Sous le titre de couverture « Massoneria e fascismo », le numéro de novembre 2025 d’Erasmo – Notiziario del GOI déroule une méditation sur la persécution maçonnique et la reconstruction de l’Ordre en Italie. Ouvert par des citations de Dante et de Tolstoï autour du ciel étoilé et de la « vita nuova », il se place d’emblée sous le signe d’une sortie des ténèbres vers la lumière, faisant dialoguer mémoire des lois fascistes, courage des frères et renaissance maçonnique.

Le dossier principal, dans la rubrique « La nostra storia », est consacré au centenaire de la mise au ban du Grande Oriente d’Italia par le régime fasciste. L’article « Il tempo del coraggio » revient sur le décret du 22 novembre 1925 par lequel le Grand Maître Domizio Torrigiani décide de dissoudre les quelque cinq cents loges de l’Obédience, quelques jours avant la loi sur les associations qui interdit de fait la franc-maçonnerie en Italie. Le texte rappelle que cette décision est présentée comme une mesure de protection des frères face aux violences des squadristes et à la dérive liberticide des « lois fascistissimes ».
L’article retrace ensuite la montée en puissance de la dictature, le rôle de Mussolini, l’assaut de Palazzo Giustiniani, la campagne de presse anti-maçonnique, les procès politiques et le confino. Torrigiani, arrêté en 1927 après le procès de Zaniboni et Cappello, devient la figure emblématique du « Gran Maestro martire ». Exil, clandestinité et dispersion des frères à l’étranger sont décrits comme les seules alternatives à la soumission. Le texte insiste sur la contribution des loges en exil à la future renaissance de l’obédience et sur l’aide de la Masonic Service Association américaine après 1945, dans un cadre de solidarité maçonnique internationale soutenue par le président Truman.

Le récit se prolonge jusqu’à la reconstitution du GOI en 1945 et à l’élection de Guido Laj comme premier Grand Maître de l’après-guerre. Le portrait brosse la figure d’un socialiste réformiste et républicain, attaché à la laïcité de l’État, à la lutte contre toute forme de tyrannie et à la reconstruction d’une classe dirigeante démocratique. Il rappelle la position du GOI en 1946, laissant libres les frères dans le choix entre monarchie et république, mais en les invitant à se référer à l’héritage mazzinien.
Autour de ce noyau historique, le numéro donne une large place à la vie interne de l’Ordre. Un article relate à Casa Nathan une tenue de célébration du gemellaggio entre quatre loges (Garibaldi-Pisacane di Ponza-Hod, Savorgnan d’Osoppo, Galileo Galilei et Aletheia), en présence de plusieurs dignitaires, centrée sur une planche consacrée à la justice maçonnique et à l’équilibre entre justice interne et recours au droit profane.

Une autre page présente, à Rome, une cérémonie d’initiation particulièrement mise en valeur : un profane musulman reçoit la lumière dans la loge Adriano Lemmi, initié par un Vénérable Maître de confession juive. Le texte insiste sur la portée symbolique de ce moment dans le contexte des tensions contemporaines entre communautés, et sur la vocation universaliste du GOI au-delà des dogmatismes religieux.
À Milan, la revue rend compte d’une agape rituelle réunissant près de cent frères de seize loges dans la Casa Massonica. L’article parle d’un « rinascimento lombardo » : il met l’accent sur la dimension éducative et initiatique de l’agape, sur la rigueur du cérémonial et sur la volonté de renforcer l’harmonie entre les ateliers autour du nouveau Collège des Maîtres Vénérables.
Un bloc important est consacré à Gaetano Filangieri, présenté comme un « profeta dei diritti ». La revue rappelle sa biographie, sa place dans l’Illuminisme napolitain, sa grande œuvre La Scienza della Legislazione – best-seller européen du XVIIIᵉ siècle –, et son influence sur la naissance du constitutionnalisme moderne et sur le débat américain à l’époque de Franklin. L’article insiste sur l’intuition centrale de Filangieri : les droits fondamentaux doivent être garantis par un texte supérieur à la loi ordinaire, la constitution, qui limite les abus de pouvoir et fixe des garanties non négociables.

Une rubrique News & Views s’ouvre sur la présentation de l’exposition « Dalí. Il sogno del classico » à Rome, mettant en avant le dialogue de l’artiste avec la tradition picturale et le surréalisme, puis sur les vingt ans du MUMEC d’Arezzo, dont une partie des collections est proposée au programme UNESCO « Memory of the World » sur le thème « The Means of Memory ». Le texte insiste sur la fragilité paradoxale de la mémoire à l’ère numérique.

Dans la même rubrique, un article relate la réouverture, à Santa Cruz de Tenerife, du temple maçonnique restauré, après des décennies de profanation et d’abandon depuis la Guerre civile espagnole et la loi franquiste de répression de la franc-maçonnerie et du communisme. L’ensemble offre un contrepoint international au dossier sur fascisme et totalitarismes, en montrant comment la restauration d’un temple s’inscrit dans un travail de mémoire civique.

Les pages « Anniversari » évoquent notamment un concert Sibelius du 25 octobre 1945 et un article sur l’acteur Clark Gable confronté au racisme hollywoodien, prolongeant la réflexion sur les libertés et les droits dans le monde profane. La rubrique « Grande Letteratura » s’arrête sur Tolstoï et la Franc-maçonnerie, en lien avec les citations de Guerre et Paix en ouverture, pour interroger la dimension de quête spirituelle et de renaissance intérieure dans l’œuvre de l’écrivain russe.

Enfin, un « Speciale elezioni » présente le décret du Grand Maître Stefano Bisi fixant au 1ᵉʳ février 2026 l’élection du nouveau Grand Maître et de la nouvelle Giunta pour le quinquennat 2026-2031. Deux listes complètes sont publiées, avec les noms des candidats aux fonctions de Grand Maître, Grands Maîtres Adjoints, Grands Surveillants, Grand Orateur et Grand Trésorier, ainsi que les modalités de vote, incluant la possibilité d’un second tour si aucun candidat n’atteint 40 % des suffrages exprimés. Les curricula des candidats complètent ce dossier institutionnel.
L’ensemble du numéro articule ainsi mémoire de la persécution fasciste, valorisation de figures des Lumières, vie rituelle des ateliers et actualité institutionnelle du GOI, dans une perspective qui lie défense des libertés, universalité des droits et pratique maçonnique contemporaine.

