ven 03 octobre 2025 - 16:10

La Désunison : Rituel pour loge en dérive contrôlée

1. Définition inaugurale

Désunison (Grand Larousse Expurgé)
État de ceux qui, après avoir été unis, entrent en désaccord perceptible, souvent sonore ou visible.
Par extension : moment où la chaîne humaine se met à vibrer faux.

2. Préambule

Ce rituel est réservé aux loges en situation de glissement symbolique. Il ne peut être pratiqué qu’en présence d’un Vénérable en manteau de brume, d’un Orateur muet, et d’un Frère de la Tangente chargé de la coordination des silences.

Il ne vise ni l’harmonie, ni la vérité, mais l’expérience du désaccord fertile.
Car parfois, c’est dans la dissonance que naît la pensée.
Et dans le faux accord que se cache le vrai lien.

3. Ouverture des travaux

Le Vénérable frappe trois fois sur l’autel.
Le Frère de la Tangente répond par un soupir.
Le silence s’installe, puis se désinstalle.
Le chaos peut commencer.

4. Appel des Officiers

•          Le Vénérable incline le front.
•          Le Premier Surveillant lève les yeux au ciel.
•          Le Second Surveillant consulte un compas sans aiguille.
•          L’Orateur ne dit rien, mais le pense très fort.
•          Le Secrétaire griffonne un mot illisible sur une feuille déjà froissée.
•          Le Frère de la Tangente fait un pas de côté, puis un autre, puis s’immobilise.

Chaque geste est symbolique, mais personne ne sait de quoi.
Et c’est précisément cela qui donne au rituel sa profondeur.

5. Installation de la Chaîne de la Désunison

Les Frères se lèvent, mais pas tous en même temps.
Certains avancent, d’autres reculent.
Un cercle se forme, puis se déforme.
La chaîne est établie. Elle ne relie rien, mais elle le fait avec conviction.
La désunison n’est pas une rupture : c’est une variation.
Une manière de dire que l’unité n’est pas l’uniformité, et que le lien peut survivre à l’incohérence.

6. Lecture du Texte Flottant

Le Vénérable lit un extrait du Livre des Échos Inversés :

Ce qui est en haut se demande ce que fait le bas.
Ce qui est en bas attend qu’on lui explique le haut.
Entre les deux, le sens hésite, la forme s’étire, et le silence prend des notes.
L’unité est une hypothèse, la dualité une distraction, et la triade un malentendu fécond.
Celui qui cherche trouve parfois autre chose.
Celui qui ne cherche pas… trouve aussi, mais il ne sait pas quoi.

7. Travaux pratiques

L’Orateur hoche la tête.
Le Frère de la Tangente applaudit intérieurement.
Le texte ne cherche pas à être compris.
Il cherche à être entendu par celui qui accepte de ne pas comprendre tout de suite.

Chaque Frère est invité à déposer un objet inutile sur l’autel du doute.
On y trouve :

•          Une bourse vide
•          Un compas sans pointe
•          Une équerre en mousse
•          Un gant gauche
•          Une question sans réponse

Le Vénérable les contemple avec gravité.
Puis il les oublie.
Car le rituel ne vise pas la mémoire, mais l’écho.
Et l’écho, parfois, est plus fidèle que le souvenir.

8. Clôture des travaux

Le Vénérable frappe une dernière fois sur l’autel.
Le Frère de la Tangente souffle sur la bougie centrale.
Le Premier Surveillant salue vers l’intérieur.
Le Second Surveillant salue vers l’extérieur.
L’Orateur ne salue pas, mais il le pense très fort.
Les Frères se dispersent dans un ordre aléatoire.
La loge se referme sur elle-même, comme une huître sans perle.

Et si une autre ajoute : “Mais pourquoi ce désordre ?
Répondez :
Parce que parfois, c’est le désordre qui nous remet à notre juste place.
Ce rituel ne doit pas être interprété.
Il doit être vécu, puis oublié, puis retrouvé par hasard.
Et si un Frère demande : “Mais à quoi ça sert ?
Répondez simplement :
À ne pas tourner en rond tout seul.

9. Interstice : Intervention du Très Hautement Indéfini

Alors que le dernier salut s’évanouit dans un froissement de gants, une voix descend, ou monte, nul ne sait et s’adresse à la loge sans viser personne :

“Frères, Sœurs, Figures en désaccord,
Vous avez respecté l’ordre du désordre,
Vous avez suivi les gestes sans en comprendre les raisons,
Vous avez vibré faux avec une justesse troublante.

C’est bien.

Car l’harmonie est parfois une paresse,
Et le sens, un piège tendu par ceux qui veulent conclure.
Continuez à ne pas comprendre.
Mais faites-le avec méthode.”

10.  Pensée en désaccord

Par Philémon d’Ambiguïté, philosophe du non-sens appliqué.

Pensé à voix basse, signé sans plume.

La désunison est une forme supérieure d’accord : celle qui ne cherche pas à convaincre, mais à coexister.
Elle ne résout rien, mais elle relie.
Elle ne dit pas “voici le sens”, mais “voici le passage”.

Le rituel, dans sa forme la plus pure, est un théâtre sans spectateurs.
Et la loge, dans son mouvement le plus juste, est une spirale qui accepte de tourner à l’envers.

Car il faut parfois désaccorder les instruments pour entendre le silence entre les notes.

Et si l’on vous demande ce que vous avez fait ce soir, répondez simplement :
“Nous avons vibré faux, mais ensemble.”

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité ? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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