jeu 09 octobre 2025 - 17:10

Les Règles : balustrades de la voie maçonnique

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

En Franc-Maçonnerie, le mot « règle » n’est jamais neutre. Il ne désigne ni une simple prescription écrite, ni une imposition aveugle à laquelle il faut obéir sans comprendre. C’est un chemin, une frontière qui n’étouffe pas, mais qui guide ; une ligne fine mais forte qui nous accompagne dans le voyage initiatique.

Sans règles, aucune maison ne peut être construite ; sans proportion, aucun temple ne peut tenir debout.

C’est Vitruve, maître de l’architecture et de l’harmonie, qui l’a écrit. De même, sans règles, aucune communauté maçonnique ne peut vivre, grandir et progresser. Il faut cependant le préciser : en Franc-Maçonnerie, les règles ne sont pas contraignantes au sens profane du terme. Personne ne nous menace par la force ou par une loi extérieure. Elles n’ont pas le caractère coercitif du droit civil ou pénal.

Leur force est différente, plus subtile et en même temps plus profonde : c’est la vigueur de la conscience, de la discipline intérieure, de la libre adhésion. La règle maçonnique ne nous enchaîne pas ; elle nous élève. Elle ne nous limite pas ; elle nous guide. Elle ne nous réduit pas ; elle nous façonne.

Le pont du Golden Gate ( litt. « Pont de la porte dorée »)

Imaginez-vous traverser un pont suspendu. Le seul moyen d’éviter la chute est de s’appuyer sur les garde-corps qui l’entourent. Ils n’entravent ni notre progression, ni notre progression ; au contraire, ils permettent de traverser. Telle est la règle : la garde-corps de l’Âme.

Sans règles, le système maçonnique se désintégrerait en une myriade de directions chaotiques, tel du sable emporté par le vent. Grâce à elles, cependant, le Temple intérieur et collectif demeure solide, harmonieux, capable de défier le temps.

Ce n’est pas un hasard si le terme latin regula dérive de regere , qui signifie guider, diriger, mais aussi de rex , celui qui maintient la ligne droite, qui garantit l’ordre du cosmos.

La règle est ce qui dirige le rectum.

Route de montagne saison été et hiver
Route de montagne saison été et hiver

Les juristes romains le disaient : la règle est ce qui guide sur le droit chemin.

On dit souvent que la franc-maçonnerie est un espace de liberté absolue. C’est vrai, mais pas au sens d’anarchie. La liberté ne signifie pas l’absence de règles, mais plutôt la capacité d’agir consciemment dans un cadre qui donne un sens à l’action elle-même.

La véritable liberté consiste à obéir à la loi que l’on s’est donnée.

Jean-Jacques Rousseau

Et dans la Loge, les règles ne sont pas imposées de l’extérieur : elles sont le fruit de siècles de tradition, d’expérience, d’erreurs et de victoires. Elles représentent la mémoire vivante de l’Ordre. Sans elles, point de progrès, seulement du désordre ; point de continuité, seulement de la fragmentation. Sans règles, même les symboles perdraient leur sens, devenant des images muettes et sans direction.

Pourtant, la vie maçonnique nous enseigne qu’une règle peut être transgressée. Non par insouciance, ni par rébellion stérile, mais parce que, à ce moment précis, historique ou personnel, la règle elle-même doit être repensée, réinterprétée, adaptée. Dans ce cas, la transgression n’est jamais silencieuse ni cachée : elle doit être expliquée, argumentée, partagée.

« Toute action est accomplie en vue d’une fin », nous rappelle saint Thomas : chaque action est accomplie avec une fin en tête. Et si cette fin demeure l’harmonie, la croissance, la vérité, même la transgression d’une règle peut devenir un moment d’élévation, à condition d’être comprise et justifiée.

Rien n’est plus dangereux qu’une infraction non déclarée, un acte qui rompt le pacte commun sans explication. En Franc-Maçonnerie, la transparence fait partie intégrante de la règle : nous agissons et nous expliquons ; nous commettons des erreurs et nous acquiesçons ; nous nous écartons, mais toujours pour trouver une voie plus juste.

La tension entre la règle et la liberté est aussi vieille que l’homme.

La modération est la meilleure des choses.

Hésiode
Platon et Aristote philosophant

Platon, au contraire, parlait du kosmos , de l’ordre, comme condition de toute beauté. La franc-maçonnerie, dans sa sagesse ancestrale, n’élimine pas cette tension : elle la préserve, la cultive et la rend fructueuse.

Être libre sans règles, c’est être prisonnier de l’arbitraire. Être lié par des règles sans liberté, c’est être esclave de la lettre. La voie maçonnique, cependant, est celle du juste milieu : des règles vécues comme des instruments de liberté, une liberté exercée dans le respect des règles.

En ce sens, la règle est véritablement notre boussole intérieure : elle ne nous oblige pas, mais nous indique un cercle ; elle ne nous contraint pas, mais nous guide.

Les anciennes Constitutions d’Anderson de 1723 rappellent :

Un maçon est obligé, par sa condition, d’obéir à la loi morale ; et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux.

Ici, le mot « obligé » n’indique pas une soumission servile, mais la reconnaissance d’une vérité supérieure, qui s’exprime à travers des règles partagées.

Et saint Benoît, dans le Prologue de sa Regula Monachorum , affirmait :

Rien d’aspera nobis videatur pro Christo.

Rien ne devrait paraître dur s’il est vécu au nom d’un but supérieur. Il en va de même en Franc-maçonnerie : la règle, vue avec les yeux de l’esprit, n’est pas un fardeau, mais un soulagement, pas une chaîne, mais un soutien.

Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus fluide et fragmenté, parler de règles peut paraître impopulaire, mais c’est précisément pour cette raison que la Franc-Maçonnerie se doit d’en réaffirmer la valeur. Les règles sont le pilier qui soutient la proue, le fil à plomb qui maintient l’édifice debout, la boussole qui empêche le navire de se perdre dans les mers houleuses.

Fiat lux : que la lumière soit et la lumière brille à travers la règle.

Ceux qui adhèrent à la Franc-Maçonnerie ne renoncent pas à la liberté ; au contraire, ils la redécouvrent dans sa forme la plus authentique : celle qui naît du respect des règles partagées, de la discipline du cœur, de l’écoute de la Tradition.

Car sans règles, aucun temple ne peut être construit, ni de pierre ni d’esprit. Avec elles, cependant, nous pouvons construire cette cathédrale intérieure qui est le véritable but de notre cheminement.

Ainsi, Sœurs et Frères, gardons nos règles. Reconnaissons-les, aimons-les, expliquons-les si nécessaire.

Elles sont nos garde-fous, notre guide, notre force silencieuse. Sans elles, aucun chemin n’est possible. Avec elles, chaque chemin devient lumière.

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