jeu 20 novembre 2025 - 18:11

Science et initiation maçonnique

Progrès scientifique, progression initiatique, …

À ceux qui ne sont pas familiers à ce que les Franc-maçonnes et Francs-maçons entendent par progression initiatique, précisons que cette expression désigne une démarche d’approfondissement de la connaissance de soi-même, conduite en soi-même et pour soi-même, mais qui ne saurait exister sans le miroir formé par l’assemblée des Frères et des Sœurs, sans le support du Rite et des outils symboliques et rituéliques qui en sont le support.

Il est essentiel d’ajouter que cette démarche n’aurait ni sens ni valeur si cette connaissance approfondie de soi, en les façonnant, en transformant ceux qui en font le choix, ne les conduisait à transformer le monde qui les entoure.

En quoi ce progrès pour soi-même et pour l’humanité peut-il éclairer le progrès de la science ?

En quoi peut être utile à la connaissance de l’univers la recherche des Mots véritables du Maître Maçon, dont nous ne connaissons que des substituts en accédant au 3ème degré après nous être préparés aux deux degrés précédents ?

Le lien est simple, et s’impose de lui-même : la recherche du Franc-maçon comme la recherche du scientifique ont, plus ou moins directement et exclusivement, le questionnement sur l’Homme comme objet. Cela signifie que la perspective de l’homme doit être sous-jacente à toute recherche, voire en être le fondement.

Lorsque la science s’efforce de décrypter l’infiniment petit comme de décoder l’infiniment grand, de percer les mystères de l’intimité de nos cellules vivantes comme ceux de l’immensité des galaxies tournoyant dans l’espace en expansion, c’est fondamentalement pour comprendre notre environnement, notre origine, notre destinée, notre place dans la Création.

Humain parmi les humains, le scientifique ne peut échapper à sa condition, non plus qu’à ses limites. Il n’est jusqu’à sa perception de l’infini et de l’éternité par exemple qui ne soient certainement qu’un pâle reflet de ce que sont ces deux abstractions, compte tenu des limites imposées à nos sens, par rapport à ce qu’elles sont probablement dans la vérité de l’univers.

Notre rigueur, notre volonté de décrire l’univers au-delà de nos propres limites, nous conduisent sans doute à les dépasser en théorie, dans l’abstrait. Mais savoir est une chose, connaître, qui comporte une dimension d’appropriation et de conscientisation, en est une autre.

L’être humain cherche à comprendre l’univers non seulement par curiosité, mais avec l’idée d’en prévoir, voire d’en prévenir les débordements, d’en utiliser au mieux les ressources, en un mot d’y trouver sa juste ou sa meilleure place et de s’y comporter en sujet plutôt qu’en objet…

Chacun d’entre nous veut connaître et comprendre l’univers pour ne pas avoir la désespérante sensation de n’y être qu’une infinitésimale particule sans destin particulier, et sans capacité d’agir sur ce destin.

En d’autres termes, le chercheur scientifique, comme le philosophe auquel pourtant on voudrait l’opposer, mène sa quête dans un esprit où la curiosité conduit à la liberté, et à la responsabilité qui en est le corollaire.

La démarche maçonnique est initiatique et constitue à cet égard pour le chercheur un soutien, un support dont la pertinence et la convergence avec la démarche scientifique deviennent de plus en plus évidentes à mesure que l’on s’élève dans les degrés traditionnels du rite.

À ceux qui s’étonnent et jugent le propos paradoxal, on peut faire remarquer que quoique fortement ancrée dans la tradition, remontant dans ses fondements bien en amont de la constitution des premières obédiences spéculatives modernes au début du 18ème siècle, la Franc-maçonnerie, et en particulier le Rite Écossais Ancien et Accepté, est profondément tournée vers le présent et plus encore l’avenir. Le Franc-Maçon s’efforce en effet de mieux se connaître et de mieux se comprendre lui-même, de mieux connaître et de mieux comprendre l’univers qui l’entoure. Il conduit cette recherche non pas tant au plan descriptif, qui serait celui du pur observateur scientifique qu’à ce plan particulier qui a pour perspective d’améliorer son rapport à lui-même, à l’autre et au monde qui l’entoure.

