jeu 21 août 2025 - 18:08

Le maillon de la chaîne maçonnique – Se lier – Se délier – Se relier

Il est des œuvres collectives qui, au-delà de leurs pages et de leurs mots, forment un véritable Temple de papier, dont chaque pierre est un texte, chaque colonne une pensée, chaque voûte l’écho d’une quête commune.

Le maillon juin 2025
Le maillon juin 2025

Ce numéro du maillon, sous le signe profond de « Se lier-Se délier-Se relier », s’ouvre comme une loge imaginaire où se rencontrent les voix, les visages et les parcours. Le lecteur y chemine de pierre en pierre, guidé par la lumière d’un Frère passé à l’Orient éternel, Marcel Bolle De Bal, dont la silhouette se dresse en seuil d’ouvrage, comme le gardien bienveillant d’une œuvre vouée à la reliance.

Marcel Bolle De Bal - Source Trédaniel
Marcel Bolle De Bal – Source Trédaniel

Dès l’édito de Christine Ribes, la tonalité est donnée. Il ne s’agit pas d’un simple hommage, mais d’une parole qui respire la continuité du lien et la profondeur de l’engagement. Elle évoque ce que fut Marcel Bolle De Bal, le père du concept de reliance, mais aussi un sociologue existentiel, refusant la froideur d’une science coupée de l’humain. Ici, la Franc-maçonnerie devient miroir d’un idéal de justice et de fraternité, où chaque fracture peut devenir point d’ancrage pour rebâtir l’unité perdue. Nous entendons dans ces lignes l’écho des travaux maçonniques : recherche d’harmonie, quête de sens, refus du repli individualiste au profit d’une solidarité concrète et incarnée.

Puis vient l’hommage de Françoise Leclerc-Bolle de Bal, qui déploie la vie et le chemin de cet homme enraciné dans la recherche, mais toujours tourné vers l’autre. On y voit défiler ses engagements académiques, ses responsabilités, ses voyages, et cette manière unique de relier des mondes apparemment éloignés. De la sociologie à la maçonnerie, de l’université à la fraternité, Marcel Bolle De Bal a tracé une route qui ne séparait jamais la pensée de l’action, ni la rigueur de la tendresse. Dans ses lignes de vie, il y a l’idée qu’aucun savoir ne vaut s’il ne se met au service de l’élévation humaine.

Didier Ozil
Didier Ozil

À peine refermé cet hommage, le lecteur entre dans un autre cercle, celui des pages « À l’extérieur du Temple ». Didier Ozil y conduit un entretien avec Guillaume Wickham sur la justice restaurative, dont le titre même – « La Justice restauratrice, une forme de reliance sociale » – semble prolonger le souffle de Marcel Bolle De Bal. Il ne s’agit pas seulement d’un processus judiciaire alternatif, mais d’une démarche profondément initiatique : replacer au centre la rencontre entre victime et auteur, redonner voix à ce qui fut brisé, transformer la sanction en réparation. Ici, les symboles maçonniques se devinent en filigrane : le cercle qui réunit, la parole qui libère, l’écoute qui polit la pierre brute des consciences. Guillaume Wickham décrit les étapes, les difficultés, les résistances, mais aussi les fruits de ce travail de patience et de vérité. Ce n’est pas seulement une technique judiciaire, c’est un art de tisser à nouveau le lien que la faute avait rompu.

Sisyphe poussant sa pierre
Sisyphe poussant sa pierre

Le chemin du sommaire conduit ensuite vers le domaine du symbolisme. Trois textes forment autant de portes vers l’intérieur : « La triangulation » de Sophie Berecz, « Laisser nos Métaux à la porte du Temple » de C.A., et « Sisyphe et sa pierre » d’Élisabeth Rochlin. Chacun, à sa manière, rappelle que l’initiation est un art du dépouillement et de l’effort consenti. La triangulation évoque la perfection vivante du triangle, figure de stabilité et d’élévation ; le dépouillement des métaux rappelle la nécessité de se libérer des attaches profanes avant d’entrer dans la lumière ; Sisyphe, enfin, devient le compagnon silencieux de nos travaux, image de la persévérance et du labeur sacré.

Frédéric Vincent
Frédéric Vincent

De là, le lecteur est invité à franchir le seuil de la philosophie. Frédéric Vincent explore « La tentation existentielle de la sociologie », tissant un dialogue avec les thèmes chers à Marcel Bolle De Bal. Claude Delbos, quant à lui, livre « Ma conception de la Franc-maçonnerie », méditation personnelle sur l’essence initiatique et la portée universelle de notre Ordre. Ces réflexions, en écho aux travaux précédents, approfondissent le socle intellectuel et spirituel de la revue.

Vient ensuite l’histoire, avec « Utopie, un regard libéré » de M.B., qui rappelle que les grandes visions humaines naissent toujours de cette tension entre rêve et action, entre idéal et réalité. Les utopies sont les pierres d’angle invisibles sur lesquelles se bâtissent les architectures durables, pour peu que la volonté sache les incarner.

Les « Pages du Compagnon » s’ouvrent avec « La Rencontre » de Gilbert Garibal, où la figure du Compagnon se déploie comme un voyageur qui apprend autant du chemin parcouru que des haltes où il s’assoit pour écouter. Puis viennent les « Pages du Maître », avec « En deçà et au-delà du ternaire » de Marcel Bolle De Bal lui-même, « Le Franc-maçon accompli » de Claude Degrèzes, et « Hiram Abi » de C.J.D. Ces textes portent la marque de la maturité initiatique : conscience de l’œuvre collective, fidélité à la tradition, et engagement à transmettre.

Enfin, les dernières pages ouvrent l’espace aux lectures, aux vies de loges et aux récapitulatifs des numéros passés, prolongeant la chaîne d’un numéro à l’autre, comme une planche ininterrompue. Car Le maillon ne se conçoit pas comme une revue close sur elle-même, mais comme une partie vivante d’une chaîne qui nous dépasse et nous relie.

Ainsi, ce numéro ne se contente pas de juxtaposer des articles. Il est une architecture de pensée et d’émotion, où chaque contribution s’emboîte dans l’autre comme les pierres d’un édifice invisible. L’hommage à Marcel Bolle De Bal en est la clef de voûte ; l’entretien sur la justice restaurative en est la colonne du milieu ; les textes de symbolisme, de philosophie et d’histoire en sont les piliers. Et le lecteur, parcourant ces pages, ne peut que sentir que la véritable maçonnerie se joue autant dans les Temples que dans la cité, autant dans les rites que dans les rencontres humaines, autant dans la mémoire que dans l’avenir que nous bâtissons.

Le maillon de la chaîne maçonnique – Se lier-Se délier-Se relier

Revue indépendante d’information et de documentation inter-obédientielles

DETRAD aVs, N°157, juin 2025, 116 pages, 15 €

DETRAD, le site

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il est membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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