lun 06 octobre 2025 - 21:10

Vous vous trompez, en pensant que le monde va plus mal qu’avant

L’idée de concevoir le monde parfait est une invitation à la réflexion, un exercice qui pousse chacun à projeter ses aspirations les plus profondes. Un tel monde pourrait être baigné de soleil permanent, où la sécurité, la nourriture abondante et la santé seraient des droits universels. On y guérirait les maladies les plus redoutées, on stopperait la perte de biodiversité et le changement climatique et chaque jour se terminerait par l’envie de voir le lendemain. Pourtant, face à ce tableau idyllique, le monde actuel semble souvent décevant : guerres, inégalités, régressions sociales et catastrophes environnementales alimentent un pessimisme répandu. Mais est-ce une vision juste ? En s’appuyant sur des données et une analyse des perceptions, il devient possible de nuancer ce constat.

Nous allons donc explorer l’évolution des conditions humaines, les biais cognitifs qui faussent notre jugement et la possibilité que, malgré ses imperfections, notre époque soit déjà un pas vers le meilleur des mondes, ou du moins un terrain fertile pour l’améliorer.

Un regard sur le passé et le présent : les progrès méconnus

À première vue, le monde d’aujourd’hui peut sembler en déclin. Les démocraties vacillent, les conflits persistent, et les crises climatiques s’intensifient. La violence semble croître, tout comme les cas de dépression, alimentant l’idée que tout va de mal en pis. Pourtant, une analyse factuelle révèle une tout autre réalité.

Il y a deux siècles, 90 % de l’humanité vivait dans une extrême pauvreté ; aujourd’hui, ce chiffre est tombé à moins de 9 %.

En 1990, 58 % de la population mondiale résidait dans des pays à faible revenu, contre seulement 9 % aujourd’hui. L’espérance de vie, autrefois limitée à une trentaine d’années, dépasse désormais les 70 ans en moyenne, atteignant même 80 dans les nations prospères.

Le taux d’homicide, qui atteignait 50 pour 100 000 habitants par an avant l’ère moderne, est aujourd’hui de 6 pour 100 000.

3 Compagnons qui s’apprêtent à assassiner le Maître architecte (photo qui date de l’époque du temple de Salomon 🙂

Ces chiffres, issus de mesures objectives comme la mortalité infantile ou le revenu par habitant, montrent une amélioration significative.

Cependant, cette progression n’est pas linéaire ni universelle. Si la pauvreté a reculé, des inégalités persistent, notamment dans des pays riches où le revenu est concentré entre les mains d’une minorité.

La pauvreté ne date pas d’hier…

Par exemple, au Qatar, les 1 % les plus riches captent une part écrasante du revenu national, tandis qu’en France, cette proportion reste bien plus équilibrée, autour de 12 %. Le produit intérieur brut (PIB), souvent utilisé comme indicateur de prospérité, ne reflète pas ces disparités ni le bien-être psychologique ou environnemental. Ainsi, malgré une croissance économique globale, des défis comme la stagnation de la mortalité infantile dans certains pays riches signalent que les progrès ne sont jamais acquis.

Les illusions du pessimisme : le rôle des biais cognitifs

Pourquoi alors persistons-nous à voir le monde comme un lieu de désolation ? La réponse réside dans la manière dont notre cerveau perçoit la réalité. Les émotions négatives, comme la peur ou l’insécurité, peuvent désactiver le cortex préfrontal, la zone responsable des décisions rationnelles, laissant le système limbique, siège des émotions, prendre le dessus. Cet instinct de négativité, utile à la survie dans un passé où ignorer un danger pouvait être fatal, nous pousse aujourd’hui à nous focaliser sur les mauvaises nouvelles. Les médias, en amplifiant les catastrophes (attentats, pandémies), renforcent cette tendance, créant un phénomène appelé « doom scrolling », où l’on se perd dans un flux incessant de drames.

Un autre biais, celui du fossé, nous amène à diviser le monde en extrêmes – riches contre pauvres, bien contre mal – alors que la réalité est un continuum. Par exemple, de nombreux pays à faible revenu sont devenus des pays à revenu moyen, augmentant la population mondiale dans cette catégorie de 2,6 milliards à près de 4 milliards en deux décennies. Pourtant, les enquêtes montrent que la majorité des gens surestiment les problèmes : 86 % pensent que 40 à 60 % des déchets plastiques finissent dans les océans, alors qu’il s’agit de moins de 1 %. Ce décalage s’explique aussi par le biais de confirmation, où notre cerveau privilégie les informations corroborant nos croyances, rejetant celles qui les contredisent, par peur de remettre en question notre identité.

