ven 15 août 2025 - 13:08

La voie de la paix passe par la voix de la paix

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Je voudrais faire suite ici à mon précédent édito. L’angoisse du vide – c’est-à-dire l’absence de confiance dans le vide, confiance qui vient simplement de son expérience ou de son rapprochement – crée un manque incomblable que le sujet s’efforce de remplir de réactions intempestives et d’activités diverses.

Ce désir d’avoir prise sur la réalité s’étourdit dans un appétit permanent de pouvoir, non point d’un pouvoir étudié et contrôlé afin de réaliser des projets bénéfiques à l’humanité, mais d’un pouvoir dicté par le vertige d’un égo qui se voudrait surpuissant, alors qu’il est souterrainement miné par son déni de la mort.

La conscience du vide, d’un vide qui accueille le principe du vivant – c’est-à-dire d’un vivant qui se transforme au cours de ses cycles successifs –, fait toute sa part à l’importance de la création, mais d’une création harmonieuse, fruit de l’écoute et du partage, gages de paix durable et d’évolution souhaitable.

Pour la plupart, nous avons conscience que nous devrions nous situer dans cette perspective mais nos pulsions, nos traumas, nos vanités, sans compter notre culture et notre éducation qui, dans l’exaltation de la réussite individuelle, visent à faire de nous des chefs, nous conduisent à vouloir imposer à notre environnement ce que nous croyons être nos volontés, dans une recherche insatiable de satisfactions égoïstes.

Si l’altruisme est, entend-on dire parfois, une forme d’égoïsme qui ne s’avoue pas, c’en est, du moins, une manifestation qui se concilie et se réconcilie avec les attentes légitimes des autres. Il ne s’agit pas ici de se faire le chantre d’un anarchisme comme a pu l’incarner, il y a un siècle et demi, le géographe Élisée Reclus, mais de prôner un esprit de responsabilité éclairé par la pluralité des intérêts légitimes, dans le souci de faire société ensemble, à condition, bien entendu, de le vouloir tous, ce à quoi l’école et d’autres activités sociales ou sportives contribuent par nature.

Il y a un idéal que nous pouvons invoquer ici et qui ne demande qu’à être nourri à nouveau. Certes, il ne nous élève pas au ciel comme des Vierges (n’oublions pas que nous sommes un 15 août !), mais il nous appelle quotidiennement à nous dépasser et ce, dans un cadre commun toujours existant, qui n’en fut pas moins une longue conquête, conquête, d’ailleurs, loin d’être achevée : c’est la République, un bien commun à considérer avec autant de respect que de soin, dont on peut penser que nos Loges proposent, sous le rapport plus symbolique qu’analogique du microcosme au macrocosme, une sorte de modèle qui exemplarise les liens sociaux, tout en aidant aussi chacun, par la vertu de l’initiation, à plonger dans sa propre intériorité.

En ces temps troublés où tant de menaces planent voire déferlent, c’est ce bien commun républicain qui devrait faire socle et, au moins, nous inciter à nous garder des entraînements funestes et, pourquoi pas, à nous approprier ce verset de la Bible (Exode 23:2) dont le physicien et philosophe, également prix Nobel de Littérature, Bertrand Russell avait fait sa devise :

« Tu ne suivras point la multitude pour faire le mal. »

Rappel essentiel, s’il en est : pour accomplir réellement sa destinée au service des hommes, il ne suffit pas de faire le bien quand l’occasion s’en présente et cette occasion n’est pas rare si l’on exerce sa vigilance sur tous les plans ; il faut encore renoncer à faire le mal. Je dis bien “renoncer” car nous sommes prompts à réagir de la sorte, soit pour nous venger ou nous protéger, soit pour défendre ou promouvoir des intérêts. Ayons à l’esprit cette relation élémentaire d’homonymie :

La voie de la paix passe par la voix de la paix.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Christian Roblin
Christian Roblin
Christian Roblin est le directeur d'édition et l'éditorialiste de 450.fm. Il a exercé, pendant trente ans, des fonctions de direction générale dans le secteur culturel (édition, presse, galerie d’art). Après avoir bénévolement dirigé la rédaction du Journal de la Grande Loge de France pendant, au total, une quinzaine d'années, il est aujourd'hui président du Collège maçonnique, association culturelle regroupant les Académies maçonniques et l’Université maçonnique. Son activité au sein de 450.fm est strictement personnelle et indépendante de ses autres engagements.

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

DERNIERS ARTICLES