La démarche initiatique a en cela quelque chose de profondément écologique au sens étymologique du terme, qui renvoie à la connaissance de l’environnement dans lequel on vit, sa « demeure » au sens large.

La démarche maçonnique initiatique se veut donc à la fois traditionnelle dans ses racines et prospective dans ses objectifs.

Et à ceux qui considèrent, sans la connaître, notre démarche comme aliénatrice de notre liberté, il est aisé de montrer comment, alors qu’elle est fortement organisée par la pratique rituélique, la Franc-maçonnerie est source de libération. C’est qu’il ne faut pas en effet se méprendre sur le rôle du rituel. Celui-ci vise uniquement à créer les conditions d’une ouverture de l’esprit à d’autres dimensions du réel que celles immédiatement perceptibles dans l’agitation du dehors.

Le rituel favorise l’écoute de soi-même et l’écoute de l’autre. L’autre dont le regard sur le monde aide à construire le sien propre, en le confortant ou en le contredisant, peu importe, mais toujours en l’enrichissant. Le rituel est ainsi source de liberté de pensée, d’autant qu’il ne véhicule aucune vérité dogmatique à laquelle chacun devrait se soumettre.

Mais comment défendre cette idée alors que nos travaux sont obligatoirement ouverts « à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers ». Cette invocation obligée ne constitue-t-elle pas un dogme ?

Il est clair qu’il faut voir dans le Grand Architecte un principe organisateur et non nécessairement une divinité, a fortiori une divinité révélée, sans toutefois réfuter cette conception. Affirmer que l’univers est organisé, ordonné selon des règles que l’on peut décrire par les outils des sciences, ne suppose ni n’interdit aucune croyance, ne requiert ni ne fait obstacle à aucune foi particulière ni à aucune pratique religieuse quelle qu’elle soit.

La Franc-maçonnerie, en, particulier de Rite Écossais Ancien et Accepté, en se plaçant sous l’invocation du Grand Architecte de l’Univers, respecte et encourage la liberté de chacun de ses membres à donner à ce principe la dimension qui correspond à ses propres convictions spirituelles. Cette attitude ne doit pas être confondue avec les positions, radicales et souvent militantes au point d’en devenir paradoxalement dogmatiques, d’autres obédiences se réclamant dans notre pays de l’héritage maçonnique.

Au demeurant, dans cette conception du principe que nous nommons Grand Architecte, il est fait référence à un ordre, à des lois mathématiques, physiques, chimiques, qui régissent l’évolution et le fonctionnement de l’univers en chacune de ses composantes et de ses structures depuis l’origine et sans que l’on puisse leur envisager un terme ni dans le temps ni dans l’espace.

Dès lors, la relation entre démarche maçonnique initiatique et démarche scientifique apparaît pour ce qu’elle a d’ontologique et d’intrinsèque. Et la revendication, l’impérieuse nécessité de placer l’homme au centre de la démarche scientifique se justifie de la même manière qu’il est par nature au centre de la démarche maçonnique initiatique.

Le domaine de la recherche et de la science que je connais un peu de par mes activités profanes est celui de la médecine. C’est naturellement sur la recherche en biologie et en médecine que je m’appuierai pour la suite de mon propos.

Si je reviens à la notion de « placer l’homme au centre », j’exprime ma foi en ce qu’il est convenu d’appeler une médecine humaniste.

Qu’est-ce que l’humanisme, que signifie « une médecine humaniste » ?