Mesurer le bien-être : au-delà des chiffres économiques

4 enfants riants au pied d'un arbre
4 enfants riants au pied d’un arbre

Pour évaluer si nous vivons dans le meilleur des mondes, il faut dépasser les indicateurs économiques comme le PIB. Le bien-être humain repose sur des facteurs mesurables : être en vie plutôt que mort, nourri plutôt qu’affamé, en bonne santé plutôt que malade, instruit plutôt qu’ignorant, en sécurité plutôt qu’en danger. Parmi ces indicateurs, la mortalité infantile agit comme un « sismographe » : elle dépend de soins médicaux, d’infrastructures, d’éducation et de ressources, reflétant l’état global d’une société.

Historiquement, près de 50 % des nouveau-nés mouraient avant 15 ans ; ce taux est tombé à 4 % en 2020. Ce déclin, bien que spectaculaire, stagne ou réaugmente dans certains contextes, soulignant la complexité des progrès.

Des ours en peluche gratuits faciliteront le séjour à l’hôpital des enfants de la région, grâce à une bonne cause locale.

Comparée à d’autres métriques, la mortalité infantile offre une vision plus holistique que le PIB, qui ne dit rien des inégalités ou du ressenti psychologique. Par exemple, un pays comme le Qatar peut afficher un revenu par habitant élevé, mais ses disparités sociales le rendent moins « habitable » qu’une nation comme la France, où la répartition des richesses est plus équitable. Ces nuances montrent que le meilleur des mondes ne se mesure pas seulement à l’aune de la richesse, mais à celle de la qualité de vie et de l’équilibre social.

Le rôle de la conscience et de l’action collective

Si les données indiquent une amélioration globale, elles ne garantissent pas un avenir radieux. Les progrès passés – recul de la pauvreté, hausse de l’espérance de vie – sont le fruit d’efforts conscients : identification de problèmes et mise en œuvre de solutions. Cependant, face à des défis comme la hausse de la mortalité infantile dans certains pays riches, liée à des inégalités ou des problèmes de santé maternelle, une action proactive reste nécessaire. Le texte suggère que le pessimisme, alimenté par des biais cognitifs, peut freiner ce progrès en décourageant l’engagement.

Pour briser ce cercle vicieux, une prise de conscience est essentielle.

Reconnaître que notre intuition nous trompe – par exemple, en se concentrant sur les 1 % de plastique océanique plutôt que les 99 % terrestres – permet de réorienter les efforts.

Des solutions concrètes, comme la gestion des déchets dans les fleuves asiatiques, émergent quand on s’appuie sur les faits plutôt que sur les émotions. Cette approche demande humilité et curiosité, un effort pour dépasser les automatismes mentaux et agir collectivement.

Vers un monde meilleur, une possibilité à construire

Vivre dans le meilleur des mondes ne signifie pas qu’il est déjà réalisé, ni qu’il appartient au passé ou au futur. Les données montrent que, malgré ses imperfections, notre époque offre des conditions de vie inédites dans l’histoire humaine. Pourtant, ce progrès n’est pas automatique : il dépend de notre capacité à surmonter nos biais, à nous informer et à agir.

Si nous croyons en un avenir amélioré et orientons nos choix en conséquence, le meilleur des mondes pourrait être en gestation. Ce n’est pas une utopie figée, mais un processus vivant, façonné par notre volonté de le rendre plus juste, plus sain et plus harmonieux.

Ainsi, plutôt que de craindre de quitter la Terre ou de regretter un âge d’or perdu, nous pouvons choisir de bâtir, jour après jour, un monde où chacun trouve sa place.

1 COMMENTAIRE

  1. Il serait temps de questionner la toute-puissance du Produit Intérieur Brut (PIB) comme boussole sociétale. L’indicateur économique ne fait que refléter la capacité d’un pays à générer de la richesse matérielle, sans jamais s’intéresser à la qualité de vie réelle des citoyens, aux liens sociaux, ni au rapport à l’environnement. À l’inverse, le Bonheur Intérieur Brut (BIB), concept imaginé et popularisé par le Bhoutan dans les années 1970, propose une approche plus ambitieuse et humaniste du progrès. Il valorise le bien-être collectif, la santé, l’éducation, la préservation de la nature, et la culture.
    Ce changement de paradigme est plus qu’une utopie philosophique : il invite à redéfinir la finalité même de notre société. Faut-il produire toujours plus, au risque d’épuiser les hommes et les ressources ? Ou faut-il privilégier une croissance intérieure, qualitative, respectueuse de l’humain et du vivant ? Adopter le BIB comme référence serait un acte révolutionnaire, une invitation à repenser nos politiques publiques, nos modèles économiques et, in fine, le sens du bonheur lui-même.
    La vraie richesse d’une nation ne peut se mesurer que par la somme de son bien-être partagé et de son harmonie sociale. Il serait illusoire de continuer à confondre abondance matérielle et bonheur. Comme le suggère le BIB, renouer avec des valeurs plus profondes et universelles s’impose – pour une société enfin guidée par la quête d’une vie bonne, juste et durable.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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