jeu 07 août 2025 - 23:08

Fondation Grand Orient d’Italie et la tradition maçonnique de solidarité : critiques et propositions de réforme 

De notre confrère italien agenparl.eu – par Basilio Valentino

Monsieur le Directeur d’Agenparl, je vous écris suite aux nombreuses demandes et commentaires reçus depuis la publication des quatre premières parties de cette lettre ouverte. Certains ont critiqué notre silence sur les faiblesses passées de la Fondation GOI ; d’autres nous ont accusés d’une technicité excessive. Nous répondons désormais clairement à ces deux points : lorsque l’organisation était à but non lucratif, ses données de gestion n’étaient pas publiques.

Désormais, grâce à l’enregistrement au RUNTS, les documents obligatoires seront disponibles. La technicité est une nécessité : elle exige patience, étude et cohérence. Dans cette cinquième partie, nous tenterons plutôt d’être plus directs, tant sur le ton que sur le fond, en espérant vous atteindre avec la simplicité et la clarté que vous méritez.

1. Détachement entre l’objet statutaire et l’activité réelle

La Fondation GOI semble officiellement conçue pour mener des projets de solidarité, conformément à la tradition maçonnique. Cependant, même après la transition vers l’ETS, la transformation est restée purement formelle. Les données disponibles montrent un écart évident entre les déclarations publiques et les faits. En 2023, la Fondation a généré environ 2,46 millions d’euros de recettes, mais n’a dépensé que 424 000 euros au total ; après amortissements, les activités caritatives, culturelles et sociales sont quasi inexistantes. Ce schéma se reproduit en 2022, avec des recettes de 2,47 millions d’euros et des dépenses de seulement 275 000 euros.  Chaque année, l’actif net a augmenté de plus de 2 millions d’euros, tandis que les Frères attendaient des initiatives concrètes au niveau local ou au bénéfice de la population.

2. Gouvernance fermée et conflits de rôles

La structure statutaire de la Fondation prévoit un membre fondateur unique, le GOI, qui nomme le Conseil d’administration sans aucun pluralisme externe. Le président de la Fondation a été pendant des années Stefano Bisi, Grand Maître de 2014 à 2024, soutenu par d’autres dirigeants maçonniques comme Antonio Seminario. Cette structure a perduré jusqu’à la Grande Loge de 2025, date à laquelle les renouvellements de l’ETS ont été officiellement lancés. Entre-temps, des litiges sur la légitimité de la rotation ont surgi, avec des suspensions et des recours en justice²  Wikipédia. L’organe de surveillance, quel qu’il soit, est nommé par le membre fondateur lui-même et ne publie pas de rapports approfondis : sa nomination unilatérale et son silence public alimentent un manque de transparence³  Agenparl.

Cette continuité directe entre le GOI et la Fondation – un organisme unique qui décide des contributions, de l’utilisation et de l’allocation des ressources – crée un cadre décisionnel inhabituellement fermé, exposé aux conflits d’intérêts et loin de toute responsabilité. Le risque réside dans le fait de fonctionner comme un fonds de gestion de patrimoine interne, et non comme une entité ouverte au public.

3. Législation actuelle et obligations de transparence

Avec l’obligation de s’enregistrer auprès du RUNTS à compter de novembre 2021, l’organisme ETS est tenu de publier non seulement ses états financiers, mais aussi son bilan social si son chiffre d’affaires annuel dépasse 1 million d’euros. De plus, s’il souhaite accéder aux quotas 5×1000, il doit suivre les procédures établies par le ministère et le RUNTS pour communiquer son IBAN et son accréditation⁴  uisp.it+3cantiereterzosettore.it+3fisco7.it+3.

La Fondation GOI a reporté cet enregistrement à 2025. Malgré cet enregistrement tardif, il n’existe toujours pas d’appels à propositions publics ni de politiques éthiques pour l’attribution des subventions ou la gestion des conflits. La législation actuelle exige cependant l’adoption de règlements internes, de codes d’éthique et de procédures de sélection publique.

4. Propositions pour une réforme efficace de la solidarité

Si nous voulons vraiment réconcilier la Fondation avec la Tradition maçonnique :

a. Pluralisme au Conseil : Les conseillers devraient être élus ou nommés par un collège de Loges, et non nommés uniquement par le Grand Maître. Des mandats restreints et une rotation obligatoire devraient empêcher la cristallisation du pouvoir.

b. Séparation des fonctions entre le GOI et la Fondation : le Grand Maître ne peut présider ni siéger au Conseil d’administration de la Fondation. Il peut exercer des pouvoirs de supervision stratégique, mais la gestion opérationnelle et financière doit être confiée à une direction indépendante.

c. Adoption d’un règlement intérieur public : critères de sélection des projets, politique relative aux dons restreints, code d’éthique et procédure de déclaration des conflits d’intérêts. Tous ces éléments doivent être rendus publics.

d. Objectif minimum de dépenses de solidarité : une loi réformée devrait prévoir qu’au moins 50 % des recettes annuelles soient allouées à des projets concrets de solidarité, culturels ou caritatifs, en évitant les accumulations inutiles, à l’exception des réserves techniques limitées.

e. Implication de la base maçonnique : canaux de communication directs lors des réunions de la Grande Loge, motions des Loges et du Conseil Consultatif de la Loge : la Fondation doit devenir l’héritage partagé et l’instrument de toute l’Obédience.

5. Conclusion

Il ne s’agit pas d’une critique stérile, mais d’un appel à l’action. Cette fondation repose sur un potentiel considérable : des dotations, des sièges sociaux prestigieux, une culture rituelle et philanthropique. Mais jusqu’à présent, l’utilisation principale de ces actifs est restée interne et autoréférentielle, tandis que la société attend des réponses concrètes. Il est temps de passer des paroles aux actes.

En tant que francs-maçons, nous sommes appelés à défendre l’honneur de l’Institution avec courage, honnêteté et renouveau. Seul un engagement concret peut restaurer la crédibilité de la Fondation et en faire un véritable outil de charité collective.

Des mois décisifs nous attendent : le GOI et la Fondation, désormais pleinement ETS, auront l’occasion de démontrer leur vocation opérationnelle. Nous appelons nos frères courageux et éclairés à se joindre à cet esprit de réforme et d’action. De notre base, seule une révolution silencieuse mais puissante peut naître, tout comme l’action collective de tout un corps initiatique.

Basile Valentin

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Charles-Albert Delatour
Charles-Albert Delatour
Ancien consultant dans le domaine de la santé, Charles-Albert Delatour, reconnu pour sa bienveillance et son dévouement envers les autres, exerce aujourd’hui en tant que cadre de santé au sein d'un grand hôpital régional. Passionné par l'histoire des organisations secrètes, il est juriste de formation et titulaire d’un Master en droit de l'Université de Bordeaux. Il a été initié dans une grande obédience il y a plus de trente ans et maçonne aujourd'hui au Rite Français philosophique, dernier Rite Français né au Grand Orient de France.

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