Par « humanisme », nous entendons précisément « qui met l’homme au centre de ses préoccupations ». Il s’agit de prendre en compte la globalité de l’individu et plus particulièrement, s’agissant de médecine, de considérer non seulement sa maladie, au sens limité de ses symptômes, mais au-delà son être tout entier, son individualité sociale, ses croyances, ses sentiments…

L’Organisation Mondiale de la Santé elle-même veut s’inscrire dans cette perspective globale, voire holistique, puisque sa Charte fondatrice, dès 1948, définissait la santé comme « un état global de bien-être physique, mental et social,  et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

Hormis les décès fortuits et purement accidentels, nul être vivant n’est en parfaite santé pour basculer brutalement dans la maladie au stade ultime. À l’inverse, un individu même très gravement malade possède encore bien des organes, bien des fonctions, en parfait état de santé. En fait, chaque individu, à chaque instant de sa vie, se trouve à une certaine distance, quasi-constamment variable, entre les deux pôles que sont la santé parfaite et la maladie extrême.

Sur l’échelle que constitue ce continuum santé – maladie, la position d’un être humain est ainsi le résultat d’une interaction, résultant de facteurs internes et externes, personnels et environnementaux. Ceux-ci vont en permanence stimuler ou limiter les effets de la lutte du sujet contre les atteintes à sa santé. Parmi les facteurs influençant la réponse de l’individu aux agressions pathogènes, d’où qu’elles viennent et quelle qu’en soit la nature, y compris l’éventuel déterminisme génétique, on sait aujourd’hui qu’interviennent son contexte social et son parcours de vie.

La médecine humaniste est celle qui s’efforce de prendre en compte ces diverses composantes.

Il s’agit bien de rechercher les moyens de préserver ou de rétablir la santé de chaque individu mais aussi la santé de la collectivité telle que s’en préoccupe cette discipline qu’est la santé publique – trop méconnue sauf en période de crise de la vache folle, de chikungunya, de dengue, de Covid ou de grippe aviaire… – en mettant l’homme au centre dans toutes ses dimensions et non seulement dans celle simplement de « malade » ou, pire encore, celle qui ne serait que technicienne, ne s’intéressant qu’à la seule maladie.

À cet égard, le médecin et en particulier le médecin chercheur qui s’inscrit dans le cheminement initiatique du R.E.A.A. se sent soutenu et conforté dans sa démarche professionnelle.

Il n’y a ni confusion des genres ni dérive sectaire d’aucune sorte, qui pourrait conduire, au contraire de l’objectif poursuivi, à un rétrécissement du champ de conscience et d’investigation au nom d’on ne sait quel a priori dogmatique. Au contraire, il résulte de la simultanéité des deux démarches, des deux engagements, une plus grande ouverture, une sensibilisation à davantage d’aspects du questionnement, une fertilisation croisée dynamique, une synergie féconde qui permet de donner du sens au progrès.

Plus que tout autre chercheur sans doute, le chercheur en santé ne cherche pas « dans l’absolu » d’une science désincarnée. Le sujet de sa démarche l’incite à se souvenir qu’il est un homme au service d’autres hommes. Et que cette dimension d’homme ne se limite pas à une séquence de paramètres biologiques.

Mais tous les chercheurs en médecine ne sont pas Francs-maçons. Pour autant qu’elles sont largement le fait de chercheurs profanes,  la médecine et la recherche biomédicale peuvent-elle méconnaître l’homme ?

 Ainsi posée, la question paraît n’être qu’une provocation stupide: il semble évident que la médecine et la recherche en médecine et en biologie humaine ont l’homme pour objet et sa santé pour finalité.

Pourtant, à y regarder de plus près, de nombreuses carences voire de nombreuses dérives doivent alerter celui qui entend cultiver à la fois la vertu du soignant, la légitime curiosité du chercheur et les valeurs éthiques qui expriment un humanisme bien compris.

Ainsi, chacun se réjouit de voir nos pays développés offrir à tous un accès aux soins relativement équitable. Chacun apprécie ainsi le progrès que constitue l’organisation d’un système de santé efficace et accessible. Pourtant, il suffit d’interroger certains patients sortant d’un hôpital pour les entendre simultanément louer la qualité technique des soins et la carence humaine du système hospitalier. Devenus des numéros, ils ont été pris en charge par des techniciens, anonymes malgré leur badge, dans des usines à produire du soin. Comme le dénonçait un jour l’un d’entre eux : « Il n’y a personne dans cet énorme endroit. Aucun être humain. Ni malade ni soignant; rien que des fonctions ! ». Entouré de dizaines de professionnels le plus souvent irréprochables dans leur compétence technique, le malade est désespérément seul.

