dim 19 octobre 2025 - 09:10

La carte postale du 19 octobre : Le square Paul-Langevin (Paris, Ve)

Frères, Sœurs, Compagnons de la voie initiatique,

Notre carte postale maçonnique s’ouvre au square Paul-Langevin, à l’angle exact de la rue des Écoles et de la rue Monge, au cœur du Ve arrondissement – ce quartier latin façonné depuis l’Antiquité, rive gauche de la Seine.

rue Monge

Et ce n’est pas un hasard si l’une de ces artères porte le nom de Gaspard Monge, comte de Péluze : géomètre de la République, fondateur de l’École polytechnique, compagnon de l’expédition d’Égypte et… Franc-Maçon. Il reçut la lumière au sein de la Loge L’union parfaite à l’Orient du Corps royal du génie à Mézières en 1779 et appartint aussi à l’Ordre Sacré des Sophisiens, un ordre maçonnique ésotérique fondé à Paris en 1801, inspiré des mystères égyptiens antiques.

Ici, la toponymie n’est pas décorative mais signale une lignée de pensée et de méthode que nous reconnaissons.

Le square Paul-Langevin

Ici, l’« arrondissement du Panthéon » porte bien son surnom : entre savoirs, pierres et mémoire, chaque pas relie l’école et la cité, la rigueur de l’équerre et l’ampleur du compas.

Ici, un escalier monumental conduit aux anciens bâtiments de l’École polytechnique, tandis qu’en contrebas une fontaine transplantée – dite Childebert – déploie ses cercles d’eau comme autant d’ondes de pensée.

Le square Paul-Langevin

Ici, des fragments d’histoire sont venus s’y abriter : céramiques du palais des Beaux-Arts de 1889, niches Renaissance de l’ancien Hôtel de Ville, statues déplacées, fondues, recréées.

Ici, le lieu est un palimpseste : on y lit la mémoire de Paris autant que sa capacité à renaître.

Le square Paul-Langevin

Pour le Maçon, la première leçon tient dans la géométrie silencieuse du site. L’escalier, avec ses lignes nettes, rappelle l’équerre : rectitude, justesse, accord entre ce que nous pensons, disons et faisons. Monter ces marches n’est pas gravir un podium, c’est affermir notre pas intérieur, dégrossir nos angles morts. À l’inverse, la vasque et ses courbes invitent le compas : mesure de soi, ouverture maîtrisée, cercle hospitalier où l’autre peut entrer sans être capturé. Entre l’équerre qui fixe et le compas qui embrasse, notre marche trouve sa tenue : rigueur et bienveillance, cohérence et liberté.

Le square Paul-Langevin

La seconde leçon vient des œuvres déplacées. Ces fragments réinstallés disent que la cité, comme nous, se restaure par reprises conscientes. Rien n’est arrêté ; ce qui fut brisé se réinscrit dans un ordre vivant – Ordo ab Chao (devise emblématique du Rite Écossais Ancien et Accepté), non par décret, mais par l’œuvre patiente de la conscience.

Le square Paul-Langevin

Le travail de mémoire n’excuse ni n’idolâtre mais éclaire. À l’ombre des magnolias et des sophoras, la Maçonnerie apprend à désassembler pour mieux réassembler, à honorer ce qui demeure sans s’aveugler sur ce qui doit changer. Paul Langevin (1872-1946) physicien, philosophe des sciences, pédagogue, homme politique et Président de la Ligue des droits de l’homme (1944-1946) donne au square son nom : belle coïncidence pour rappeler que la lumière ne se vénère pas, elle se mesure, s’expérimente, se partage.

Ce que ce lieu nous donne à tirer maçonniquement : la discipline des angles justes, l’amplitude des cercles justes, l’art de déplacer sans renier, la patience des reconstructions.

Derrière la fontaine, le grand escalier

Ce qu’il n’est pas, d’un point de vue maçonnique : ni un temple improvisé ni un décor fétichisé ; ni une nostalgie muséale ni une preuve d’élection. L’équerre n’est pas un instrument de jugement moral dressé contre autrui ; elle corrige d’abord nos propres défauts d’alignement. Le compas n’est pas l’emblème d’une fermeture élitaire ; il dessine la juste distance qui protège sans exclure. Nos outils ne sont ni des bijoux d’apparat ni des totems magiques : ils sont une méthode. Ils n’asservissent pas la cité, ils l’outillent. Ils ne tracent pas des frontières de mépris, ils balisent des frontières de sens.

Le square Paul-Langevin

Alors, en traversant ce square, nous pouvons faire l’exercice discret de la Maçonnerie à ciel ouvert. Régler notre Équerre sur la vérité simple des pas, ouvrir notre Compas à la mesure exacte de la rencontre, et consentir à cette alchimie urbaine où les vestiges deviennent promesses.

Ici, la pierre parle encore. À nous d’y répondre par une œuvre vivante.

Puisse cette méditation t’accompagner en ce jour. Bon dimanche, et bons baisers de Paris, éternelle Ville Lumière !

Le square Paul-Langevin

Photos © Yonnel Ghernaouti, YG

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il est membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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