mer 08 octobre 2025 - 21:10

Être Franc-maçon : un engagement humaniste et solidaire

Le lieu dans lequel se réunissent les Francs-Maçons s’appelle un Temple. Les Francs-maçons qui s’y rassemblent sont des Frères et des Sœurs. Ils travaillent en suivant les principes d’un Rite, dit « Ecossais Ancien et Accepté » dont le détail a été fixé il y a plus de 120 ans, sur des bases vieilles de plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires.

Certains pourraient croire que la Franc-maçonnerie est un ordre religieux, quand d’autres sont persuadés qu’il s’agit au contraire d’un ordre anti-religieux. En réalité, ce n’est ni l’un ni l’autre. La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité

La Franc-maçonnerie dite « spéculative » telle que nous la connaissons aujourd’hui a repris ou n’a cessé de perpétuer nombre de traditions des guildes et corporations de maçons du Moyen-âge, organisés en loges opératives. Les Devoirs auxquels s’obligeaient les hommes de métier, tels que les décrivent les anciens manuscrits du 14ème, du 15ème et du 16ème siècles,  créaient entre eux une solidarité explicite.

Les règles de l’Art royal n’étaient transmises qu’à ceux qui en étaient jugés dignes, de manière progressive et sous le sceau du secret le plus absolu. Lorsque des membres non professionnels, nobles ou notables locaux, vinrent à être acceptés dans ces Loges, ils furent à leur tour instruits de ces secrets en même temps que des devoirs qui s’imposaient aux membres. Peu à peu, se créèrent des Loges dont les hommes de métier étaient absents, mais leur héritage demeurait le ciment liant les membres acceptés, désormais entre eux, qu’il s’agisse des traditions et des usages.

Le mot d’Ordre, qui désigne une institution, mérite d’être explicité : ordre désigne à la fois l’association, la collectivité organisée et hiérarchisée, en même temps que le principe d’organisation, au sens d’agencement, de discipline, de paix et d’harmonie. Tout en se gardant de confondre le mot et les idées qu’il véhicule, on conviendra que cette dualité sémantique mérite d’être explicitée. Si l’on en juge par les dictionnaires, le mot « ordre » a une pluralité de sens, dont on voit pourtant qu’ils procèdent d’une même idée fondamentale.  Ils renvoient ici aux ordres de chevalerie ainsi qu’aux religieux ou professionnels.

Ainsi, la Franc-maçonnerie est un Ordre, une organisation structurée et hiérarchisée.

Chacune de nos loges est un groupe d’hommes et/ou de femmes qui choisissent librement de se lier à la structure qui les rassemble par serment, chacun s’engageant à respecter certaines règles non seulement le temps qu’ils passent ensemble mais au-delà, dans leur vie quotidienne, faisant preuve d’exemplarité au nom de principes et de valeurs qui se traduisent en une éthique sans compromis.

Le Serment (Dionysos Tsokos, 1849) illustre une cérémonie d’initiation : le pope semble être Grigórios Phléssas, le combattant Theódoros Kolokotrónis.

La notion de serment librement prêté, d’allégeance librement consentie en pleine conscience, est constitutive de la démarche du Franc-maçon. Le besoin de règles est tout autant essentiel. L’univers est ordonné, par des lois immuables. Les Francs-maçons les attribuent à un Principe Créateur qu’ils appellent Grand Architecte de l’Univers, pour laisser chacun libre de sa foi, de ses convictions religieuses, de sa pratique ou de sa non-pratique. Car la liberté de pensée et de croyance est essentielle.

Sans liberté, point de responsabilité. Sans responsabilité, point de valeur morale aux pensées non plus qu’aux actions. Mais sans serment, point d’engagement véritable. L’engagement est lui aussi constitutif de la responsabilité.

La voie maçonnique est une voie spirituelle, une voie de libération, une voie de responsabilisation. C’est un engagement.

Un engagement qui laisse à chacun de ceux qui s’y engagent la liberté de ses conceptions métaphysiques ou religieuses, en même temps qu’elle est une invitation à se déterminer à progresser vers la part d’universel et d’intemporel dont chaque élément de la Création, chaque être humain notamment, est porteur. C’est précisément en cela que la voie que propose l’Ordre maçonnique tel que nous la concevons n’est pas opposée à celle qu’offrent les religions. Mais elle n’y est pas davantage assujettie.

Les règles qui régissent les mouvements des astres, comme la vie des espèces animales qui peuplent notre planète – la nôtre y comprise bien sûr –  sont pour l’essentiel intangibles, ces dernières n’évoluant que pour refléter les évolutions de leur environnement ou pallier d’éventuelles lacunes.