Même la mort, pourtant un moment essentiel de la vie, un moment qui devrait être sacré car en quelque sorte l’apogée de notre condition d’homme, est ramenée à une dimension technique, évacuée, cachée. Est-ce à dire que la médecine, lorsque la technicité à laquelle elle s’est elle-même laissée réduire n’a pu traiter la maladie, a soudain honte d’avoir échoué ?

Ici encore, l’engagement maçonnique conforte le soignant qui entend aller plus loin que la seule prestation technique que l’on attend de lui. La charité, cette vertu « théologale » essentielle que le Franc-Maçon apprend à cultiver et sur le sens de laquelle il travaille longuement, a ici celui de prise en compte globale de l’homme qui souffre et qui va mourir. Écoute, présence, en un mot, Amour. C’est le sens profond que les Franc-maçonnes et Francs-Maçons donnent au mot Fraternité.

Si le médecin doit éviter de trop s’investir dans le destin individuel de chacun de ses patients, sous peine de risquer de s’y consumer, il me semble qu’il a le devoir de prodiguer, outre les soins que la technique met à sa disposition, ce remède sublime qu’est l’Amour, ne serait-ce que par quelques regards, quelques attitudes simples mais ô combien signifiantes face à la terrible solitude de celui qui sait que son terme est proche.

En matière de recherche médicale, la relation au malade n’a pas – ou pas seulement – ce caractère personnel « d’âme à âme » autant que d’homme à homme. Elle prend une dimension à la fois collective et prospective. L’humanisme va donc s’y exprimer autrement, et en particulier selon deux axes, celui de l’orientation de la recherche et celui du rapport entre expérimentateur et sujet d’expérimentation.

Condamner le profit en santé, et en particulier dénoncer les firmes pharmaceutiques au motif qu’elles gagneraient trop d’argent « sur le dos de la misère humaine » n’est pas sérieux. Les entreprises du médicament affichent une profitabilité convenable et suffisante à maintenir la confiance des investisseurs dans le monde d’économie libérale dans lequel nous vivons. Qu’on le veuille ou non, la perspective de profits potentiels est un puissant moteur de la créativité, en matière de recherche pharmaceutique comme dans bien d’autres domaines. Le caractère extrêmement aléatoire du processus, qui nécessite aujourd’hui pour un seul médicament d’investir près d’un milliard d’euros sur 10 ans, doit conduire à réviser bien des jugements hâtifs.

Reste que tandis que certaines firmes ne se concentrent que sur les seuls marchés à fort potentiel, d’autres équilibrent leur pipe-line de recherche entre molécules destinées aux pathologies les plus lourdes et les plus fréquentes dans les pays développés et solvables et d’autres permettant de lutter contre des fléaux moins fréquents ou survenant dans des pays au statut économique plus précaire. L’humanisme, ici, consiste pour celui qui en a la responsabilité ou qui y a quelque influence, à infléchir le choix vers davantage d’équilibre entre médicaments susceptibles d’engendrer une profitabilité majeure ou en tous cas significative et médicaments destinés à traiter des populations à l’abandon, sans espoir de véritable retour sur l’investissement consenti.

Il faut saluer ici les actions entreprises par les pouvoirs publics en faveur des « médicaments orphelins » dirigés contre les maladies rares,  ou encore des « médicaments génériques essentiels » destinés aux pays en développement. Mais il convient d’aller plus loin, sans mettre en péril toutefois l’équilibre et le dynamisme économique des firmes concernées. La pérennité même de ces firmes est en jeu, et avec elle leur capacité à créer l’innovation que médecins et malades attendent.

