jeu 25 septembre 2025 - 00:09

Équinoxe d’Automne : le jour où la lumière s’éloigne

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Chaque année, au retour de l’équinoxe d’automne, des rites sont célébrés, des discours sont prononcés, des passages banals et éculés de textes classiques sont cités, des formules latines qui ont désormais perdu tout leur mordant sont répétées. C’est comme si l’équinoxe était un décor de théâtre, à monter et à démonter de manière cyclique, sans vraiment ébranler le cœur de ceux qui le vivent. Mais n’est-ce pas précisément là le danger ? Transformer le vivant en liturgie automatique, le radical en habitude ?

L’équinoxe d’automne n’est pas une carte postale saisonnière anodine. C’est une coupure nette, une fissure dans le temps qui démasque l’homme. C’est le moment où la lumière recule et où l’obscurité s’installe, nous rappelant brutalement que la vie n’est jamais un bien acquis mais une conquête fragile, continuellement remise en question.

Beaucoup parlent de l’équinoxe comme du jour de l’équilibre , un équilibre qui évoquerait une harmonie paisible. Mais c’est une illusion domptée. L’équilibre que l’équinoxe nous impose est comme un couteau sur une lame : précaire, instable, prêt à céder.

C’est un équilibre troublant, car il révèle que la stabilité est toujours temporaire, jamais définitive.

En qualité moyenne, c’est un manet rare.

La vertu se trouve au milieu, mais y reste rarement.

Le franc-maçon qui se trompe en pensant avoir atteint l’équilibre intérieur grâce à son voyage initiatique commet une erreur présomptueuse. L’équinoxe lui rappelle que la véritable recherche n’est jamais une possession mais un processus et que toute conquête est vouée à l’échec. Il est trop facile de réduire l’automne à un déclin, à une lente descente vers l’hiver, vers le sommeil, vers la mort symbolique.

En réalité, l’automne est la seule saison qui ne ment pas : elle ne prétend pas être en croissance comme le printemps, elle ne se berce pas d’illusions sur l’éternité comme l’été, elle ne se cache pas dans l’obscurité totale comme l’hiver. L’automne est le miroir qui révèle la dure réalité du cycle : chaque fruit mûr porte en lui sa fin. Chaque récolte, aussi abondante soit-elle, est déjà marquée par le temps qui la consume.

Pour le Franc-Maçon, cette prise de conscience est à la fois dévastatrice et libératrice.

Dévastateur car il démolit la rhétorique consolatrice de la mère nature, toujours bienveillante. Libérateur parce qu’il nous invite à regarder notre chemin avec lucidité : la maturité n’est pas l’antichambre du repos, mais le règlement de comptes avec nos ombres, avec les œuvres inachevées, avec les incohérences que nous avons accumulées. Il n’y a pas de juge extérieur. Il n’y a pas de divinité pour établir un équilibre.

L’équinoxe d’automne est le tribunal intérieur où nous sommes contraints d’examiner le poids de nos choix, de nos silences, de notre lâcheté. La balance n’est pas un symbole abstrait, mais l’organe sensible de notre esprit : elle mesure ce que nous avons fait et, surtout, ce que nous avons évité de faire.

Un franc-maçon participant à une célébration équinoxiale devrait en ressortir bouleversé, perturbé, incapable de reprendre sereinement ses habitudes . S’il en ressort seulement rassuré, le rite aura été un échec. L’automne est souvent associé à l’obscurité qui s’installe, presque comme une menace. Mais la véritable menace n’est pas l’ombre : c’est l’attachement aveugle à la lumière.

Les ombres ne mentent pas, mais la lumière, si. La lumière aveugle quand elle devient une habitude, quand on ne la remet plus en question. La descente des ténèbres, au contraire, est une invitation à reconsidérer nos certitudes, à mettre en lumière ce que la lumière continue d’obscurcir.

Le Maçon ne doit donc pas craindre la nuit grandissante : il doit plutôt s’inquiéter de sa propre réticence à la traverser.

L’équinoxe d’automne, pris au sérieux, n’est pas une célébration, mais un acte de rébellion contre la somnolence spirituelle. C’est un rappel qui nous empêche de nous reposer dans notre propre lumière et nous force à descendre sans cesse dans les profondeurs.

C’est pourquoi, peut-être, il ne faudrait même pas le célébrer avec des ornements excessifs : cela risquerait de distraire. Peut-être devrait-il être vécu en silence, dans la solitude, comme un défi personnel, loin des paroles déjà prononcées par d’autres.

Je ne vous demande pas de contempler poétiquement les feuilles qui tombent. Je ne vous demande pas de citer des textes canoniques. Je vous le demande : de quoi lâchez-vous prise aujourd’hui ? Quels masques, quelles illusions, quelles certitudes décidez-vous de sacrifier ?

Car l’équinoxe n’est pas extérieur, mais intérieur. Ce n’est pas le soleil qui se couche : c’est vous qui devez vous coucher. Ce n’est pas la nuit qui avance : ce sont vos défenses qui doivent s’effondrer. Si l’équinoxe de cette année ne vous met pas mal à l’aise, s’il ne vous fait pas trembler au moins un peu, alors vous ne l’avez pas vécu. Vous ne ferez que participer à un rituel vide de sens.

Ritus sine spiritu mortuus est.

Le rite sans esprit est mort.

1 COMMENTAIRE

  1. Quelle coïncidence ma T.·. C.·.S.·. Alice : Je te suggère de parcourir le commentaire fait dans la dernière parution de 450.fm du 24 septembre 2025 concernant les Chroniques d’Histoire Maçonnique n°95.
    Tu écris ci dessus :
    « Car l’équinoxe n’est pas extérieur, mais intérieur. Ce n’est pas le soleil qui se couche : c’est vous qui devez vous coucher. Ce n’est pas la nuit qui avance : ce sont vos défenses qui doivent s’effondrer. Si l’équinoxe de cette année ne vous met pas mal à l’aise, s’il ne vous fait pas trembler au moins un peu, alors vous ne l’avez pas vécu. Vous ne ferez que participer à un rituel vide de sens. »
    Après lecture de ce commentaire fait sur Chroniques Maçonnique n°95 , on peut en fait s’imaginer, à l’équinoxe d’automne , être entre les Colonnes du Temple et voir la Lumiere pénétrer au cœur de notre intériorité. Point n’est besoin de longs discours. Une petite remarque cependant : ce n’est pas le soleil qui se couche, c’est celui qui se lève sur une nature pleine de fruits.. Certes on va vers la nuit mais ces fruits portent en eux les germes d’une renaissance.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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