Les règles sont nécessaires pour éviter l’anarchie et la vaine dispersion des énergies. Mais parce qu’elles sont partagées et qu’elles s’imposent à tous de la même façon, les règles sont aussi un facteur de cohésion du groupe ainsi qu’un vecteur d’équité. Une société où règne l’équité est davantage encline à la paix et à l’harmonie. Pour un groupe d’homme qui se voue à la recherche, l’Ordre est le gage d’une indispensable et fructueuse sérénité.

On comprend aussi que la spiritualité n’est pas seulement un champ de recherche ou d’expériences intérieures, mais bien la source vivante de valeurs éthiques, le fondement d’un humanisme authentique. En clair, celui ou celle qui s’engage en Franc-maçonnerie s’engage par là même à adopter et à conserver une posture fondée sur une véritable ouverture à l’autre, qui procède de la conscience au plus profond de soi d’une même filiation. Même s’il est évident que l’élévation spirituelle, le recours au symbolisme ou à des mythes sont des composantes essentielles, pour ne pas dire constitutives, de l’engagement maçonnique, il va de soi que tout Maçon, toute Maçonne, se doit de prolonger au dehors l’œuvre commencée dans le Temple.

En d’autres termes, l’engagement maçonnique ne se limite pas à deux, trois ou quatre fois trois heures dans le mois ; c‘est un engament permanent, qui doit se manifester dans tous les actes de la vie, personnelle comme professionnelle. Il faut donc convenir de ce que le passage du monde sacré au monde profane, est une alternance qui nous permet de progresser, non seulement dans notre cheminement maçonnique mais aussi, et peut-être surtout dans notre vie quotidienne.

L’engagement du maçon ne serait qu’une mascarade s’il se limitait à l’espace de la Loge. C’est en dehors du Temple que les vérités acquises sur les colonnes peuvent et doivent avoir des applications pratiques. La réflexion symbolique et l’implication sociale, certes rigoureusement séparées, sont indispensables l’une à l’autre. Le travail symbolique prend tout son sens s’il nourrit un combat de tous les instants, au sein de sa famille, de son immeuble, de son travail, de son pays…

Pierre-Marie Adam ancien Grand Maître de la GLDF

En fait, un Franc-Maçon n’est rien s’il n’est qu’un homme qui conduit une réflexion métaphysique sur le sens de sa vie. Il lui faut aussi être utilement un humaniste qui apporte sa contribution solidaire au monde qui l’entoure. Comme l’a résumé un ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, Pierre-Marie Adam : « c’est parce que nous nous améliorons nous-mêmes que nous pouvons être et agir différemment, y compris dans le monde. Outre travailler sur le plan symbolique et initiatique, nous nous intéressons évidemment aux progrès du monde, à la technique, la bioéthique, la laïcité, etc. Toutes les grandes questions qui sont la vie en société, l’humanité. »

Les Francs-maçons et Franc-maçonnes réfléchissent à la place que nous devrons avoir dans la société de demain. Ils réfléchissent à ce que nous aurons à dire puisque nous sommes régulièrement interrogés en tant que groupe de pensée.   Ils réfléchissent à comment construire un monde plus équitable, moins discriminant, plus égalitaire. Quelles que soient les différences qui, naturellement et très heureusement, nous distinguent, nous partageons les mêmes idées sur l’engagement, la solidarité, l’égalité entre tous les hommes, comme sur l’exemplarité de la maçonnerie.

En clair, au-delà de notre diversité, nous sommes un groupe d’humains qui partageons les mêmes grandes aspirations, qui respectons et promouvons  un cadre moral acceptable par tous, commun à tous, et qui place l’Homme au milieu de son projet, mais aussi au centre de son écosystème afin qu’il le protège.

C’est ce que disait Claude Saliceti, auteur de « Humanisme, franc-maçonnerie et spiritualité » (Puf), et de « L’humanisme a-t-il un avenir ? » (Dervy) lorsqu’il écrivait que « le projet central de l’humanisme : [est d’] enseigner à chaque être humain à conduire lui-même sa vie, dans le souci de l’universel, c’est-à-dire du destin commun de l’humanité.
Pour ce Franc-maçon d’aujourd’hui, médecin et Franc-maçon engagé,  il demeure plus que jamais le seul espoir de rassembler tous les hommes dans la liberté, en leur permettant de donner sens à leur vie, dans le respect et la compréhension de l’autre.

