Parus en juillet 2025, les Cahiers, numéro six, nous parviennent avec un souffle qui porte encore les voix fraternelles. Nulle emphase, nulle érudition gratuite, mais la résolution d’habiter la République en maison vivante à rebâtir jour après jour. Le vaste chantier s’étend, la pierre résiste, la patience affine la main.

Nous lisons ces pages avec l’impression d’une tenue où la pensée prend la parole, puis cède le pas à l’écoute, puis reprend souffle, et s’essaie à désigner ce qui blesse notre époque sans renoncer à ce qui l’élève. L’ouvrage assemble des écritures qui ne rivalisent pas, elles se répondent. Une musique discrète architecture morale obstinée habite la totalité. Ce n’est pas un sommaire qui nous guide, c’est une étoile fixe l’universel comme promesse.
Nous avançons parmi des analyses qui refusent l’incantation.
Christophe Devillers déplie le miroir numérique de la recherche savante et nous révèle une cartographie des usages intellectuels de la République universelle. Une telle démarche nous avertit la circulation des idées n’est pas leur vérité, elle n’est que leur ombre portée. L’ouvrage appelle alors une méthode patience de l’examen, refus du slogan, fidélité au réel. Stéphane Corcos nomme la fin des illusions et nous ramène à une hygiène de l’esprit. Il ne s’agit pas de désespérer, il s’agit de cesser de rêver sur des mots émoussés.

Renée Fregosi s’avance plus loin et prend à bras le corps la dimension victimaire qui travaille les idéologies meurtrières. Nous comprenons qu’une République qui n’ordonne plus les affects se défait de l’intérieur. Parler de victime sans penser la responsabilité, c’est préparer le lit des terreurs nouvelles.
Christophe Bourseiller rappelle les généalogies de familles politiques qui se prétendent nouvelles. Leur vocabulaire change, leur volonté d’hégémonie demeure. Éric Poulliat observe l’activisme violent comme un défi concret. Nicolas Pomiès démonte la fabrique de la discorde et nous avertit l’ennemi n’est pas seulement à nos portes, il se tient dans notre manière de ne plus vouloir faire corps. Ce faisceau de textes n’écrit pas une théorie des radicalisations, il propose une discipline de lucidité.

La République qui se dessine ici ne se laisse pas réduire à une mécanique institutionnelle. Catherine Kintzler parle d’un chantier, non d’un monument figé. Nous sentons aussitôt la proximité avec notre lexique initiatique. Une République qui ne se répare pas se dégrade. Une République qui ne se pense pas s’abandonne. Renaud Large regarde l’esthétique contre les ultras et nous apprend que l’œil est un lieu de souveraineté. Ce que nous trouvons beau, ce que nous jugeons digne d’être exposé, ce que nous laissons envahir l’espace public, tout cela finit par éduquer nos réflexes. Nadia Geerts démonte l’obsession de la représentativité quand elle devient pure comptabilité. Elle rappelle qu’un peuple n’est pas une somme de cases. Dominique Lamoureux déplace la question de la réparation et de la spoliation vers un horizon de justice qui n’humilie pas. Nous retrouvons là les deux instruments de notre loge intérieure une équerre qui redresse, un compas qui ouvre, jamais l’un sans l’autre.
L’ouvrage sait ménager des respirations. Non des pauses décoratives, des espaces où l’âme se remet d’accord avec elle-même. La musique traverse ces pages comme une fraternité invisible. Thierry Geffrotin s’interroge sur l’universalité de Wolfgang Amadeus Mozart et Philippe Hui pense l’universalisme par l’orchestre. La musique ne crée pas l’universel par magie. Elle l’exige de nous. Elle propose un régime d’écoute où les différences se superposent sans s’écraser, où le motif le plus ténu trouve sa place dans une polyphonie. Nous reconnaissons là un exercice initiatique. Écouter un quatuor ou conduire un rituel suppose la même délicatesse laisser chaque voix se dire sans perdre le chœur. Dominique Papon invite au détour par l’autre. Ce détour n’est pas un détour en vérité, c’est la ligne droite de toute éthique. Ce que nous ne sommes pas éclaire ce que nous croyions être. La République universelle ne parle pas de l’autre comme d’une curiosité, elle lui ouvre une chaise à la table commune.

