mar 02 septembre 2025 - 22:09

La dimension maçonnique de la Tour Eiffel

Il est des monuments qui, au-delà de leur fonction utilitaire ou de leur beauté profane, prennent valeur de symbole et deviennent support de méditation initiatique. La Tour Eiffel, dressée au cœur de Paris depuis 1889, est de ceux-là. Conçue comme prouesse technique, elle est devenue, pour qui sait la regarder avec les yeux de l’initié, un temple moderne, un livre de fer et de lumière où se lit la vocation de l’homme à s’élever vers le ciel.

I. Le temple de fer : la matière transfigurée

La Tour Eiffel n’est pas bâtie en pierre, comme les cathédrales ou les temples antiques, mais en fer puddlé, ce métal arraché à la terre, purifié par le feu et façonné par la main de l’homme.

Ainsi, elle incarne l’image même du travail maçonnique : la transformation de la pierre brute en pierre taillée, de la matière lourde en matière lumineuse.

Terre dont la moitié est en feu, elle brûle. Planète

De la mine de Neuves-Maisons, propriété et dirigée par le comte Victor Chebrou de Lespinats, jusqu’aux ateliers de Pompey, le fer a subi toutes les épreuves du feu, du marteau et du bras de l’ouvrier. Comme l’initié, il a été travaillé, poli, éprouvé, pour devenir apte à soutenir un édifice qui défie le temps.

La Tour nous rappelle que toute matière, même la plus opaque, peut devenir élévation. De la pesanteur du fer naît la légèreté d’une flèche. De la contrainte naît la liberté. C’est la grande loi de l’initiation : le poids de l’épreuve se transforme en élan vers la lumière.

II. Le langage des formes : une grammaire initiatique

Au-delà de la matière, la Tour Eiffel parle par ses formes et ses proportions.

  • Sa silhouette triangulaire évoque le delta lumineux, premier signe de toute initiation. Oswald Wirth écrivait : « Le triangle est le signe de toute élévation spirituelle. »
  • Ses trois plateformes rappellent les trois grades symboliques : Apprenti, Compagnon, Maître. Monter dans la Tour, c’est gravir une échelle initiatique.
  • La lumière, dès son inauguration, en fit un phare : de jour, elle reflète le soleil ; de nuit, elle s’embrase de mille feux. Victor Hugo disait : « La lumière est dans le livre. » La Tour Eiffel est un livre de lumière écrit dans le ciel.
  • Enfin, sa base arquée dessine l’image d’un compas géant ouvert sur la terre, comme si le Maître Architecte avait tracé, au cœur de Paris, le cercle de la fraternité universelle.

Ainsi, la Tour Eiffel, dans son langage muet, exprime l’essentiel de notre démarche : triangle, compas, lumière, élévation par degrés.

III. Lecture ésotérique : colonne, centre et temple invisible

René Guénon, photographie de 1925 (à 38 ans)
René Guénon, photographie de 1925 (à 38 ans)

La Tour Eiffel n’est pas seulement un monument, elle est un axe du monde. Dressée comme une colonne unique, elle relie symboliquement la terre au ciel. Guénon rappelait que le centre est le lieu où se rencontrent le haut et le bas. La Tour, plantée au Champ-de-Mars, est ce centre moderne, un omphalos (nombril) de fer autour duquel s’organise la cité.

Elle est aussi un temple invisible : pas de murs, pas de toit, seulement un espace ouvert au ciel et aux vents. Elle enseigne que le véritable temple n’est pas clos mais intérieur. Jung écrivait : « Celui qui regarde à l’extérieur rêve ; celui qui regarde à l’intérieur s’éveille. » La Tour Eiffel est un rêve de fer pour le profane, mais un éveil de lumière pour l’initié.

Enfin, elle incarne la modernité initiatique : à l’époque où la science et l’industrie triomphaient, elle rappelait que le progrès pouvait être aussi une ascension spirituelle. Teilhard de Chardin affirmait : « Tout ce qui monte converge. » La Tour Eiffel, par son élévation, manifeste cette convergence : science, art et spiritualité réunis dans une œuvre unique.

IV. Les signes visibles et invisibles

  • Visibles : verticalité, triangle, compas, lumière, trois degrés.
  • Invisibles : chemin initiatique, nombre sacré, fonction de centre, transfiguration de la matière, temple intérieur, universalité.

Ces éléments font de la Tour un livre ouvert pour l’initié, où le fer et la lumière se font langage symbolique.

Conclusion et enseignement

La Tour Eiffel n’a pas été conçue comme une œuvre maçonnique, mais elle parle le langage de la Maçonnerie. Elle est colonne dressée dans la cité, pyramide moderne, compas de lumière. Elle enseigne à l’initié que l’élévation est toujours possible, que la lumière doit rayonner, et que le temple véritable n’a pas besoin de murs : il se bâtit dans l’âme.

Pour nous, Francs-Maçons, contempler la Tour Eiffel peut devenir méditation silencieuse:

  • comme l’Apprenti, nous partons de la base lourde et opaque ;
  • comme le Compagnon, nous franchissons les degrés de l’élévation ;
  • comme le Maître, nous atteignons le sommet, non pour dominer, mais pour embrasser le monde d’un regard universel.
Vue aérienne de la Tour Eiffel et Champs de Mars
Vue aérienne de la Tour Eiffel et Champs de Mars

Ainsi, la Tour Eiffel se révèle temple moderne, phare de fraternité et axe de lumière. Elle nous murmure cette parole initiatique : « Élève-toi. Deviens colonne. Rayonne. »

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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