essentiel : l’Image.
Oswald Wirth, médecin suisse, Franc-maçon et occultiste, fut l’homme de la situation. Sous l’impulsion de son maître, Stanislas de Guaita, il n’a pas « inventé » un Tarot. Il a agi en véritable « restaurateur« . Il a repris le dessin traditionnel du Tarot de Marseille et y a réintroduit, avec un talent de dessinateur et une intuition d’Initié, tous les symboles ésotériques que le temps et l’usage « profane » avaient effacés ou obscurcis.

Son génie est d’avoir fait de l’iconographie un enseignement en soi. Avec lui, le Bâton du Bateleur devient une baguette magique, La Papesse reçoit son Yin-Yang, L’Impératrice son aigle alchimique, et surtout, chaque arcane majeur reçoit visiblement sa lettre hébraïque.
Le Tarot de Wirth (1889) est le premier jeu initiatique moderne, un pont parfait entre la tradition populaire (Marseille) et la haute synthèse ésotérique (Lévi, Guaita). C’est un outil de méditation où chaque trait, chaque couleur, chaque symbole a été pesé au trébuchet de la Connaissance.
Conclusion : La Vie qui appelle l’Ordre
En devenant L’Impératrice, vous avez fait le pas de la gestation à la manifestation. Vous êtes l’intelligence créatrice, la nature dans sa splendeur, la vie qui s’expanse. Vous êtes passé d’Être à Comprendre pour Créer.
Dans la tradition maçonnique, L’Impératrice n’est autre que la colonne de la Beauté, ce pilier central qui symbolise l’harmonie et la perfection dans l’œuvre initiatique. Elle incarne cette union indispensable des principes actifs (volonté) et passifs (réceptivité) pour accomplir la transmutation.
L’ouvrage « Le Tarot miroir des symboles » explore bien sûr les autres facettes de cette lame, notamment son lien avec le Verbe et l’action de l’Esprit Saint, ou la signification plus profonde de ses ailes.

Mais regardez bien cette création. Elle est magnifique, n’est-ce pas ? Luxuriante, expansive, presque trop. Une telle explosion de vie ne risque-t-elle pas de sombrer dans le chaos ?
Cette nature abondante, pour durer, a besoin d’une structure. Cette création fertile a besoin de règles pour s’organiser. La Création (III) a besoin d’une Loi (IV).
C’est la prochaine étape de notre jeu… Bientôt, l’énergie va se durcir, se stabiliser. Nous allons rencontrer la puissance de L’Empereur (IV).
Mais n’allons pas trop vite…
« Recevoir la lumière est Sagesse ; lui donner la vie est Intelligence », disait l’Impératrice.
« Le Tarot miroir des symboles »
« Recevoir la lumière est Sagesse ; lui donner la vie est Intelligence », disait l’Impératrice.