D’autres contributions resserrent l’ouvrage vers le nerf des conflits présents. David Ennouchi nomme les trames du complotisme contre la République. Il ne suffit pas de démentir il faut comprendre la faim de certitude qui nourrit ces récits, puis la convertir en goût de vérité. Emilie Frèche rappelle le poids des gestes, ces petites décisions quotidiennes qui valent politique quand elles s’additionnent. Philippe Foussier convoque la figure du chevalier de La Barre et, par ce rappel, nous fait mesurer combien la liberté de conscience n’est jamais acquise. Elle se paie de courage. Elle se mesure à ce que nous tolérons de l’intolérable. Ce texte agit comme une pierre d’angle. La République n’est pas un contrat mort, elle est un serment à reprendre voix basse, maillet ferme.
Ce volume refuse les oppositions paresseuses. Il n’idéalise ni le passé ni le présent. Il ne sacralise ni la transgression ni l’ordre. Il nous met au travail. Les auteurs, chacune et chacun, signent moins des thèses que des stations de pensée. Le livre s’avance de la polémique vers le juste. Les formules ne claquent pas, elles durent. La langue demeure nette, souvent belle, parfois tranchante, jamais cynique. Nous y retrouvons cette manière d’être à la fois laïque et ardente. L’universel n’a pas ici la pâleur d’un principe abstrait, il prend le visage d’une exigence partagée. Les textes parlent de violence, d’idéologie, de mémoire, de musique, de droit, de citoyenneté. Leur unité ne tient pas à un programme, elle tient à une manière de respirer. Nous refermons l’ouvrage avec l’impression d’avoir assisté à la réparation d’une charpente on a changé des pièces, ajusté des tenons, resserré des chevilles, et voilà que la maison tient mieux.

Nous reconnaissons dans cette entreprise un écho précis à la démarche initiatique. Travailler la République, c’est travailler notre temple intérieur. La pierre n’est pas seulement le monde, elle est notre cœur. Les analyses de Christophe Bourseiller, de Renée Fregosi, d’Eric Poulliat ou de Nicolas Pomiès ne nous laissent pas spectateurs. Elles nous rendent responsables de l’angle avec lequel nous regardons l’époque. Les lectures de Catherine Kintzler, de Renaud Large, de Nadia Geerts ou de Dominique Lamoureux ne décorent pas le discours, elles le gouvernent. Les méditations de Thierry Geffrotin, de Philippe Hui et de Dominique Papon ne fuient pas la cité, elles y reconduisent la beauté comme une ascèse. Les alertes de David Ennouchi, d’Emilie Frèche et de Philippe Foussier ne dramatisent pas la scène, elles posent des seuils. L’ensemble compose un atelier où la République n’est plus un mot fatigué. Elle redevient une tâche, donc une joie.
Nous sentons enfin la main discrète qui règle les distances et veille à l’harmonie. Jean-Noël Amadei circule comme un maître d’œuvre qui connaît les poutres et les failles. Grâce à cette main, la polyphonie ne se disperse pas. Elle tient. Le livre n’offre pas une sortie de crise. Il propose mieux un exercice de tenue intérieure au milieu des tempêtes. Nous ne cherchons plus un abri, nous apprenons à habiter. C’est la promesse la plus rare de ce volume. Il n’endort pas, il veille. Il ne flatte pas, il relève. Nous en sortons avec le désir d’accorder notre vie à la dignité de ses pages.

Rappelons que la Loge d’Études et de Recherche République Universelle, au sein du Grand Orient de France, s’est donnée pour vocation d’explorer les conditions concrètes d’un universalisme vivant. Elle réunit des chercheurs, des praticiens de la chose publique, des écrivains, des musiciens, des juristes, qui mettent en commun des travaux pour éprouver, année après année, ce que la République exige des consciences et des institutions. Les Cahiers, parus régulièrement depuis plusieurs années, constituent la trace de ce patient compagnonnage intellectuel et spirituel. Ils publient des textes originaux, des enquêtes, des méditations, avec une fidélité constante à la liberté de conscience et à la laïcité. Les volumes précédents ont déjà abordé les liens entre critique et émancipation, les formes contemporaines de la citoyenneté, les pédagogies de la liberté, les usages publics de la culture. Ce sixième volume prolonge la série en accentuant un geste unir la rigueur et la ferveur, nourrir une vigilance qui ne désespère pas, tenir ensemble la pierre et la lumière.

Les Cahiers de République Universelle
Une Loge d’Études et de Recherche du Grand Orient de France
Éditions Matériologiques, 2025, 156 pages, 13 € – version numérique 9 € sur Cairn
cette confusion permanente entre une obédience et la république devient lassante. Il faut que cette obédience , ce parti politique de fait, le godf , arrete de se targuer d’être une obédience maconnique et se constitue en parti politique , ce qu’il devient de plus en plus au fur et à mesure des années qui passent .le dernier grand maitre n’a t’il pas écrit que le godf était un corps intermédiaire avec une composante initiatique . Le positionnement bruyant du godf dans la sphère sociale créée un préjudice aux autres obédiences maconniques qui représentent 100 000 maçons sur 150 000. Au sein même du godf il existe une part non négligeable de f et s qui désapprouvent ce positionnement qui est surtout celui d’un microcosme parisien qui fait de la politique sous couvert de franc maçonnerie .