Mais Claude Saliceti était lucide, et il assortissait son espérance d’une précaution indispensable, en poursuivant : « Mais à la condition pour lui de s’affirmer davantage comme une éthique, une spiritualité, de la liberté, de la connaissance et de la responsabilité propres à aider les humains à mieux distinguer et à vivre les valeurs essentielles communes à leurs différentes traditions culturelles et religieuses. »

C’est la raison pour laquelle les Francs-maçons accepte l’expression de toutes les idées qui respectent la liberté de conscience de ses membres, excluant par nature les extrémismes religieux ou politiques de tous bords qui sont incompatibles avec ses principes fondamentaux de respect et de dignité des êtres humains, quelles que soient leur origine ethnique ou culturelle.

La solidarité est l’une des valeurs-clés de la démarche maçonnique. La solidarité s’exerce évidemment vis-à-vis des Frères et Sœurs de sa Loge, lorsqu’ils sont dans la peine ou le besoin. Elle s’exerce aussi vis-à-vis des Frères ou Sœurs des autres Loges, par l’intermédiaire de ce nous appelons l’hospitalerie ou par celui de structures dédiées à l’aide aux enfants orphelins, de frères prématurément disparus, ou à ceux qui recherchent un emploi, un toit, un secours pour franchir un cap difficile de leur vie.

Mais notre démarche de solidarité va bien au-delà. Beaucoup d’obédiences ont créé un Fonds de Dotation, une fondation qui soutient financièrement chaque année des associations, des œuvres, qui aident des adolescents paumés dans telle région de France, ; des enfants palestiniens atteints de malformations cardiaques opérés et soignés dans des hôpitaux israéliens ; des handicapés pris en charge pour développer leur autonomie ; et des dizaines d’autres organisations à travers la France et le monde qui font œuvre d’entraide, d’ assistance, en un mot de solidarité en action.

La solidarité, ce sont aussi les nombreuses actions en faveur de l’Ukraine et des réfugiés ukrainiens, par exemple l’envoi des camions chargés d’un bloc opératoire, d’une salle de réveil et de modules d’accueil. La solidarité, c’est aussi l’action auprès des plus jeunes, qu’il faut d’abord écouter et comprendre, comme la réflexion sur les plus âgés, ceux qui sont au soir de leur vie.

Les Francs-Maçons et Francs Maçonnes ont  toujours été à la pointe des réflexions et des propositions concrètes sur des sujets touchant la dignité humaine tels certains anciens Grands Maîtres, Gustave Mesureur, créateur de l’Ecole d’infirmières et directeur de l’Assistance Publique, ou Pierre Simon, fondateur du Mouvement français pour le planning familial.

Le mot « Humanisme» recouvre la notion d’engagement. Les mots transmission et tradition ne sont pas désuets, mais au contraire bien vivants : nous voulons proposer « une démarche de tradition au cœur des enjeux contemporains ».

Finalement, l’engagement maçonnique est d’abord la recherche d’un idéal.

Cet idéal commence et se concrétise dans la Loge, où toutes les conditions sont réunies afin que chacun quels que soient son origine, sa croyance, son statut social, puisse trouver sa place, être entendu et être à l’écoute, échanger avec bienveillance, ce qui permet à chacun de s’enrichir. Au-delà de cette vie intérieure, chaque Franc-maçonnes ou Franc-maçon s’attache à poursuivre au dehors l’œuvre commencée dans le Temple.

Guilde des bâtisseurs

 Citoyen engagé, il mettra en pratique l’idéal qu’il conçoit en Loge et cherchera à apporter sa pierre à l’édifice, en agissant dans la société autour de lui comme dans le vaste monde qui l’entoure. L’engagement tel que le vit un  Franc-maçon consiste certes à libérer une parole d’espérance, mais aussi à s’impliquer très concrètement dans des actions de solidarité. C’est s’inscrire en fait à la fois dans le respect de la tradition et dans la modernité de notre époque.

C’est donner pleinement son sens à la devise que les obédiences maçonniques  partagent avec la République : Liberté – Égalité – Fraternité.

1 COMMENTAIRE

  1. Je lis « Ils travaillent en suivant les principes d’un Rite, dit « Ecossais Ancien et Accepté » …ben non… la FM n’est pas le REAA, faut pas croire et amalgamer toutes les SS et FF dans le même moule. Mais l’article est bien…
    Fraternellement

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Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski, initié en 1984, a occupé divers plateaux, au GODF puis à la GLDF, dont il a été député puis Grand Chancelier, et Grand- Maître honoris causa. Membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, admis au 33ème degré en 2014, il a présidé divers ateliers, jusqu’au 31°, avant d’adhérer à la GLCS. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur le symbolisme, l’histoire, la spiritualité et la philosophie maçonniques. Médecin, spécialiste hospitalier en médecine interne, enseignant à l’Université Paris-Saclay après avoir complété ses formations en sciences politiques, en économie et en informatique, il est conseiller d’instances publiques et privées du secteur de la santé, tant françaises qu’européennes et internationales.

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