dim 12 octobre 2025 - 17:10

Le point de rencontre

De notre confrère italien expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Il n’y a pas de chemin initiatique sans attirance vers un centre. Il n’y a pas de Franc-maçonnerie sans la recherche d’un lieu sacré où tout se rassemble, se réconcilie et se transmute. Ce lieu n’est pas sur une carte, il n’a ni murs ni frontières, et pourtant chaque vrai Frère et chaque Sœur authentique l’a cherché et, parfois, l’a entrevu. C’est le point de rencontre. Non pas un espace physique, mais un… Un point qui se trouve dans chaque cérémonie, chaque geste rituel, chaque mot prononcé en silence.

C’est l’ umbilicus mundi , le centre symbolique d’où tout émane et vers lequel tout retourne. C’est la lumière dans la chambre noire. La graine qui porte en elle la mémoire de l’arbre. La Franc-maçonnerie a toujours attribué une valeur inestimable au concept d’équilibre et de centralité.

Ce n’est pas un hasard si dans de nombreuses loges est évoqué le symbolisme du point à l’intérieur du cercle : une image parfaite de l’homme qui, placé au centre de son propre univers, affronte les limites, les directions et les frontières qui l’entourent.

Au milieu des statistiques virtuelles.

La vertu se trouve au milieu.

les Latins avaient déjà prévenu. Et ce moyen n’est pas la médiocrité, mais l’art subtil de savoir rester ferme au cœur des polarités.

Éliphas Lévi, maître de l’occultisme du XIXe siècle, a écrit :

Le point est le commencement. Sans point, pas de ligne ; sans ligne, pas de surface ; sans surface, pas de corps. Ainsi, le point est l’origine de toute création.

Ici, nous pouvons percevoir le lien entre microcosme et macrocosme : chaque individu, en tant que point, contient en lui-même le potentiel infini du Tout. Trouver le point de rencontre, c’est alors retrouver sa nature la plus authentique, le lien secret qui nous unit au cosmos.

Dans le monde maçonnique, le point de rencontre est la réponse à une fracture originelle. L’homme est divisé, séparé : de lui-même, des autres, du divin. Le rituel existe pour guérir cette fracture. Non pas pour l’effacer, mais pour l’illuminer.

Réconciliatio oppositorum.

Réconcilier les contraires.

C’est l’œuvre de l’Initié.

Feu et eau, Soleil et Lune, parole et silence. Et ce n’est qu’au milieu, au cœur battant du Temple, que cela est possible. La plus puissante des vérités initiatiques se cache dans le sol à damier, qui comprend à la fois le noir et le blanc : le centre ne juge pas, le centre intègre.

Pourtant, on n’atteint pas le centre en restant immobile. Il faut marcher, trébucher, s’effondrer, et seulement alors, retrouver son calme. Il ne suffit pas de dire « Je veux te rencontrer » : il faut être prêt à être rencontré, à être transformé.

Le point de rencontre, dans son essence maçonnique, est le lieu de la transmutation. Il ne s’agit pas de médiation, mais de fusion. Non pas de compromis, mais d’élévation. C’est la flamme bleue qui n’apparaît que lorsque deux polarités opposées cessent de se combattre et choisissent de se reconnaître.

Jung parle d’ individuation : le processus par lequel on devient soi-même en incluant ce qu’on a rejeté.

Quod in aliis videmus, in nobis agnoscimus

Ce que nous voyons chez les autres est ce que nous n’avons pas encore reconnu chez nous-mêmes.

En Franc-maçonnerie, cela se produit chaque fois qu’une Loge s’ouvre, chaque fois que les Lumières sont allumées, chaque fois que des mains sont enchaînées. C’est bien plus qu’un rituel formel. C’est une liturgie de la conscience.

Quand les frères trinquent

Aux pauvres et aux affligés dispersés sur terre et sur mer

ils prononcent une ancienne formule alchimique :

Je vois dans l’autre le fragment de moi-même que j’ai oublié.

Pas très Covid friendly, tout ça!

Même le banquet, l’Agapè, n’est pas seulement convivialité. C’est l’épiphanie du point de rencontre. La table, disposée en fer à cheval ou en demi-cercle, orientée selon les mouvements célestes, devient le lieu où s’entremêlent espace sacré et temps mythique.

La nourriture nourrit non seulement le corps, mais évoque aussi des souvenirs archétypaux : l’œuf, la renaissance ; le pain, le partage ; le vin, le sacrifice et la joie. Chaque geste à table fait écho à d’anciens mystères. Et le silence qui ponctue les toasts est peut-être la plus puissante des rencontres.

Dans le Corpus Hermeticum, nous lisons :

Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.

Le point de rencontre est le seul endroit où cette vérité se révèle pleinement. C’est l’instant où ce qui semblait lointain – le ciel, le sens, l’autre – devient proche, intérieur, palpable. C’est le centre où le Divin se laisse toucher.

C’est pourquoi le Maçon ne cherche pas la vérité à l’extérieur : il la construit au centre, au cœur du Temple et dans le cœur de son Frère. Le centre n’est jamais un point d’arrivée. C’est une invitation éternelle. Un magnétisme qui nous maintient en vie, agités, vigilants.

Le point de rencontre est, en fin de compte, une promesse. Que, malgré les fragilités du monde, nous pouvons encore trouver un lieu où nous pouvons être entiers. Où les mots ne séparent pas, mais unissent. Où le silence est présence, non absence. Où la Lumière n’aveugle pas, mais guide.

Et peut-être, Frère, Sœur, sommes-nous ce point. Chaque fois que nous choisissons le chemin difficile de l’Écoute. Chaque fois que nous rompons le pain, sans jugement. Chaque fois que nous construisons des ponts, sans frontières.

Dans ces moments-là, ne serait-ce que pour un instant, le monde se rassemble à nouveau. Et le centre brille, unissant tout.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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