Sans avoir en la matière une quelconque exclusivité, force est de constater que de nombreux Franc-maçonnes et Francs-maçons se trouvent impliqués dans ces démarches de recentrage, conscients de leur responsabilité à la fois dans la performance de leurs entreprises et dans le progrès à offrir en partage à l’humanité.

Il en est de même dans les diverses commissions et instances soucieuses d’éthique en matière de recherche biomédicale. La notion de consentement éclairé, l’équité en matière d’accès aux nouvelles solutions thérapeutiques, sont représentatifs de ces préoccupations vers lesquelles la réflexion maçonnique oriente en quelque sorte naturellement.

En ces temps où les impératifs économiques, pour légitimes qu’ils soient, paraissent être le seul moteur du monde, l’éthique, bien comprise, a vocation à en être l’ultime – et dans bien des cas le seul – contrepoids. Il faut en effet trouver le cadre et les limites de la jonction entre les nouveaux savoirs et le marché. Il faut qu’une réflexion, capable de se traduire en action, soit poursuivie pour maintenir son caractère sacré à la vie , et aux moyens de sa préservation.

Peut-on, au nom du progrès, faire commerce de tout ? Par exemple, comment se définir par rapport à la question des banques d’information et de matériel génétiques ?

Ces banques, indispensables à la recherche en génomique, sont au cœur d’interrogations éthiques d’autant plus prégnantes que, comme l’a écrit le regretté généticien Axel Kahn : « le gène est devenu une véritable matière première, comme le pétrole ou l’uranium. Du coup, ces banques d’ADN sont bien souvent, à travers le monde, devenues des marchandises qui se négocient fort cher ». Quelles limites définir ? Par quelles instances, sur quel territoire et pour quelle durée ? Au risque de quelles sanctions en cas d’infraction ?

Si l’on considère le champ de la santé publique, le questionnement éthique y joue un rôle tout aussi essentiel. Les politiques de prévention et de soins ne peuvent faire l’économie de ces interrogations. On se souvient par exemple des inquiétudes soulevées quant à la possible discrimination des porteurs du virus VIH. De plus en plus, les instances en charge de ces questions imposent des politiques respectueuses des droits des patients et condamnant toute forme de marginalisation. La loi française comme les textes européens ont considérablement évolué sur ces points, dans une démarche visant à « placer les droits de l’homme au centre des politiques sanitaires, à l’heure où les problèmes d’accès aux soins, comme les évolutions de la biologie et des techniques médicales, peuvent menacer la dignité et les libertés individuelles ».

Il n’est pas nécessaire d’insister ici sur les enjeux et l’importance d’une telle démarche, ni sur l’intérêt de soutenir la réflexion de tous ceux qui y sont impliqués. Il faut donner à ces responsables dont les choix engagent l’avenir de notre société l’opportunité de mieux évaluer les interactions entre les diverses valeurs et les divers impératifs à prendre en compte. Le travail maçonnique crée les conditions et ouvre des pistes pour de telles évaluations, en invitant à se poser sans cesse la question des valeurs et du sens de l’action. La  franc-Maçonne ou le Franc-Maçon cherche à devenir un être de connaissance, cherchant avec la même ardeur à être un être de conscience.

Dire que nous cherchons à être êtres de conscience revient à dire que nous sommes en recherche de sens. Sens de notre vie, sens de la vie.

Nous cherchons à comprendre ce qui nous anime au plus profond de nous-mêmes, pour contenir les bas instincts qui sont la réminiscence de ces mauvais Compagnons si difficiles à éradiquer définitivement. Nous cherchons à donner du sens à notre vie en nous fondant sur des valeurs qui s’appellent Liberté, Égalité Fraternité, mais aussi Loyauté, Probité, Rigueur, pour ne citer que celles-là.

Cette quête de sens, ce retour vers les valeurs n’est pas l’apanage des seuls Francs-maçons, et faire le constat que notre monde contemporain semble en quête de sens et de valeurs n’est guère original. Mais il faut relever le paradoxe que représente la simultanéité de l’accroissement de cet appauvrissement spirituel et moral avec une progression exponentielle de la prospérité économique et des savoirs scientifiques et techniques.
Il y a là un dramatique et dangereux « effet de ciseau ». Il nous revient donc d’appeler les chercheurs et les institutions, tant publiques que privées, en charge de la recherche biomédicale et pharmaceutique à cultiver cette synergie, cette symbiose féconde entre science et conscience dans la pratique de leur expertise.

Il n’est pas nécessaire pour cela qu’ils se convertissent à un culte quelconque. Il leur suffit d’inscrire leur expertise dans un ensemble de connaissances plus vaste. Dans une telle démarche, transdisciplinaire, ils ne pourront méconnaître l’homme. S’ils savent ne jamais le perdre de vue, ils seront devenus humanistes, sans rien perdre ni compromettre de leur statut d’expert.

La démarche humaniste qui est celle à laquelle invite la franc-maçonnerie initiatique, précisément parce qu’elle vise « le bonheur de l’humanité » dans le sens le plus global et le plus complet de l’expression, cherche à faire coïncider amélioration du statut moral et amélioration du statut matériel.

Le Rite Écossais Ancien et Accepté tel que le pratiquent les plus importantes obédiences maçonniques dans le monde – ne se mêle ni de politique « politicienne » ni de revendications sociales à la manière d’un syndicat ou d’un parti.

Mais il œuvre au progrès et au bonheur de l’humanité en fortifiant dans le cœur et l’esprit de chaque Frère cette conscience mais aussi cette dimension de la transcendance.

Car l’humanisme a un fondement et des développements spirituels.

« Spiritualité », le mot est lâché. Et certains de le rapprocher voire de le confondre avec Religion. Or la Franc-Maçonnerie n’est ni le prolongement ni l’antithèse de la pensée religieuse. Elle n’en est pas non plus le syncrétisme, c’est à dire la fusion.

La Franc-maçonnerie est cependant spirituelle et spiritualiste en ce qu’elle invite les Frères et les Sœurs qu’elle initie à des activités qui se rapportent à l’esprit et à sa vie ; au sens de l’expression vie de l’esprit .

Ainsi la spiritualité désigne, au-delà de visions religieuses ou mystiques, la capacité que possède l’être humain de s’interroger sur son existence et sur sa place dans l’univers.  

À ce titre, la Franc-maçonnerie n’apporte aucune réponse toute faite et s’affirme comme une philosophie de la question.

Ainsi, pour celui qui est à la fois scientifique et Franc-Maçon, son enjeu en tant que chercheur/cherchant est de s’efforcer de tendre vers le meilleur équilibre entre humanisme et utilitarisme.

Cette logique est celle du questionnement permanent, du refus des certitudes immuables et pré-établies, des jugements définitifs et préconçus.

Là sont les lumières que doit apporter à ce siècle la Franc-maçonnerie initiatique.

Notre progression initiatique fait de nous par nature des cherchants, en quête de Connaissance. La démarche du scientifique le conduit au statut de chercheur, en quête de Savoir.

Les deux démarches ne s’opposent pas, mais se complètent.

Celle-ci, c’est-à-dire notre démarche de cherchant, en quelque sorte, a vocation à structurer le champ de celle-là, la démarche du chercheur à en organiser le sens, en ne s’imposant qu’une seule contrainte, toutefois essentielle :

avoir l’homme, l’humanité, leur bonheur et leur progrès pour finalité.

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Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski, initié en 1984, a occupé divers plateaux, au GODF puis à la GLDF, dont il a été député puis Grand Chancelier, et Grand- Maître honoris causa. Membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, admis au 33ème degré en 2014, il a présidé divers ateliers, jusqu’au 31°, avant d’adhérer à la GLCS. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur le symbolisme, l’histoire, la spiritualité et la philosophie maçonniques. Médecin, spécialiste hospitalier en médecine interne, enseignant à l’Université Paris-Saclay après avoir complété ses formations en sciences politiques, en économie et en informatique, il est conseiller d’instances publiques et privées du secteur de la santé, tant françaises qu’européennes et internationales.

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